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tuelle de la grièveté du péché et de sa malice. Or il est certain que nous ne comprenons jamais plus vivement cette malice du péché que quand nous en faisons la déclaration au tribunal de la pénitence. C'est alors que le péché se montre à nous dans toute ́sa difformité; c'est alors que notre esprit en est frappé, que notre cœur en est ému, et que nous pouvons dire avec le prophète royal: Non est pax ossibus meis a facie peccatorum meorum.1 Hors de là nous n'y pensons qu'à demi; et quoique ce péché soit un poids qui nous accable, les idées que nous en avons sont si légères qu'elles ne nous en laissent presque aucun sentiment. Mais quand nous approchons du ministre qui nous doit juger, et aux pieds duquel nous venons nous accuser, vous le savez, mes chers Auditeurs, et l'expérience vous l'aura fait connoître, ces idées si foibles auparavant se réveillent tout à coup, se fortifient, deviennent sensibles, remuent le fond de nos passions, nous attendrissent pour Dieu, nous donnent une sainte horreur de nous-mêmes, nous tirent quelquefois les larmes des yeux. Or ces larmes, selon saint Augustin, ces sentimens tendres, ces mouvemens d'horreur contre le péché, sont les dispositions les plus efficaces et les grâces prochaines de la contrition.

Et voilà l'innocent et le divin secret qu'avoit ✓ Psal. 37.

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trouvé le saint roi Ezéchias pour renouveler dans son cœur l'esprit de pénitence. Que faisoit-il? il parcouroit toutes les années de sa vie, et il confessoit à Dieu toutes ses infidélités. Recogitabo tibi annos meos in amaritudine animæ meæ. Quoique la confession ne fût pas encore érigée en sacrement comme elle l'est dans la loi de grâce, elle ne laissoit pas d'opérer en lui et de le toucher. Cette revue exacte de tout le passé étoit suivie de l'amertume de son âme, et cette amertume étoit la véritable douleur qu'il cherchoit. Recogitabo tibi in amaritudine. N'est-ce pas ce qui arrive encore tous les jours à tant de pécheurs? Leurs cœurs, qui sembloient être endurcis, commencent à s'amollir dès que leur langue commence à parler. Jusque-là on eût dit que ces cœurs étoient fermés, et impénétrables à tous les traits de la grâce; mais à peine se sont-ils ouverts par une déclaration fidèle et entière, qu'après s'être présentés à la pénitencecomme une terre sèche et aride, ils s'en retournent tout pénétrés de la rosée du ciel: pourquoi ? parce qu'ils ont ressenti l'efficace et la vertu de la confession. Tel est l'effet de cette parole si énergique et dont les pères de l'Église nous font tant d'éloges, Peccavi, j'ai péché; de cette parole qui fut la confession et le principe de la justification d'un des plus parfaits et des plus illustres pénitens. Voyez,

Isai. 38.

mes Frères, dit saint Ambroise, combien trois syllabes sont puissantes : Quantum tres syllaba valent!' Cette parole seule changea le cœur de Dieu, parce que d'un Dieu courroucé elle en fit un Dieu propice; et le cœur de David, parce que d'un adultère et d'un homicide elle en fit un saint. Or si elle a fait un saint de David, que peut-elle faire et que doit-elle faire de nous? Car cette courte parole Peccavi est maintenant bien plus efficace encore qu'elle n'étoit alors. Étant devenue une des parties les plus essentielles d'un sacrement auquel JésusChrist a attaché tous ses mérites, elle a une vertu toute divine qu'elle n'avoit pas. D'où il s'ensuit qu'elle doit donc avoir dans la bouche d'un chrétien tout une autre force que dans celle de David. Je ne parle pas au reste, selon le langage et l'expression des libertins, dont je ne ferai point ici difficulté de me servir, je ne parle pas de ce Peccavi présomptueux qu'ils se promettent dans l'avenir, et sur quoi ils fondent l'espérance d'une conversion imaginaire qu'ils n'accompliront jamais; je ne parle pas de ce Peccavi superficiel, qui n'est que sur le bord des lèvres, et qui ne part point du cœur ; je ne parle pas de ce Peccavi contraint et forcé, que la nécessité arrache à un moribond: car tout cela est réprouvé de Dieu. Mais je parle de ce Peccavi sincère et douloureux, qui est le symbole

1 Amb.

de la confession des justes; et pour celui-là, je soutiens qu'il a un don particulier d'exciter en nous la contrition, et par conséquent d'effacer le péché.

Je vais encore plus avant, et je prétends enfin qu'il ne tient qu'à nous que la confession ne commence déjà à expier la peine du péché, et qu'elle ne nous serve de satisfaction pour le péché. Car puisque la confession du péché nous est pénible, puisque nous y ressentons une répugnance qui coûte à surmonter, puisque nous la regardons comme un des exercices du christianisme les plus laborieux, pourquoi ne nous en ferions-nous pas un mérite auprès de Dieu ? et pourquoi ne pourroit-on pas dire de nous ce que saint Grégoire a dit de ce serviteur de l'Évangile, qui, se confessant insolvable aux pieds de son maître, obtint une remise entière de toute sa dette? In confessione debiti invenit debiti solutionem.'

C'est en ce sens que nous devons prendre ce

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que dit saint Ambroise, que la confession du péché est l'abrégé de toutes les peines que Dieu a ordonnées contre le péché : Omnium pœnarum compendium. Il semble d'abord que ce soit une exagération, mais c'est une vérité fondée sur les plus solides principes de la théologie. Comprenez-la ; car il est certain que jamais la justice de Dieu ne perd rien de ses droits, et que de quelque façon que ce Greg. - Amb.

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soit, ou dans l'autre vie, ou en celle-ci, elle tire la satisfaction et la vengeance qui lui est due pour le péché. Or, il est de la foi que le péché mérite dans l'autre vie des peines éternelles, et il est encore de la foi que ces peines éternelles sont acquittées en celle-ci par la confession. Il faut donc que la confession ait quelque chose en soi qui égale, dans l'estime de Dieu, cette éternité de peines, et que toutes ces peines de l'enfer soient, pour ainsi dire, abrégées dans la douleur intérieure d'une âme qui confesse son péché: Omnium pœnarum compendium. Après cela, si nous n'avons pas perdu tout le zèle que nous devons avoir pour l'importante affaire de notre salut, pouvons-nous ne pas aimer une pratique où nous trouvons de tels avantages?

Concluons donc avec le prophète, ou plutôt avec saint Augustin interprétant les paroles du prophète, et les appliquant au même sujet que moi: Confessio et pulchritudo in conspectu ejus.' Prenez garde, dit saint Augustin: ces deux choses ne se séparent point devant Dieu, la confession du péché et la beauté de l'âme : Confessio et pulchritudo. Et c'est dans ces paroles, mon Frère, poursuit le même saint docteur, que vous apprenez tout à la fois et à qui vous pouvez plaire, et par où vous lui pouvez plaire. A qui vous pouvez plaire, c'est à votre Dieu; par où vous lui pouvez plaire, c'est

1 Psal. 95.

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