même adultes (1). Ce droit fut long-temps exercé par la destruction de l'enfant ou par l'exposition. Les historiens, les poètes grecs et romains, et même les philosophes de l'antiquité, sont d'accord pour considérer comme permis ou tolérés les crimes d'infanticide, d'avortement ou d'exposition des nouveaux-nés. Seulement, les magistrats cherchaient à conserver les enfans exposés en les décla rant la propriété de ceux qui les auraient élevés, ou en entretenant aux frais de l'état ceux dont personne n'avait voulu se charger (2). Il était réservé au christianisme d'introduire dans les institutions, dans les lois et dans les mœurs, les principes d'humanité et de justice qui font un devoir du sentiment de la tendresse paternelle, qui punissent l'infraction de ce devoir ou qui suppléent, par une tutelle conservatrice, à l'abandon volontaire des droits et des devoirs de la paternité. Dès son berceau, l'église s'efforça de combattre les ́maximes de la politique païenne à l'égard des nouveauxnés, et de faire disparaître du code des nations chrétiennes, la législation barbare qui autorisait l'avortement, l'exposition et l'infanticide, Ce fut l'an 374 que les empereurs Valentinien, Valens et Gratien prononcèrent des peines contre l'exposition, déclarèrent qu'on pouvait revendiquer les enfans trouvés, et statuèrent la peine de mort contre l'infanticide. Depuis la promulgation de cette loi, l'infanticide direct et immédiat devint très rare. Il n'en fut pas de même de l'exposition qui continua à être très fréquente, parce qu'elle était en quelque sorte autorisée par l'édit rendu par (2) Montesquieu ne connaît aucune loi romaine qui permette d'exposer les enfans. Mais cet usage était général dans l'empire romain, sinon d'après les lois, du moins malgré les lois. Les Germains, au rapport de Tacite, s'abstenaient seuls de l'exposition des enfans. Constantin, en 379, d'après lequel les enfans exposés devenaient les esclaves de ceux qui consentiraient à en prendre soin. C'était sans doute pour les soustraire à la mort que cet empereur les livrait à l'esclavage. Ses intentions humaines sont exprimées dans un autre édit, par lequel il ordonne aux villes d'Italie et d'Afrique de secourir les parens qui déclareraient ne pas pouvoir subvenir aux frais d'éducation de leurs enfans. Selon cet édit, les enfans devaient rester dans la maison paternelle et y être élevés. Mais cette loi ne produisit aucun effet général ou permanent. Ses promesses étaient trop magnifiques, ses moyens d'exécution trop vagues. Elle servit moins à soulager la misère publique, qu'à en faire voir toute l'étendue; mais les enfans exposés trouvaient dans la charité des chrétiens un secours plus efficace. Un grand nombre était sauvé, baptisé, élevé et entretenu aux dépens du trésor public de chaque église. C'est encore ce que font aujourd'hui, autant qu'ils le peuvent, nos missionnaires à la Chine. Les lois des peuples qui envahirent l'empire romain, sur les enfans nouveaux-nés, furent empreintes des principes du christianisme qui se faisaient jour partout à cette époque. De tous ces peuples barbares, un seul imita les Romains en autorisant l'infanticide au moment où l'enfant venait de naître ce sont les Frisons, dont une grande partie tenait encore au culte païen et aux anciennes mœurs. Dans l'empire d'Occident, les enfans trouvés, soustraits à la mort, ne le furent pas à l'esclavage. Charlemagne qui avait assimilé à l'homicide le meurtre des enfans, déclara les enfans exposés esclaves de ceux qui les élèveraient. Il accordait seulement à leurs familles un délai de dix jours pour les réclamer. En suivant ainsi l'exemple de Constantin, il avait comme lui, sans doute, l'intention de conserver la vie et la liberté de ces pauvres créatures; car, dans son capitulaire de 302, exhortant tous ses sujets à la charité, il leur rappelle ces paroles de l'Evangile Qui susceperit unum parvulum propter me, me suscepit. Dans l'empire d'Orient, Justinien, qui défendit l'exposition, rendit aux enfans trouvés une liberté entière. Les progrès du christianisme parvinrent enfin à étendre cette liberté à toute la chrétienté. Une loi de Justinien fournit la preuve que, de son temps, il existait déjà des hospices d'enfans trouvés, comme les capitulaires de Charlemagne annoncent qu'il en existait également dans l'empire d'Occident. L'esprit de-la religion chrétienne avait porté ses fruits aux deux extrémités de l'Europe. Pendant long-temps, la charité religieuse s'était seule occupée de la conservation des enfans trouvés. Ce ne fut qu'en 1452 qu'un édit prescrivit à tout seigneur hautjusticier de se charger de l'entretien des enfans trouvés sur le territoire de sa juridiction. Cette obligation s'étendait au roi pour les justices royales. Aussi les procureurs du roi dans le ressort de ces justices et les procureurs fiscaux dans les autres, eurent grand soin, lorsque parut l'ordonnance de Henri II, d'exiger des filles enceintes des déclarations de grossesse qui plaçaient sous la protection de la loi la vie de l'enfant à naître, à laquelle on attachait alors plus d'importance qu'à l'honneur de la mère déjà si compromis. En 1562, une confrérie s'était formée à Paris sous l'autorité de l'évêque pour secourir les pauvres enfans. Cette association, approuvée par le dauphin régent, fonda, l'année suivante, l'hôpital du Saint-Esprit en faveur des enfans abandonnés. Dans la suite les magistrats ayant voulu y faire placer des enfans trouvés, il fut décidé par lettres-patentes de 1445 que le but de la fondation était seulement de recueillir des enfans pauvres nés en légitime mariage. François Ier fonda, en 1536, un hôpital pour les enfans délaissés des pauvres qui mouraient à l'Hôtel-Dieu. Ces enfans s'appelaient Enfans - Dieu, et depuis EnfansRouges. En 1541, il permit d'y recevoir les enfans orphelins pauvres et indigens de la banlieue de Paris. Quant aux enfans trouvés et inconnus, au profit duquel ce prince autorisait à faire des quêtes, on les y logeait ainsi que nous l'avons déjà dit (1) dans une petite maison nommée la Couche. Il y avait à l'entrée de l'église NotreDame un grabat appelé la crèche, où des sœurs hospitalières exposaient quelques enfans aux heures des offices, et sollicitaient pour eux des dons et des aumônes (2) Mais la Couche ne pouvait contenir qu'un petit nombre d'enfans, et à peine suffisait-elle à ceux de la cité. Comme il y avait alors différens seigneurs ayant haute justice dans Paris, on refusait l'entrée de cette maison aux enfans qui avaient été trouvés dans l'étendue de ces justices, conformément à l'édit de 1442. Cependant l'exécution de cette loi ayant paru barbare en 1532, on taxa les seigneurs de Paris, et l'on admit tous les enfans trouvés de la ville dans un établissement un peu plus vaste. Mais la modicité de la taxe et l'oubli de toute morale, premier fruit des guerres de religion, furent bientôt cause, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, que ce service tomba dans un affreux désordre. Entre les mains de subalternes avides, les enfans devinrent l'objet d'un trafic scandaleux. On les ven (1) Voir le chapitre XI du livre III. (2) « Et jà soit ce que de toute ancienneté c'en ait accoustumé pour les enfans ainsi trouvés et inconnus, quester en l'esglise de Paris, un certain lit étant à l'entrée de la dicte esglise, par certaines personnes, qui des aumosnes et charités qu'ils en reçoivent, les ont accoustumé nourrir et gouverner, en criant publiquement aux passans, par-devant le lieu où les dicts enfans trouvés sont, ces mots : Faictes bien à ces pauvres enfans trouvés. » ( Lettres-patentes du 4 août 1445. ) dait à des bateliers, à des mendians, et, comme disent les mémoires du temps, à des magiciens : le prix courant était de 20 sous. 316 Henri II, pour faire cesser ces désordres déplorables, rendit la célèbre ordonnance de 1556, qui obligeait toutes les filles enceintes à déclarer leur grossesse et leur enfantement devant des témoins dignes de confiance, sous peine de punitions sévères; mais cette mesure fut loin d'atteindre son but et donna lieu, dans son application, à des abus multipliés et affligeans. son On sait que la gloire de faire enfin triompher l'humanité dans la législation concernant les enfans trouvés, appartient, en France, à saint Vincent-de-Paule. Son éloquence, crédit à la cour obtinrent, pour les enfans trouvés, un asile décent et assuré. Il fit affecter à leur entretien des revenus considérables en biens fonds, en rentes sur les domaines et les fermes et en taxes sur les propriétaires et les seigneurs de Paris et des environs. Dès ce moment la législation prit, à l'égard de ces infortunés, un caractère de tutelle et de paternité complet et définitif. Le principe de leur adoption par l'état fut reconnu et ne pouvait désormais être modifié que dans les formes de son application. L'union de la charité chrétienne et de la jurisprudence fut consommée à leur égard.. my L'humanité dut sans doute s'en applaudir. Malheureuse ment ce progrès n'était pas accompagné d'une amélioration analogue dans les mœurs publiques et dans le développement des principes religieux. Les institutions du charitable saint Vincent-de-Paule ne tardèrent pas à donner à l'immoralité une sorte de prime, tant la misère vicieuse s'empressa de les dénaturer. Charles VII semblait avoir prévu dès long-temps ce déplorable résultat, lorsqu'il s'opposait à l'admission des enfans illégitimes à l'hôpital du Saint-Esprit (1). Hozi (1) Voir le chapitre XI du livre IH. |