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d'Ammon. David retourna avec tout le peuple à Jérusa

lem. «<

Que la pythonisse d'Endor n'était-elle là pour évoquer l'ombre de Samuel ! Il se serait montré content de son second choix. David n'agissait pas, à l'égard des ennemis d'Israël, avec cette mollesse coupable qui avait valu tant de reproches à Saül.

Un si beau triomphe, l'extermination d'un si puissant ennemi, la prise de cette ville qui avait coûté tant d'efforts, les transports de joie de cette génération qui voyait se réaliser en elle le long espoir des générations passées, tout indiquait à David que le moment était venu de frapper un grand coup et d'achever ce qu'avait si bien commencé la déclaration faite par la bouche de Nathan. Par quels signes plus évidents Jéhovah pouvaitil proclamer son abdication en sa faveur ? Était-ce à

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un autre qu'à un successeur que le roi du ciel, abandonnant sa royauté terrestre, pouvait envoyer sans se lasser cette abondance de grâces? Plus de doute, toutes les louanges du psalmiste avaient plu, toutes ses prières étaient exaucées; sa vie et son règne n'auraient plus de fin, et Jéhovah souriait d'avance à l'inauguration qu'il lui ordonnait d'en faire en son nom!

tard à Jérusalem dans la vallée de Ghé-Hinom, dont le grec a rendu assez exactement le nom en le traduisant par yéɛvva Ghé-enna, Géhenne. Aussi ce dernier mot est-il devenu synonyme d'enfer, en tant que localisation du supplice imaginé par David et considéré depuis comme éternel.

Le mélange d'idées religieuses et militaires et la pompe des images que nous trouvons au psaume cx (CIX, selon le canon chrétien), nous donnent l'exacte mise en scène de la cérémonie solennelle dont la prise de Rabba fut l'occasion, après le retour triomphal du roi dans la ville sainte.

Donnons d'abord notre traduction de ce psaume si étrangement défiguré par la plupart des traducteurs. Nous donnerons ensuite nos commentaires. Il est adressé à David (77) qui, ce jour-là, mieux encore que le jour du transport de l'arche, dut s'appliquer à se composer un costume en rapport avec le sens de la cérémonie. C'est le peuple qui semble ici parler sur le ton de l'inspiration; et ce cri populaire, recueilli et rhythmé par les chantres, exprime bien ce que depuis on a rendu par le mot vox populi vox Dei.

1. A David. Parole de Jéhovah à mon seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.

2. Jéhovah étendra de Sion le sceptre de ta puissance. Domine au milieu de tes ennemis.

3. En ce jour où ta force se montre dans le saint ornement (qui te couvre), ton peuple (t'entoure) empressé. Dès le sein de ta mère (tu reçus) l'onction; (ce fut) la rosée de ta jeunesse.

4. Jéhovah a juré et ne se repent pas tu es prêtre

(cohen) à jamais ( éternellement), à la manière de Melchisedech.

5. (0 Jéhovah!) Notre Seigneur, à ta droite, brise les rois dans sa colère.

6. I exécute tes jugements sur les nations remplies de cadavres, et fracasse les têtes sur la terre de Rabba.

7. Il s'est désaltéré du torrent dans le chemin ; c'est pourquoi il relève la tête 1. »

Il n'est pas de psaume à l'occasion duquel les nombreux traducteurs, suivant le sens adopté par chacun d'eux, aient fait meilleur marché des lettres, des pointsvoyelles et des accents toniques du texte, pour les modifier à leur guise 2. Sans quelque altération de ce genre, le

1. L'explication de cet étrange verset peut se trouver dans l'histoire non moins étrange qui est racontée au ch. vi des Juges, v. 5, 6, 7: « Il fit descendre le peuple près de l'eau ; alors Jéhovah dit à Gédéon : Quiconque lapera de l'eau avec sa langue comme le chien lape, tu le placeras à part... » Comme ce furent les trois cents hommes qui avaient lapé ainsi qui combattirent et gagnèrent la victoire, il est permis de croire que cette locution était restée en Israël pour désigner un homme vaillant : «< il boit à même au torrent, et puis il relève la tête. >> 2. Les uns, dans le troisièmé verset changent le ments) en pour le traduire par « montagnes. » Les même verset, suppriment sans façon les deux mots 757 (je t'ai engendré), comme au v. 7 du Ps. II, au lieu de

de 1777 (orneautres, dans le

5, et lisent

(ta jeunesse), introduisant ici une idée qui est, il est vrai, nettement exprimée ailleurs, mais sans doute à une époque postérieure. La plupart enfin, toujours au même verset, négligent complétement l'atnach, accent disjonctif placé sous le mot

. C'est d'ailleurs du sens adopté pour

verset 31 se montre rebelle à toute traduction. Celle que nous avons adoptée nous semble jeter un grand jour sur la véritable pensée de David. La même idée se rencontre du reste fréquemment ailleurs. Se croire et se dire choisi, comme Jacob, dès le sein de sa mère, - quoi de plus naturel de la part de David? De là à imaginer qu'avant de naître il avait été non-seulement l'élu, mais l'oint le messie de Jéhovah, il n'y avait pour lui qu'un pas facile à franchir. Une telle onction étant admise, il devait lui rester peu de doutes sur l'éternité de son héritage.

Il y a une observation bien plus importante encore à faire, c'est que le mot « Seigneur » (*178) qui, répété deux fois (aux versets 1 et 5), s'applique évidemment au même personnage, c'est-à-dire à David, reçoit la

ce dernier mot que naît toute la difficulté. On le fait venir de (aurore), et, soit qu'on en fasse un nouveau mot par l'adjonction du, soit qu'on fasse jouer à celui-ci le rôle de préposition, on laisse à ce sens de «aurore. » Cette idée est si étrangère au reste, et obscurcit tellement le sens général, qu'il ne faut pas s'étonner qu'elle ait été favorable à tant d'interprétations diverses. Puisque tous les traducteurs se sont vus forcés d'altérer plus ou moins le texte en cet endroit, nous avons le droit, ce nous semble, de proposer aussi notre leçon, d'autant plus que la correction qu'elle implique est de très-peu d'importance. Il s'agit seulement de lire, au lieu du mot (unique), le mot très - usité

qui veut dire «< onction, » et qui fournit, sans aucun autre embarras, le sens que nous avons adopté. Il suffit, à peu de chose près, d'ajouter un jambage au pour en faire un 7.

1. Nous avons numéroté les versets, afin que notre commentaire fût plus facile à suivre.

seconde fois la ponctuation que les Israélites nomment kodesch (wp1 saint), et qui ne peut désigner qu'une personne divine. Il faut donc, de deux choses l'une, ou altérer le sens évident du mot, ou reconnaître, dans la façon dont il est écrit et prononcé, une in

1. Au premier verset le mot «< Seigneur » est écrit, et au cinquième. Pour les traducteurs qui admettent au nombre des choses historiques le don de divination, et qui ne voient en David que le plus saint des rois et le plus clairvoyant des prophètes, il n'y a d'autre difficulté que celle de savoir pourquoi le premier 17 n'est pas écrit kodesch, c'est-à-dire de manière à s'appliquer sans hésitation au Dieu qu'il désigne. Mais pour les monothéistes juifs, la difficulté est plus grave; car le mot, ponctué comme il l'est au cinquième verset, ne saurait à leurs yeux s'appliquer à aucun autre qu'à Jéhovah, leur Dieu unique. Ils sont donc forcés de faire passer ici David de la droite à la gauche, et d'appliquer à Jéhovah tout ce qui est dit depuis cet endroit jusqu'à la fin, c'est-à-dire d'en faire l'exécuteur des jugements de David, ce qui renverse évidemment les rôles. Le dernier verset surtout devient inexplicable s'il est appliqué à Jéhovah. Toutes ces difficultés disparaissent si, laissant de côté tout parti pris religieux et n'altérant en rien l'orthographe, on rend à cette cérémonie son vrai et incontestable caractère d'apothéose.

Pour achever notre commentaire nous dirons que, suivant nous, le premier devait être originairement prononcé kodesch comme le second. Mais quand les massorètes eurent à fixer la prononciation en usage de leur temps, les espérances d'immortalité et les essais d'apothéose de David devaient être complétement oubliés, tant il s'était écoulé d'années depuis que pour lui du moins tout cela avait été démontré vain par sa mort. Peu à peu l'usage avait donné au 7 du premier verset la prononciation profane (b), en laissant à l'autre la prononciation sacrée (WTP) qu'on pouvait à la rigueur lui conserver en l'appliquant à Jéhovah. La ponctuation actuelle est la consécration massorétique de la rectification opérée par le temps sur les illusions que David était parvenu peut-être à faire partager à une partie de ses sujets.

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