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plutôt reçu l'absolution, qu'il se trouva saisi d'un saint transport qui le mit hors de lui-même. « Qu'avez-vous, lui dit alors son confesseur? Hélas, répondit-il, que ceux qui croupissent dans. le péché sont malheureux! Je puis assurer que j'ai vécu comme dans un enfer, et au moment où vous m'avez absous, j'ai ressenti une si grande consolation, que je ne crois pas en ressentir une plus grande en paradis (I). »

LEÇON XXIV.

DE LA SATISFACTION.

D. Celui qui a reçu l'absolution, a-t-il encore quelque chose à faire? R. Celui qui a reçu l'absolution, dòit encore réparer l'injure faite à Dieu et le tort fait au prochain par le péché; c'est ce qu'on appelle satisfaction.

EXPLICATION.-Le pécheur touché d'un vrai repentir, et dont la confession a été humble, sincère et entière, est pleinement réconcilié avec Dieu par l'absolution. Mais il ne doit pas croire qu'il ne lui reste plus rien à faire; ik a encore des devoirs essentiels à remplir. Par le péché, il a offensé Dieu, il lui a fait une grande injure: il y a obligation pour lui de la réparer. Par le péché il a pu aussi causer au prochain quelque dommage, lui porter quelque préjudice; et, s'il en est ainsi, il lui doit réparation pour tous les torts qu'il lui a occasionnés; cette double réparation est ce qu'on appelle satisfaction.

D. Qu'est-ce que la satisfaction? — R. La satisfaction est la réparation de l'injure faite à Dieu, et du tort fait au prochain.

EXPLICATION. — Il y a deux choses à distinguer dans la satisfaction, ou, en d'autres termes, la satisfaction a un double objet : la réparation de l'injure qu'on a faite à Dieu, en violant ses lois, et la réparation du tort qu'on a causé au prochain, soit dans sa personne, soit dans sa réputation, soit dans ses biens.

(1) L'abbé Martín, Recueil d'instructions pour la première communion, p. 9o.

D. Si l'on n'était pas dans l'intention de satisfaire à Dieu et au prochain, ferait-on une bonne confession? R. Non; ceux qui,

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en se confessant, ne sont pas dans la résolution de satisfaire à Dieu et au prochain, sont indignes d'absolution, et, s'ils la recevaient, ils feraient un sacrilége.

EXPLICATION.

Dans les premiers siècles de l'Eglise, on n'admettait au bienfait de la réconciliation que ceux qui avaient réparé, autant qu'il était en eux, l'injure faite à Dieu et le tort fait au prochain par leur péché. Aujourd'hui l'Eglise permet d'absoudre ceux qui n'ont pas encore satisfait, mais elle exige que l'on promette et que l'on soit dans la ferme résolution de satisfaire. Cette ferme résolution, que les théologiens appellent la satisfaction dans le vœu, in voto, est une partie essentielle du sacrement, et sans elle il ne peut y avoir de rémission des péchés. Il s'ensuit de ce principe que si un pécheur, en se confessant, n'était pas bien déterminé à satisfaire à la justice de Dieu et à réparer ses torts envers le prochain, il serait indigne de recevoir l'absolution, et s'il la recevait, elle ne remettrait pas ses péchés; il commettrait, au contraire, un horrible sacrilége, et sortirait du tribunal de la pénitence plus coupable qu'il ne l'était en y entrant.

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D. Puisque les péchés sont remis par l'absolution, comment est-on encore obligé de satisfaire à Dieu? R. Parce que, pour l'ordinaire, la peine éternelle que mérite le péché mortel est changée en une peine temporelle qu'il faut subir en cette vie ou en l'autre.

EXPLICATION. Comme nous l'avons déjà dit, (1) il faut distinguer trois choses dans le péché la tache ou laideur qu'il imprime dans l'âme; la coulpe, c'est-à-dire cet état de culpabilité dans lequel se trouve l'âme coupable, et qui la rend un objet ou d'horreur, d'indignation, de haine de la part de Dieu, lorsque le péché est mortel, ou de simple déplaisir, lorsqu'il n'est que véniel; (1) Voir dans le tome II la leçon du péché.

enfin, la dette de la peine, c'est-à-dire ce même état de culpabilité qui met l'âme sous le poids de la justice divine et la rend passible d'une peine proportionnée à son péché. L'absolution efface entièrement et absolument la tâche que le péché avait imprimée dans l'âme, et la fait sortir de l'état de culpabilité où elle se trouvait; elle remet aussi la peine éternelle que Dieu réservait au pécheur dans l'enfer; mais, pour l'ordinaire, cette peine éternelle est changée en une peine temporelle qu'il faut subir en cette vie ou en l'autre. Nous disons pour l'ordinaire, car il peut se faire qu'un pécheur ait un si vif regret de ses fautes, et une charité si parfaite, que Dieu lui remette entièrement et absolument toute la peine qu'il avait méritée (1).

La peine éternelle que méritait le péché mortel est changée, pour l'ordinaire, en une peine temporelle: ainsi s'expriment les théologiens les plus estimés; nous allons citer leurs propres expressions. Commençons par l'auteur de la Théologie de Poitiers : « Par un effet de son >> infinie miséricorde, Dieu substitue une peine temporelle » à la peine éternelle (2). » Dans le sacrement de pénitence, dit le R. P. Thomas de Charmes, « la peine éter»nelle est changée en une peine temporelle, en ce sens » que le pécheur qui, avant de recevoir le sacrement, » méritait une peine éternelle, ne mérite plus, après l'a

(1) Intentio contritionis potest attendi dupliciter, uno modo ex parte charitatis quae displicentiam causat; et sic contingit, tantam intendi charitatem in actu, quod contritio inde sequens merebitur non solùm culpæ amotionem, sed etiam absolutionem ab omni poenâ alio modo ex parte doloris sensibilis, quem voluntas in contritione excitat; et quia illa pœna etiam quædam est, tantùm potest intendi, quod sufficiat ad deletionem culpæ. Quandoque Deus tanta commotione convertit cor hominis, ut subitò perfectė consequatur sanctitatem spiritualem, non solùm remissâ culpá, sed sublatis omnibus peccati reliquiis. (S. Thomas, apud Theodorum à Spiritu Sancto. Tract. dogmat. moral. de indulgentiis, t. I, p. 115.) (2) Substituit enim Deus poenam temporalem æternæ, quod est infinitæ misericordiæ opus. (Theol. Pictav, de satisfact. art. 1.) ;

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» voir reçu, ou après avoir fait un acte de contrition » parfaite, qu'une peine temporelle, puisqu'il est devenu » l'ami de Dieu (1). » — « Presque toujours, dit Reif>> fenstuel, lorsque le péché mortel est remis par la pé>> nitence, la peine éternelle qu'il méritait est commuée » en une peine temporelle (2). » — « L'homme, après » avoir été justifié, dit Théodore du Saint-Esprit, est » encore obligé de faire pénitence; non que la dette de » la peine éternelle subsiste encore, mais parce que la » peine éternelle qui, avant la justification, était due >> au péché mortel, est changée en une peine tempo>> relle (3). »> Le sacrement de pénitence, «< dit le grand Bossuet, est un échange mystérieux qui se fait de la » peine éternelle en une temporelle (4). » Après que >> nos péchés nous ont été pardonnés, a dit le cardinal de La Luzerne, » et que la peine éternelle a été remise par soit » l'absolution, il reste encore une peine à subir, » dans l'autre vie par les peines du purgatoire, soit dans » cette vie par les œuvres satisfactoires; c'est ainsi que >> Dieu concilie ce qu'il donne à sa miséricorde et ce » qu'il doit à sa justice. La clémenco pardonne au pé» cheur, lui rend la grâce, le réconcilie avec Dieu; la » justice exige que l'homme satisfasse, autant qu'il est en >> lui, pour l'offense qu'il a commise. La clémence sub

(1) Pœna æterna mutatur in temporalem, hoc sensu quòd peccator ante susceptionem sacramenti erat dignus pœnâ æternȧ; suscepto verò sacramento, vel elicito actu contritionis perfectæ, dignus est tantùm pænâ temporali, cùm sit amicus Dei. (Theologia universa, à R. P. Thomas de Charmes, edit. undecima, t. I, p. 414.) — (2) Ordinariè loquendo, dimissâ per pœnitentiam culpâ peccati mortalis, remanet aliqua pœna temporalis, in quam pœna æterna peccato mortali correspondens commutatur. (Reiffenstuel, Theolog. moralis, t. II, p. 289.)-(3) Manet post justificationem homo obligatus ad pœnam, non quia pœnæ æternæ reatus persistat, sed quia pœna æterna, quæ ante justificationem peccato lethali debebatur, commutatur in temporalem. (Theodorus à Spiritu Sancto, Tract. de indul. gentiis, t. I, p. 128.) — (4) Bossuet, sermon sur la satisfaction, point.

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»stitue une peine temporelle aux supplices éternels que >> le pécheur avait encourus; la justice demande que » cette peine soit subie (1). » — Bonacina (2), Bellarmin (3), Bergier (4), Libermann (5), le P. Bougeant (6), La Chétardie (7), le P. Pouget (8), Couturier (9), l'auteur du Catéchisme de Nantes (10), l'auteur du Catéchisme. des Deux-Siciles (11), etc., s'expriment, sur ce sujet, dans des termes absolument identiques.

D. Trouve-t-on, dans les saintes Écritures, des exemples qui établissent qu'après que le péché a été remis, il reste une peine temporelle à subir? — R. On en trouve plusieurs.

EXPLICATION.

Le premier exemple est tiré du livre des Nombres. Ceux des Israelites que Moïse avait envoyés pour reconnaître la terre promise, à l'exception. de Josué et de Caleb, « décrièrent, devant les enfants. » d'Israël, le pays qu'ils avaient reconnu, en disant : » Le pays au travers duquel nous avons passé pour le >> reconnaître, est un pays qui dévore ses habitants; » et tout le peuple que nous avons vu est d'une hau>>teur extraordinaire....; nous croyions devant eux » n'être que des sauterelles, et ils nous regardaient de » même. Alors toute l'assemblée éleva la voix; ils je» tèrent des cris et se mirent à pleurer pendant toute la >> nuit suivante; et tous les enfants d'Israël murmurèrent >> contre Moïse et contre Aaron, et toute cette multitude » leur disait: Plût à Dieu que nous fussions morts dans le

(1) Le card. de La Luzerne, Instructions sur l'administration des sacrements, édit. in-12, t. I, p. 175. — (2) Bonacina, De sacram. pœnit., t. I, p. 164. — (3) Bellarmin, Controv. de satisf. — (4) Bergier, Dict. de théologie, art. Satisfaction. — (5) Libermann, Instit. theolog., t. III, De satisfact. — (6) Le P. Bougeant, Exposition de la doctrine chrétienne. — (7) La Chétardie, Catéchisme de Bourges, (8) Le P. Pouget, Catéchisme de Montpellier. (9) Catéchisme de Couturier, t. IV. — (io) L'abbé Mesnard, directeur du séminaire de Nantes. (11) Gourlin, janseniste exalté. Nous avons traité avec assez d'étendue cette question, parce qu'il paraît qu'elle n'est pas bien comprise de tout le monde; nous avons des raisons particu lières pour croire qu'il en est ainsi.

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