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serviteurs, en disant Sors, sors, homme de sang, homme méchant. Jéhovah a fait retomber sur toi le sang de la maison de Saül en la place de qui tu as régné; et Jéhovah a donné le royaume dans la main d'Absalon ton fils, et te voilà dans le malheur, car tu es un homme de sang! >>

<«< Abisaï, l'un des fils de Sarvia, dit au roi : Pourquoi ce chien mort maudit-il le roi, mon Seigneur? Permets que j'y aille et que je lui ôte la tête. - Le roi dit : Qu'ai-je à faire avec vous, enfants de Sarvia? S'il maudit, c'est que Jéhovah lui a dit : Maudis David. Et que me servirait-il de l'en empêcher?... Peut-être que Jéhovah regardera mon affliction et me rendra du bien en place des malédictions qu'on m'adresse aujourd'hui. »

Quelle autre chose lui importait en effet? La faveur de Jéhovah recouvrée, tout lui reviendrait à la suite. Aussi ne peut-on douter que ce fût à dater de ce moment, et toutes les fois que s'éveilla depuis. en lui la terrible crainte de s'être aliéné son protecteur et son sauveur, Jéhovah, le gardien de sa vie, que fu

rent composés les fameux Psaumes de la pénitence. Ne l'entend-on pas s'écrier, les genoux ployés et le front dans la poussière :

«Heureux celui à qui le méfait a été remis, à qui le péché a été pardonné! Heureux l'homme à qui Jého

vah n'impute pas son crime 1, et dont l'esprit est sans

fraude 2. >>

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« ..... Je te fais connaître mes péchés, je n'ai pas caché mon iniquité; j'ai dit : J'avouerai mes méfaits à Jéhovah, et toi, tu me les as pardonnés..... Tu es un asile pour moi, tu me préserves de l'angoisse, tu m'entoures de chants de délivrance. (Tu me dis): Je veux t'enseigner et t'indiquer le chemin où tu dois marcher; je te conseillerai l'œil fixé sur toi. Beaucoup de douleurs attendent l'impie; mais celui qui se confie en Jéhovah, la grâce l'entourera. Réjouissez-vous en Jéhovah, et soyez dans l'allégresse, justes; et triomphez, vous tous qui avez le cœur droit. » (Ps. 32.)

<< Aie pitié de moi; car l'homme est haletant après

1. L'apôtre Paul s'appuiera plus tard sur ce passage pour expliquer sa doctrine de la grâce (ad Rom., cap. iv, v. 5-6.) « Lorsqu'un homme, sans faire des œuvres (les œuvres ordonnées par la Torah), croit en Celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice selon le décret de la grâce de Jéhovah. C'est ainsi que David dit qu'un homme est heureux à qui Jéhovah impute la justice sans ses œuvres, (cui Deus accepto justitiam fert sine operibus). » Cette traduction de Paul fixe le sens général du psaume, et ce n'est point sans quelque satisfaction qu'on voit passer de Paul à David la fâcheuse responsabilité d'une telle doctrine.

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2. Le mot traduit ici par fraude, a aussi la signification de relâchement. Si l'on adoptait ce sens, qui paraît plus en rapport avec le commencement du verset, il faudrait entendre par là « un esprit qui ne se lasse pas d'implorer le secours de la grâce. » Le jour où l'on aura substitué la vraie manière de sentir de David à celle qu'on lui suppose, il y aura à revenir sur le sens que cette erreur a fait donner, en l'absence de contrôle, à un assez grand nombre de mots hébreux.

moi; il combat tout le jour et m'opprime. Mes persécuteurs sont tout le jour haletants après moi... Mais lorsque je crains, je me confie en toi... Toi, tu comptes mes alarmes; place mes larmes dans ton outre; ne sont-elles point écrites dans ton livre ?... En Jéhovah je glorifie la promesse qu'il m'a faite; en lui je me confie... Tu as préservé mon âme de la mort; tu as préservé mes pieds de la chute pour que je marche devant toi dans la lumière des vivants. » (Ps. 56.)

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« Détourne ta face de mes péchés e efface toutes mes iniquités... Rends-moi la joie de ton salut... J'enseignerai aux méchants tes voies, et les pécheurs reviendront vers toi... Accueilleras-tu des sacrifices? Je te les offrirais; mais tu ne les agrées pas. Le sacrifice qu'il te faut aujourd'hui, c'est un esprit brisé: Dieu, ne dédaigne pas un cœur brisé et contrit. » (Ps. 51.)

La lyre du poëte, une fois montée sur ce ton, s'y maintenait sans effort; et en quelque nombre que nous aient été conservés les élans écrits de cette contrition. prolixe, on peut, tant ils semblent faciles, se demander si nous les possédons tous.

Cependant, autour d'Absalon, tout se passait comme son père l'avait disposé et prévu. — Chusaï, l'archite, l'affidé de David, avait abordé le jeune prince en criant : « Vive le roi ! celui que Jéhovah et tout Israël ont choisi, à celui-là je serai et avec lui je resterai. Comme j'ai

servi ton père, ainsi je te servirai. » (Samuel, II, ch. xxvI.) A dater de ce moment, Achitophel voit tous ses avis contrecarrés par ceux de Chusaï, qui, fidèle au programme tracé par David, finit par faire prévaloir les siens. L'important était de faire choisir au confiant Absalon le champ de bataille qu'on désirait lui voir adopter. A peine Chusaï y a-t-il réussi, qu'il se hâte d'en informer David en lui dépêchant les messagers qui avaient été désignés d'avance. Achitophel, voyant qu'il ne pouvait empêcher son jeune maître de courir à sa ruine, se retira chez lui, mit ordre à ses affaires et s'étrangla 1.

David emploie le temps qui lui reste à vérifier de nouveau les mesures prises et le terrain choisi; il va même jusqu'à dire : « Moi aussi, je veux combattre avec vous. » Mais comme, suivant la leçon dès longtemps faite, on s'oppose à ce qu'il mette en péril « la lumière d'Israël, » il n'insiste pas et dit : « Je ferai ce qui sera bon à vos yeux; » puis, élevant la voix, il recommande à Joab et aux autres de ménager Absalon. Si l'on considère le peu de cas que Joab fit de cet ordre et le peu de rancune que David lui en garda 2, on ne peut

1. La conduite d'Achitophel, transformée par la prévention qui altère tout dans cette histoire, est devenue une figure prophétique de la trahison de Judas.

2. La mort d'Absalon ne figure point parmi celles dont David avait

s'empêcher de croire que cette recommandation n'était pas bien sérieuse. Il se peut cependant que la mort d'un fils fût considérée par David comme une brèche faite aux garanties d'immortalité qu'il croyait avoir obtenues pour lui et les siens.

« Le combat s'étendit sur toute la surface de la terre (P), dit le texte; la forêt dévora en ce jour plus de monde que n'en dévora le glaive. » Victime, comme tous les siens, des embûches naturelles que le lieu choisi leur opposait à chaque pas, le malheureux Absalon est pris dans les branches d'un arbre et y reste suspendu. Un soldat vient le dire à Joab. « Pourquoi ne l'as-tu pas tué? lui demanda aussitôt celui-ci. Quoi ! lui dit l'autre, « le roi ne t'a-t-il pas recommandé devant nous, ainsi qu'à Abisaï et à Ithaï, de faire attention au jeune Absalon? Si j'avais agi contre sa vie perfidement...» Joab ne le laissa pas achever, tant il avait de hâte, et s'élançant dans la direction indiquée, « il prit trois dards en sa main et les enfonça dans le cœur d'Absalon, qui était encore vivant au milieu du chêne. » Puis, s'adressant à un soldat noir (couschite) désigné sans doute d'avancé pour cet emploi : « Va, dit-il, et dis au roi ce que tu as vu. » Le couschite

gardé rancune à Joab, et dont au moment de mourir, il se fera promettre la vengeance par son fils Salomon. (Voir Rois, liv. I, ch. 11, can. héb.)

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