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par où nous protestons en général que nous sommes pécheurs, sans spécifier en quoi ni sur quoi nous le sommes: je ne dis pas cette confession mentale et tout intérieure qui se fait à Dieu du fond de l'âme, et qui ne consiste qu'à reconnoître devant lui ce qu'il sait assez et ce que nous ne pouvons lui déguiser; car, bien loin qu'il faille pour cela de grands sentimens et de grands efforts d'humilité, on s'en fait même honneur, et c'est une marque de piété mais je dis cette confession instituée par Jésus-Christ, et dont nous avons l'usage dans l'Église ; c'est-à-dire cette confession où nous descendons au détail des choses; où nous ne nous contentons pas de dire, J'ai péché, mais où nous rendons contre nous-mêmes des témoignages particuliers de tel et tel péché; où nous disons, Voilà ce que j'ai pensé et ce que j'ai fait; voilà la passion qui m'a emporté; voilà le motif, l'intérêt qui m'a fait agir; voilà l'opprobre de ma vie, et c'est en ceci et en cela que j'ai trahi la cause de mon Dieu : enfin cette confession où nous faisons dans le tribunal de la pénitence ce que Dieu fera dans le jugement dernier, lorsqu'il ouvrira toutes les consciences des hommes, et qu'avec un rayon de sa lumière il ira fouiller et pénétrer dans tous les replis de notre âme. Car c'est justement le modèle que notre confession se propose à imiter, comme c'est aussi dans cette vue distincte de nous-mêmes que notre esprit trouve

son humiliation : Disciplina humilificandi hominis. Je dis cette confession que nous ne faisons pas seulement à Dieu, mais à un homme que nous regardons comme l'envoyé de Dieu; à un homme qui de lui-même ne nous peut connoître, mais à qui nous exposons toutes nos foiblesses, toutes nos lâchetés, toutes nos hypocrisies, tout ce qu'il y a de gâté et de corrompu dans notre cœur : nous soumettant à écouter tout ce que le zèle lui dictera, à subir toutes les peines qu'il nous imposera, à observer toutes les règles de vie qu'il nous prescrira. Car qu'est-ce que tout cela, sinon un exercice héroïque de cette discipline humiliante dont parle Tertullien? Disciplina humilificandi hominis.

Et c'est ici, mes chers Auditeurs, que vous pouvez remarquer avec moi la différence qui s'est rencontrée et qui se rencontre encore tous les jours entre l'esprit de l'erreur et l'esprit de la vraie religion. Car l'esprit d'erreur, qui est celui de l'hérésie, étant un esprit d'orgueil, il n'a pu souffrir de confession et de pénitence qui l'humiliât. Qu'a-t-il donc fait? il a secoué le joug de cette confession sacramentelle, qui oblige à déclarer le péché, et qui assujettit le pécheur aux ministres de l'Église, et n'a retenu qu'une ombre de confession, qui n'a rien de difficile ni d'humiliant pour lui. Et quelle humilité en effet de s'appeler simplement pécheur, puisque les plus grands saints ont eux-mêmes tenu

ce langage? Quelle humilité de se confesser à Dieu, à vous, Seigneur, dit saint Augustin, qui ne pouvez rien ignorer de tout ce que je suis, et aux yeux de qui vouloir me dérober ce seroit une folie extrême, puisque, si j'osois l'entreprendre, je mériterois que vous vous tinssiez éternellement caché pour moi, sans que je pusse jamais me cacher à vous. Nam et si confiteri tibi noluerim, te mihi abscondam, non me tibi. Mais, par un esprit tout contraire, l'Église de Jésus-Christ s'est maintenue dans la pratique de cette confession, dont son divin Époux lui a fait comme un sacrement d'humilité ; et plus cette confession lui a paru humiliante pour les pécheurs, plus elle s'y est attachée, parce qu'elle lui a semblé d'autant plus propre à la fin pour laquelle elle ordonne que nous en usions : l'humilité et la pénitence se suivant toujours, et la vraie pénitence ne pouvant être ailleurs que là où se trouve l'humilité la plus parfaite.

Voilà, mes chers Auditeurs, la grande maxime du christianisme; et par cette maxime vous devez voir quel est l'égarement de ceux qui fuient la confession, et qui s'en éloignent pour la honte qu'ils trouvent à confesser leurs péchés. Raisonner ainsi et agir par ce principe, c'est bien se tromper soimême. Vous fuyez la confession et vous vous en dispensez, parce qu'elle porte avec soi une certaine

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DOMINICALES. 111.

honte; et c'est justement pour cela qu'il faudroit l'aimer: car cette honte qu'elle vous cause, vous humilie devant Dieu; et ce qui vous humilie devant Dieu, c'est ce que vous devez chercher dans la pénitence. Ce qui vous a perdu, mon Frère, dit saint Chrysostôme, ce qui a été la source de votre malheur, c'est de n'avoir pas eu assez de honte. Vous vous êtes fait un front de prostituée, comme parle l'Écriture, pour commettre le péché. Il faut donc que ce soit la honte qui commence maintenant votre conversion, et que, pour retourner à Dieu, vous repreniez cette honte du péché que vous aviez perdue. Or vous ne la retrouverez jamais mieux que dans la confession du péché même. Quand j'entends les prédicateurs de l'Évangile faire des discours entiers pour adoucir aux pécheurs ou même pour leur ôter absolument la honte qu'ils peuvent avoir de s'accuser, je l'avoue, Chrétienne compagnie, quoique j'approuve leur zèle, j'ai peine à ne les pas contredire. Car pourquoi, dis-je, ôter aux pécheurs ce qu'il faudroit plutôt leur donner s'ils ne l'avoient pas? Un des grands abus de la confession est de voir s'y présenter certaines âmes sans nulle honte de leurs crimes, et de leurs crimes néanmoins les plus honteux. Comme elles les ont hardiment commis, elles les déclarent avec la même assurance; et vous diriez, à les entendre, qu'elles ont droit de n'en pas rou

gir, parce qu'elles sont d'une qualité et d'un état dans le monde où l'on ne doit point attendre autre chose d'elles. Les ministres de la pénitence savent combien cet abus est aujourd'hui commun. Or cet abus qui va directement à exclure la honte du péché, bien loin de faciliter la pénitence, est une impénitence manifeste, ou du moins en est un signe visible. C'est donc aux prédicateurs et aux confesseurs à y remédier; comment cela ? en inspirant eux-mêmes cette sainte honte à ceux qui ne l'ont pas; et en apprenant à ceux qui paroissent l'avoir, à en bien user; en leur faisant concevoir à tous que c'est l'une des grâces les plus précieuses qu'ils aient à ménager dans ce sacrement. Je sais que cette honte peut quelquefois aller trop loin; mais je consens qu'on la modère alors, et non pas qu'on la détruise. Je sais qu'elle peut fermer la bouche à un pécheur, et lui faire celer son péché ; mais pour le garantir d'une extrémité, il ne faut pas le faire tomber dans une autre car si c'est un excès de cacher son crime par confusion, c'en est un autre encore plus dangereux peut-être de le déclarer sans humilité.

J'ai dit de plus que la confession a cela de propre, qu'elle excite en nous la douleur et la contrition du péché. La raison en est très-naturelle. Car la contrition, disent les théologiens, se forme dans nos âmes par une appréhension vive et une vue ac

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