Page images
PDF
EPUB

ment de la royauté en Israël. Mais la rédaction même de ce passage décèle un écrivain vivant à une époque où le régime monarchique était depuis longtemps un fait accompli...

« La théocratie (entendue dans le sens tout particulier qui vient d'être défini) posée en principe, nous allons en voir découler l'ensemble des institutions mo

1

saïques.

« Jéhovah, en tant que souverain du peuple d'Israël, a un droit légitime à ses hommages. Le culte qu'il convient de lui rendre comme Dieu se confond ici avec les honneurs qu'il est ordonné de lui rendre comme roi, ou, pour mieux dire, le culte n'est que l'ensemble du cérémonial de la cour du monarque divin. Jéhovah (en tant que roi) habite au milieu de son peuple; sa demeure est dans le sanctuaire. L'arche de l'alliance est le symbole de sa présence invisible. C'est entre les deux chérubins qui la couvrent de leurs ailes qu'il est censé résider. Dans le désert, le tabernacle est son palais; plus tard, quand Israël sera en possession de la terre de Chanaan, ce sera le temple1; c'est là qu'on viendra lui rendre

cédemment la date, relativement récente, de la rédaction du Deutéronome. « Aucune époque, dit-il, p. 29, ne semble mieux convenir à la date de la composition de ce livre, que le moment qui vit s'accomplir la réforme religieuse due au roi Josias. Cependant quelques-unes de ses parties se rapportent à des temps plus récents. >>

1. Nous n'avons pas besoin de dire qu'il n'y avait pas encore de

hommage comme au souverain légitime du pays... «La caste sacerdotale est consacrée à présenter à Jéhovah les hommages du peuple; elle représente en un certain sens tous les chefs des familles; le législateur la substitua à tous les premiers mâles d'Israël; c'est en cette qualité qu'ils feront le sacrifice perpétuel dans la maison de Jéhovah. Les prêtres ne sont pas les ministres de Jéhovah auprès du peuple; ils ne lui parlent pas en son nom; ils ne sont pas chargés de lui transmettre ses ordres... Les prêtres sont bien plutôt les mandataires du peuple auprès de Jéhovah. Ils présentent au souverain les vœux de ses fidèles sujets; ils intercèdent pour eux auprès de lui. Dans le cours ordinaire des choses, ils accomplissent pour tout le peuple et en son nom les diverses cérémonies du culte; ils forment ce qu'on pourrait appeler la cour du souverain d'Israël...

« Ce service continuel ne dispensait cependant pas les Israélites de toute obligation de faire personnellement acte de soumission et d'hommage à leur souverain. Chaque chef de famille était tenu de se présenter dans le

temple au moment où commence notre récit. Nous ferons observer que tout ce qui a ici rapport au temple proprement dit, bien que certainement conçu dans ce sens par Moïse, n'a pu avoir un semblant d'exécution qu'à l'époque du second temple. Nous verrons pourquoi.

1. Ordres donnés une fois pour toutes, Moïse ayant cru prévoir tous les cas, si minutieux qu'ils fussent, où le peuple aurait lieu d'en réclamer.

temple chaque année aux trois fêtes solennelles... Let présent qu'il apportait à Jéhovah était tout à fait analogue à ces redevances que, dans le système féodal, le vassal offrait au suzerain duquel il tenait sa terre.

« En comparant les rapports de l'Israélite et de Jéhovah à ceux d'un vassal et de son suzerain, on a une idée parfaitement exacte de la théocratie mosaïque. Comme le suzerain féodal, le Dieu d'Israël est à la fois le maître du sol et des personnes. Quelques-unes des lois les plus importantes du mosaïsme ne sont que des conséquences de ce principe fondamental.

« La terre de Chanaan où le peuple va habiter, appartient en propre à Jéhovah : « A moi est la terre1, » dit-il à Moïse. Il en concède la possession à la famille de Jacob. Chaque membre de cette famille en reçoit une part qui est, pour lui et ses descendants, une sorte de fief héréditaire, relevant uniquement de Jéhovah. Il doit la cultiver et faire hommage des fruits qu'il en retire à celui de qui il la tient. Mais il ne peut en disposer puisqu'il n'en est que le possesseur feudataire. Le législateur a pris

1. Ce passage nous fournit l'occasion de faire observer que le mot (terre, pays), a généralement dans la Bible le sens restreint que nous lui voyons ici. On entend toujours, par exemple, par les extrémités de la terre, l'Égypte, l'Arabie, la Mésopotamie, etc., c'est-à-dire tous les pays qui avoisinaient la Judée. En beaucoup de cas cependant, les traductions laissent supposer que ce mot désigne la planète entière; le plus souvent alors le sens du texte est par cela seul complétement 'altéré.

soin lui-même d'en indiquer la raison en mettant dans la bouche de Jéhovah ces paroles: « La terre (s) ne « sera pas vendue absolument, car la terre est à moi, et « vous êtes étrangers et habitant chez moi1.

« Il devait en être des personnes comme des biens immeubles. Elles étaient, aussi bien que la terre, la propriété de Jéhovah, en tant que roi d'Israël. La même loi qui régissait celle-ci régissait aussi celle-là. L'Israélite ne pouvait pas plus aliéner à jamais sa liberté que son héritage; l'un et l'autre appartiennent également au souverain...

« C'est, enfin, parce que le peuple d'Israël était le royaume de son Dieu et lui appartenait en propre, qu'il ne devait rien y avoir d'impur au milieu de lui... »

La phrase par laquelle nous terminons à dessein cette longue citation, suffit pour indiquer au lecteur par quel lien l'hygiène physique et morale, prescrite par Moïse, se rattache, comme tout le reste de sa législation, au principe qui distingue radicalement cette théocratie de toutes les autres.

L'idée d'un Roi toujours présent, soit dans un sanctuaire extérieurement visible à tous, soit dans la région

1. Il faut bien remarquer cette qualification d'étrangers, qui plus tard, dans la conception d'un nouveau royaume de Jéhovah gouverné par son messie, fut considérée comme devant cesser pour faire place à celle de frères et cohéritiers de ce messie.

dans

du ciel placée au zénith de la Judée, fournit incontestablement un moyen très-puissant pour déterminer les sujets de ce roi à adopter un genre de vie prévu par le législateur, du moment que tous les faits humains sont d'avance classés en deux catégories très-nettes l'une de ces catégories figure, sous la désignation générale de pur, tout ce qui flatte l'œil ouvert du souverain et attire sa faveur, manifestée par le don d'une longue vie; dans l'autre, figure, sous la désignation d'impur, tout ce qui lui déplaît et attire sa colère, manifestée par des châtiments immédiats ou de lentes et cruelles maladies.

Ce qui frappe à première vue dans un tel principe de morale, c'est qu'il est directement emprunté aux procédés ordinaires de la domestication. Il paraît d'autant plus opposé par cela même à l'introduction, au sein de la conscience humaine, de toute lumière directe, de toute vitalité propre, de tout mouvement spontané et libre, de toute condition intrinsèque de développement. Ce qui excuse Moïse, c'est l'élat de dégradation profonde duquel il avait à tirer son peuple; et il est clair qu'il ne manquait à sa législation qu'une issue, une voie ouverte aut progrès, pour que, du point où cette législation aurait amené les premières générations façonnées par elle, la marche en avant eût pu devenir plus facile; mais cette voie manquait si bien que, longtemps après, les conti

« PreviousContinue »