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se met à courir. Mais Achimaas, fils de Sadoc, ne veut pas qu'un autre que lui soit porteur d'une si importante nouvelle; et, malgré tout ce que Joab peut dire pour l'en dissuader, il part et court si bien qu'il devance le couschite. Bien en prit à celui-ci; il échappa par là au sort qui lui était réservé, ainsi qu'à tous les messagers de ce genre, destinés à expier par leur mort la mort qu'ils annonçaient.

A peine informé de la nouvelle, le roi fait éclater sa douleur. « Il monta à l'appartement au-dessus de la porte, et pleura. Et il disait ainsi en marchant : Mon fils Absalon! mon fils! mon fils Absalon! que ne suis-je mort à ta place, Absalon! mon fils! mon fils! (ch. xix, v. 1.). Le peuple avait peine à s'expliquer un si violent désespoir succédant à des dispositions si bien prises en vue du résultat obtenu. Joab parvient à calmer ce désespoir, et reproche à son maître, non sans quelque ironie, ce semble, de trop «aimer ses ennemis 1. >>

Le massacre qui venait d'avoir lieu était de ceux qui suffisent pour mettre fin à une guerre. Il ne restait plus qu'à s'assurer des dispositions des habitants de Jérusalem; mais bientôt Sadoc et Abiathar, qui y étaient restés, et Amassa, que les promesses de David avaient ramené

1. Le mot est resté; en sorte que David passe aux yeux de quelques-uns pour un modèle bon à suivre en ce genre de vertu!

à lui, lui envoient dire que l'on peut y rentrer sans crainte.

Le roi se met alors en marche vers sa capitale, et tient à signaler son retour par toute espèce de bienfaits. La première occasion lui en est offerte par Séméi, qui, à l'endroit même où naguère il l'avait accablé d'injures, se jette à ses pieds pour lui demander grâce. De nouveau le fougueux Abisaï veut s'élancer sur celui qui a maudit l'oint de Jéhovah; mais David l'arrête encore : Il ne mourra personne en ce jour, dit-il. « Ne sais-je pas qu'aujourd'hui je suis Roi d'Israël? » Ce mot reprenait sans doute dès ce moment à ses yeux toute la valeur que ses rêves de royauté éternelle étaient parvenus à à lui donner. « Le roi dit à Séméï: Tu ne mourras pas, et il le lui jura 1. » Puis, ce fut au tour du cul-de-jatte Méphiboseth, à qui il jugea bon de donner tout de suite un nouveau témoignage public de sa fidélité à ses anciennes promesses.

Tout semblait donc faire de ce retour un véritable triomphe. Un fâcheux accident faillit tout compromettre. Après le passage du Jourdain, une querelle éclate entre les gens de Juda et ceux d'Israël, et l'un

1. Nous renvoyons tout de suite les lecteurs pour qui cette magnanimité serait trop difficile à comprendre au passage que nous citons dans une des notes précédentes, au sujet de Joab. (Rois, liv. I, ch. II, cant. héb.).

de ceux-ci, Séba, fils de Bochri, « après avoir sonné de la trompette, s'écrie: Nous n'avons point de part à David; est-ce pour nous qu'est l'héritage du fils de Jessé? Chacun a sa tente, Israël ! » Et tous ceux d'Israël qui étaient là suivirent Séba. Combien cette menace d'une si notable diminution dans son héritage ne dut-elle pas altérer la joie de la rentrée du roi dans la ville sainte! Mais ces germes persistants de scission entre Israël et Juda n'eurent pas pour le moment de suites graves. On ne tarda pas à ourdir heureusement une trahison contre Séba parmi les habitants de la ville où il s'était enfermé; on lui trancha la tête; et Joab, qui avait été chargé de cette expédition, put revenir à Jérusalem auprès du roi. Comme il avait eu le soin, peu de jours auparavant, de se débarrasser de la rivalité naissante d'Amassa1, « il resta chef de toute l'armée. Bénaïas, fils de Joïada, commandait les Créthi et les Péléthi. Adoram était pour l'impôt, et Josaphat, fils d'Ahilud, chancelier; Siva, secrétaire; Sadoc et Abiathar, cohenim. Ira de Jaïr était cohen de David. >>

Par ces quelques mots qui terminent brusquement l'épisode dont nous venons de donner un résumé rapide, on peut voir que bientôt après la rentrée de David

4. Amassa avait joué dans l'affaire d'Absalon le rôle d'Abner dans celle d'Isboseth. Aussi sa mort devait rester dans la mémoire de David comme un grief presque égal à celui de la mort d'Abner.

à Jérusalem les choses se trouvèrent à peu près rétablies dans leur état antérieur. Mais on ne peut douter qu'un tel échec n'ait rendu l'oint de Jéhovah plus défiant, plus inquiet pour sa vie, plus assidu dans ses exercices pieux, plus louangeur dans ses psaumes. Il lui fallait avant tout la certitude d'avoir reconquis tout entière cette indispensable faveur du ciel dont il n'avait eu que trop sujet de se croire un moment dépossédé. Plusieurs psaumes, s'ils sont de lui, nous font voir à quelle hauteur d'inspiration sut alors se monter sa verve, et quel brillant parti ce genre de poésie peut tirer des apparences célestes.

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« Les cieux racontent la gloire du Puissant, et le firmament annonce l'œuvre de ses mains. Le jour parle au jour, et la nuit à la nuit fait connaître la science. Nul discours, point de parole dans lesquels on n'entende leur voix. Leur son 1 retentit par toute la terre; à l'extrémité de l'univers sont leurs propos. Parmi eux il a fait une tente pour le soleil. Et lui (le soleil), comme le nouvel époux sortant de sa chambre, se réjouit comme le héros pour parcourir la carrière. Il part d'une extrémité des cieux, et sa course s'étend jusqu'à l'autre ex

1. Le mot hébreu veut dire cordon, corde. Ce n'est que par une extension très-forcée qu'on en tire l'idée de son. En lui restituant son sens réel, on exprimerait peut-être exactement l'idée que l'auteur du psaume se faisait de la cause des mouvements célestes.

trémité; rien ne se dérobe à sa chaleur.» (Ps. 19.)

Il avait aussi à rétablir son prestige ébranlé aux yeux de son peuple et des nations voisines. Nous citons d'autant plus volontiers l'un des psaumes composés dans ce but, que rien ne saurait être plus propre à nous initier dès à présent à la claire intelligence du cycle littéraire ouvert par David. Nous y trouvons, condensé en quelques mots, le thème sur lequel seront brodées toutes les prophéties. Nous soulignons exprès les passages qui, depuis, ont le plus prêté carrière à l'imagination.

« Je louerai Jéhovah de tout mon cœur; je raconterai toutes tes merveilles. Je me réjouirai et je triompherai en toi; je chanterai ton nom suprême. Quand mes ennemis rétrogradent, qu'ils chancellent et disparaissent devant toi. Car tu diriges mon droit et ma justice, tu es assis près du trône 1, juge équitable. Tu châties les nations, tu fais périr l'impie; tu effaces leur nom pour toujours et éternellement. O (terrible) ennemi! les ruines accomplies par toi sont pour toujours; les villes que tu as anéanties le souvenir en a disparu. Et Jéhovah demeure éternellement; son trône est fondé pour le jugement, et il jugera

y

1. On traduit ordinairement

avait

Mais la préposition

? par « sur le trône, » comme s'il exprime plutôt l'idée de « près, »

que celle de « sur. » David veut dire sans doute: Tu te places près du trône de ton messie, et les jugements qu'il rend, il les rend en ton nom.

- Ce sens explique très-bien les prédictions messianiques qui se sont rattachées à l'idée de jugement.

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