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rieures, à l'extension des relations, à la fréquence des voyages, et à mille autre causes de ce genre qu'était due l'imminence plus ou moins sensible du résultat que nous venons d'indiquer? Nous ne le croyons pas. Car, en quel temps la lecture assidue de la Torah fut-elle plus recommandée et pratiquée en Israël? En quel temps vit-on plus de disciples empressés s'attacher de quelque maître habile à interpréter les Écritures? Non; c'est en quelque sorte sur place, dans l'intérieur même du cercle mosaïque légèrement élargi par la tradition, que la raison individuelle parvenait avec effort à faire pénétrer quelque lumière.

aux pas

Pourquoi ces mêmes efforts ont-ils si souvent abouti aux puérilités inqualifiables, aux inepties dogmatiquement énoncées que nous trouvons dans les Agadoth du Talmud ? C'est que le peuple juif, politiquement rétabli sur un assez bon pied par les Asmonéens, ne s'est pas trouvé assez longtemps en face des nécessités instructives qui s'attachent à la constitution d'une société autonome. Il a cessé d'exister comme nation au moment même où ses docteurs commençaient à entrevoir le seul élément individuel d'une société durable: la responsabilité devant la conscience.

Le livre d'Aboth, fragment de la Mischna, nous a conservé d'excellentes sentences des Rabbi les plus re

nommés. Voici quelques-unes des plus pratiques parmi celles qui se rapportent à cette époque.

« Schémaia disait : Aime le travail; fuis les grandeurs, et ne te soumets pas au caprice des puissants1. — Abtalion disait Sages qui instruisez les autres, soyez prudents dans vos discours, afin que les disciples qui vous suivent et qui aspirent vos paroles ne soient pas exposés à en mourir.— Hillel et Schammaï ont reçu la tradition de ceux-ci. Hillel disait : Imite les disciples d'Aaron, aimant la paix, recherchant la paix, aimant les hommes et les appliquant à l'étude de la Torah. Il disait encore : Celui qui recherche la célébrité la perd; celui qui n'augmente pas sa science la diminue; celui qui reste ignorant et abruti n'est pas digne de vivre. Il disait encore: Ne t'éloigne pas de la chose publique; ne réponds pas de ta vertu avant le jour de ta mort; ne juge ton prochain que lorsque tu te trouveras dans sa position... » etc. (Traité d'Aboth, passim).

Ce petit traité suffit pour donner une idée des continuels entretiens des Rabbi de ce temps avec leurs disciples, et des enseignements moraux qui étaient ainsi, sous prétexte de tradition, ajoutés à la Torah.

Combien nous aimerions à retrouver aujourd'hui,

1. La même idée est exprimée par Tacite, dans sa peinture des mœurs juives: «Non regibus hæc adulatio, non Cæsaribus honor. »

dans les écoles juives d'alors, quelque intelligente glose des doctrines de ce Jésus, fils de Sirach, dont les trop métaphysiques sans doute, n'ont pas été conservées dans leur langue et ne figurent pas au canon hébreu!

œuvres,

A nos yeux, l'élite de la population de Jérusalem, celle qui se tenait à l'écart des passions qui bouillonnaient autour du temple, devait être la représentation plus ou moins exacte de cette émanation du génie national, pure en apparence de tout emprunt, mais déjà si éloignée de la source primitive que, pour la caractériser, il faudrait avoir recours aux comparaisons de Josèphe. La doctrine des Esséniens n'était sans doute aussi qu'une forme dérivée de l'enseignement du fils de Sirach. Montrons, à l'aide de quelques citations, comment les idées d'un penseur quelque peu échappé au joug mosaïque avaient pu, à la fois, donner naissance à une secte ascétique et aux vertus privées et publiques de citoyens peu différents de leurs contemporains d'Athènes

et de Rome.

Les enfants de la sagesse forment l'église

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1 des

de l'hébreu .

Ce mot reparaît fré

1. Eglise, assemblée quemment dans l'Ancien Testament: 7 bp l'assemblée, l'église de Jéhovah; il n'a pas d'autre sens dans la bouche de Jésus et de Paul. Le sens que ce mot a acquis depuis implique l'introduction, au sein du cycle davidique, d'une idée entièrement nouvelle.

justes... Mon enfant, accomplis tes œuvres avec douceur, et tu t'attireras non-seulement l'estime mais l'amour des hommes. » (Ch. ш.!

<<< Mettez vos pieds dans les fers de la sagesse, et engagez votre cou dans ses chaînes... Cherchez-la avec soin, et elle vous sera découverte; et, quand une fois vous l'aurez embrassée, ne la quittez point: car vous y trouverez à la fin votre repos, et elle se changera pour vous en un sujet de joie.» (Ch. VI.)

Les relations normales de la famille, cette pierre fondamentale de toute construction sociale, ont-elles jamais été décrites en termes plus touchants et plus justes?

« Écoutez, enfants, les avis de votre père, et suivezles de telle sorte que vous soyez sauvés. Car Dieu a rendu le père vénérable aux enfants et il a affermi sur eux l'autorité de la mère. Celui qui honore sa mère est comme un homme qui amasse un trésor. Celui qui honore son père trouvera sa joie dans ses enfants. Honorez votre père par actions, par paroles, et par toute sorte de patience. La bénédiction du père affermit la maison des enfants, et la malédiction de la mère la détruit jusqu'aux fondements. Mon fils, soulage ton père dans sa vieillesse, et ne l'attriste pas durant sa vie. Combien est infâme celui qui abandonne son père, et combien est maudit de Dieu celui qui aigrit l'esprit de sa mère. » (Ch. m.)

« Le mari d'une femme qui est bonne est heureux, et le nombre de ses années se multipliera au double. La femme forte est la joie de son mari, et elle lui fera passer en paix toutes les années de sa vie. La femme vertueuse est un excellent partage; c'est le partage de ceux qui vénèrent Dieu; et elle sera donnée à un homme pour ses bonnes actions. Qu'ils soient riches ou pauvres, ils auront le cœur content, et la joie sera en tout temps sur leur visage. » (Ch. xxvi.)

Le fils de Sirach avait poussé très-loin ses méditations sur les principes secrets des choses et sur la puissance ordonnatrice de qui elles tiennent l'être; et l'on aperçoit toute une cosmogonie nouvelle dans les lignes que voici :

« Je te représenterai les merveilles que Dieu, dès le commencement, a fait reluire dans ses ouvrages, et je t'apprendrai à le connaître dans la vérité. Dieu, dans sa sagesse (in judicio, dans son jugement, dans ses prévisions), a formé d'abord ses ouvrages; il a distingué leurs parties du moment qu'il les a institués, et les a placés pour subsister dans le temps qu'il leur a marqué. Il les a ornés pour jamais et les a conduits dans leurs mouvements qu'ils ont continues sans interruption, sans aucun nouveau besoin et sans fatigue. Jamais l'un n'a pressé ni dérangé l'autre. » (Ch. XVI.)

Quant aux rapports de la divinité avec l'homme et

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