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commune ou privés définitivement de leur emploi. Le consistoire prononce la suspension, et l'autorité supérieure ministérielle, la destitution et l'exclusion perpétuelle de l'instituteur accusé.

22° Les écoles privées pour l'instruction primaire sont autorisées, moyennant des conditions déterminées par la loi, et sous la surveillance de l'autorité. Ces dispositions sur les écoles privées ne sont pas applicables aux individus choisis par quelques familles pour faire l'éducation de leurs

enfans.

La loi dont nous avons présenté les principales dispositions parut excellente à M. Cousin, et il n'hésita pas à l'offrir pour modèle, sauf toutefois l'obligation imposée aux parens d'envoyer leurs enfans à l'école (obligation qui ne serait peut-être pas encore accueillie par l'opinion publique), et la haute surveillance à accorder aux évêques sur les écoles catholiques.

Les réflexions de M. Cousin sur la participation du clergé à l'instruction primaire, sont un monument assez curieux de l'application de la philosophie éclectique à la politique du moment. Voici comment il s'exprime à cet égard dans sa correspondance avec le ministre de l'instruction publique : « Après l'administration, c'est le clergé qui devrait jouer le plus grand rôle dans l'instruction populaire: comment a-t-il pu négliger et même répudier une pareille mission? Mais c'est un fait déplorable qu'il *faut reconnaître, le clergé est généralement, en France, indifférent ou hostile à l'instruction publique. Qu'il s'en prenne à lui-même si la loi ne lui donne pas une grande influence dans l'instruction primaire, car c'était à lui à devancer la loi et à s'y faire d'avance une place nécessaire. La loi, fille des faits, s'appuiera donc peu sur le clergé; mais si elle l'écartait entièrement, elle ferait une faute énorme, car elle mettrait décidément le clergé contre l'instruction primaire et elle engagerait une lutte déclarée, scandaleuse et périlleuse. Le terme moyen naturel est de mettre le curé ou le pasteur, et, quand il y a lieu, l'un et l'autre à la fois, dans tout comité cantonnal, et l'ecclésiastique le plus élevé de ce département dans le comité départemental. Donner à ces ecclésiastiques la présidence de ces comités, comme l'avait fait la restauration pour ses comités cantonnaux, ce serait vouloir ce qu'elle voulait, que ces comités ne s'assemblent jamais ou s'assemblent en vain (1). D'autre part, exclure les ecclésiastiques de nos comités, comme le voudraient certaines gens qui se croient de très grands philosophes, serait une réaction très mauvaise sous tous les rapports. Il ne faut ni livrer aux ecclésiastiques nos comités ni les en exclure, mais il faut les y admettre parce qu'ils ont droit d'y être et d'y représenter la religion. Les gens honnêtes, raisonnables et considérables, qui doivent composer ces comités, entraîneront peu à peu leurs collégues ecclésiastiques en leur témoignant les égards qui leur sont dus. D'ailleurs, monsieur le ministre, aujourd'hui le clergé est vaincu ; le temps de le ménager, en le contenant, est arrivé. Napoléon n'était pas timide, et pourtant il a traité avec le clergé, comme avec la noblesse, comme avec la révolution, comme avec tout ce qui était puissance réelle; et il faudrait un aveuglement volontaire pour nier que le clergé soit une puissance réelle en France. Il faut donc avoir le clergé, il ne faut rien négliger pour le ramener dans les voies où tout l'engage, et son intérêt manifeste, et sa sainte mission et les anciens services qu'il a rendus à la civilisation de l'Europe. Mais si nous voulons avoir le clergé pour nous dans l'instruction populaire, il ne faut pas que cette instruction soit sans morale et sans religion.

(1) La restauration voulait assurément les conséquences de son ordonnance du 29 février 1816. Les divers ministres qui se sont succédé, n'ont jamais cessé d'appeler, sur cet objet, l'attention et la coopération des autorités départementales et municipales, des conseils généraux, des recteurs d'académie, etc.

Car alors, en effet, le devoir du clergé serait de la combattre, et il aurait pour lui, dans ce combat, la sympathie de tous les gens de bien, de tous les bons pères de famille et du peuple lui-même. Grâces à Dieu, vous êtes trop éclairé, trop homme d'état, monsieur le ministre, pour penser qu'il puisse y avoir de vraie instruction morale sans religion, et de religion sans culte. Le christianisme doit être la base de l'instruction du peuple. Il ne faut pas craindre de professer hautement cette maxime; elle est aussi politique qu'elle est honnête. Nous baptisons d'abord nos enfans et nous les élevons dans la religion chrétienne et dans le sein de l'église. Plus tard, l'âge, la réflexion, le vent des opinions humaines modifient leur pensée première; mais il est bon que cette pensée ait d'abord été empreinte de christianisme; de même l'instruction populaire doit être religieuse, c'est-à-dire chrétienne, et en Europe aujourd'hui, qui dit religion dit christianisme. Que nos écoles populaires soient donc chrétiennes, qu'elles le soient entièrement et sérieusement. Peu à peu le clergé ouvrira les yeux et nous prêtera son concours officieux. En vérité, il semble impossible que de pauvres prêtres, isolés dans les campagnes, dépendant de la population qui les nourrit et avec laquelle ils vivent, échappent long-temps à l'action éclairée d'un pouvoir national, fort et bienveillant. Le haut clergé lui-même vous appartient par la nomination et le temporel. Peu à peu il doit nous revenir. En attendant surveillons-le, mais ménageons-le; ouvronslui nos écoles, car nous n'avons rien à lui cacher; appelons-le à l'œuvre sainte que nous entreprenons. Après tout, s'il s'y refuse, nous aurons absous notre prudence et fait notre devoir; le reste est dans la main de la Providence et dans ses desseins impénétrables sur l'avenir de la société européenne. >>

M. Cousin pense, du reste, qu'il ne faut ni s'opposer à la liberté de l'enseignement primaire, ni trop y compter comme auxiliaire des écoles publiques. « Il ne faut, dit-il, imposer à quiconque veut élever une école primaire, que deux conditions, dont nulle école publique ou privée ne peut être affranchie, le brevet de capacité donné par une commission d'examen et la surveillance du comité cantonnal de l'inspecteur du département. Je supprimerais volontiers le brevet de moralité, comme illusoire et implicitement renfermé dans le certificat de capacité, surtout s'il y a, comme il le faut, un ecclésiastique dans la commission d'examen. »

Le projet de loi concernant l'instruction primaire, préparé par les soins de MM. Cousin et Guizot, fut présenté à la chambre des députés dans la session de 1833.

Les dispositions nouvelles relatives aux écoles primaires, consistaient dans les points ci-après :

10 L'instruction primaire est élémentaire ou supérieure. L'instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les élémens de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.

L'instruction élémentaire supérieure comprend nécessairement, en outre, les élémens de la géométrie et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l'arpentage, des notions des seiences physiques et de l'histoire naturelle applicables aux usages de la vie, le chant, les élémens de l'histoire et de la géographie, et surtout de l'his toire et de la géographie de France. Selon les besoins et les ressources des localités, l'instruction primaire pourra recevoir les développemens qui seront jugés convenables.

20 Tout individu âgé de dix-huit ans accomplis pourra exercer la profession d'instituteur sans autre condition que de présenter préalablement au maire de la commune où il voudra tenir école, 10 un brevet de capacité délivré après examen public par une commission départementale dont les membres seront nommés par le ministre de l'instruction publique); 2° un certificat constatant que l'impétrant est digne, par sa moralité, de se livrer à l'enseignement, délivré sur l'attestation de trois conseillers municipaux, par le maire de la commune ou de chacune des communes où il aura résidé depuis trois ans.

3o Sont incapables de tenir école : 1o les condamnés à des peines afflictives ou infamantes; 20 les condamnés pour vol, escroquerie, banqueroute, abus de confiance ou attentat aux mœurs, et les individus qui auront été privés, par jugement, de tout ou partie des droits de famille, mentionnné aux paragraphes 5 et 6 de l'art. 4 du Code pénal; 50 les individus exclus de l'instruction par jugement du tribunal civil de l'arrondissement.

40 Toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d'entretenir au moins une école primaire élémentaire.

50 Les communes, crefs-lieux de département et celles dont la population excède six mille âmes, devront avoir, en outre, une école primaire supérieure.

60 Tout département sera tenu d'entretenir une école normale primaire, soit par lui-même, soit en se réunissant aux départemens voisins.

70 Il sera fourni à chaque instituteur communal : 10 un local convenablement disposé, tant pour lui servir d'habitation que pour recevoir les élèves; 20 un traitement fixe qui ne pourra être moindre de 200 francs pour une école primaire, et de 400 pour une école primaire supérieure.

80 En sus du traitement fixe, l'instituteur recevra une rétribution mensuelle dont le taux sera réglé par le conseil municipal, et qui sera perçue dans la même forme et selon les mêmes règles que les contributions directes.

90 Seront admis gratuitement dans l'école communale élémentaire ceux des élèves de la commune ou des com

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