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les faveurs signalées qui devraient manifester l'adhésion de Jéhovah à son nouveau plan.

Bien qu'il habitât la montagne d'Ephraïm, il faut remarquer que sa famille était originaire de Bethléem 1, et que par conséquent des liens de parenté ou d'affection pouvaient l'unir à la famille de Jessé. Plus est solennelle et théâtrale la manière dont le passage de la Bible, cité plus haut, nous présente le récit de l'onction de David, moins nous devons douter que le vieux juge ne connût à fond l'homme qu'il venait de choisir, et dont la jeu-. nesse n'avait pu manquer de donner déjà des gages de ce qu'il devait être plus tárd2. En suscitant un tel rival

1. Suph ou Tsouph, ancêtre de Samuel, était Éphratite, c'est-àdire d'Éphrata, nom ancien de Bethleem. (Samuel, liv. I, ch. 1er, v. 1.)

2. Nous ne possédons qu'un mot capable de nous renseigner sur la première jeunesse de David; mais il est net, formel et caractéristique. Personne n'était d'ailleurs en meilleure situation pour bien connaître David, que celui par qui ce mot fut dit, car c'était son frère. « Je connais, lui dit celui-ci (Samuel, liv. I, ch. xvn, v. 28), 7777 ton orgueil (le mot 777 a beaucoup de significations qui toutes impliquent une personnalité impérieuse et capable de tout pour arriver à ses fins),

.et ton mauvais coeur וְאֵת רֹעַ לְבָבֶךָ

:

Nous devons dire que nous n'avons bien pénétré le fond de cette nature que le jour où, en tenant compte de la différence des temps, des lieux et des mœurs, notre esprit a été amené, comme malgré lui, à former un rapprochement entre le fondateur de la petite monarchie juive et notre roi français Louis XI. Ce rapprochement peut paraître étrange, et rien ne semble d'abord faire prévoir les indications utiles qu'il est possible d'en tirer; ces indications sont cependant on ne peut plus exactes et frappantes; et nous nous en sommes assuré par tant de contrôles spéciaux et en nous plaçant à tant de points de vue divers,

au candide Saül, il était en droit de penser que, dans le cas où Jéhovah continuerait à se montrer favorable à l'établissement d'une autre royauté que la sienne en Israël, le brillant avenir politique rêvé par Moïse pour son peuple pourrait encore se concilier avec un régime si différent en apparence de celui qu'il avait voulu instituer. Mais à quelles conditions et en vertu de quelle modification y avait-il chance d'obtenir le résultat voulu? c'est ce qu'il importe de bien comprendre, car, si cette combinaison ne naquit pas immédiatement dans le cerveau de Samuel, elle était en quelque sorte enfermée en germe dans la situation même.

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Tout le système dé Moïse était, comme nous l'avons vu, groupé autour de cette idée principale: un roi divin, -c'est-à-dire IMMORTEL et toujours présent, seul possesseur du sol et des personnes; et l'ensemble entier du système était si bien lié dans toutes ses parties qu'il paraissait impossible d'y rester fidèle en y introduisant des rôles et des agents nouveaux. Il y avait cependant peutêtre un moyen, mais un moyen unique, de créer en Israël une autorité politique viable, sans altérer trop profondément le principe logique de cette autorité; il y

qu'en l'absence de documents précis sur la jeunesse de David, nous n'hésitons pas à renvoyer le lecteur à l'histoire de celle de Louis XI, certain que nous sommes qu'aucune lecture n'est plus capable que cellelà de le préparer à la curieuse étude que nous allons faire avec lui.

avait peut-être un titre sous lequel il serait permis à un roi humain de succéder à Jéhovah; mais ce titre, don gratuit de la grâce divine 1, ne pouvait être obtenu que de Jéhovah lui-même ; c'était le titre d'HÉRITIER. En d'autres termes, si ce royaume d'un Dieu pouvait passer aux mains d'un homme, ce n'était que sous une seule forme, sous la forme de l'héritage. (Il n'est pas inutile d'observer ici que l'un des mots hébreux qui expriment l'héritage, ou la possession par legs, est le mot iérouscha.)

ou ang

La difficulté théorique écartée, restait la difficulté pratique : la popularité dont jouissait Saül ne permettait pas à Samuel de le contrecarrer en face et de le déposséder avec trop d'éclat, même au nom de Jéhovah. Il fallait donc user de ruse, et sur ce point nul ne pouvait en remontrer au jeune fils de Jessé. Ses instructions données et la cérémonie de l'onction accomplie, Samuel n'avait donc plus qu'à préparer l'entrée en scène de son intelligent protégé et ensuite à le laisser agir.

Afin de ne point perdre de vue les instructions que nous supposons avoir été données à David, il est bon de les résumer en quelques mots; elles devaient se réduire à deux points arriver le plus tôt possible à supplanter Saül dans l'opinion populaire; et obtenir, par la prière

1. Nous n'avons pas besoin de faire observer que nous touchons ici en passant à l'origine même du DROIT DIVIN.

et la recherche assidue de ce qui était le plus propre à plaire à Jéhovah, assez de gages de sa faveur pour être autorisé à se prévaloir d'une sorte de testament (AN13, Siatńxn 1), équivalant à l'investiture des droits nécessaires à l'exercice de la royauté.

Ce dernier point, que nous verrons bientôt se dessiner de plus en plus nettement dans la pensée de David, avait besoin d'être exposé dès le début de cette étude; car c'est de lui que dépend principalement la claire intelligence de toute cette histoire 2.

Nous venons de faire entendre qu'aucun Israélite de ce temps n'était aussi bien doué que David pour

1. Le verbey dont le sens est fixé (Genèse, ch. XLIX, v. 29 et 33, et ch. L, v. 16), est celui dont David se servira constamment pour exprimer ses droits au trône. Nous aurons soin de le faire remarquer au lecteur dans l'occasion. L'hébreu moderne a adopté pour exprimer testa

צואה ment le mot

Est-ce d'instinct ou de parti pris que l'idée de testament dian a été substituée par les Septante à l'ancienne idée d'alliance? Quoi qu'il en soit, aucun autre mot ne pouvait, avec les qualificatifs ancien et nouveau, caractériser plus exactement la conception greffée à ce moment sur la conception mosaïque.

2. L'étude approfondie de tous les personnages qui figurent dans cette histoire nous autorise pleinement, devant nous-même, à leur prêter ces prévisions qui pourront d'abord ne pas paraître suffisamment justifiées. Mais, à supposer que ces prévisions n'aient pas existé, la suite des événements reste la même et n'en exige pas moins, pour être explicable, la naissance successive des rêves que nous supposons introduits spontanément dans le cerveau de Samuel par une série de conséquence appliquées à l'idée de Moïse modifiée.

arriver successivement aux deux buts qui lui étaient proposés. La suite de cette étude justifiera notre dire à l'égard de ses dispositions naturelles, en les montrant à l'œuvre. Quant à l'éducation qu'il avait pu recevoir, il est nécessaire de nous y arrêter un peu.

La pratique du lévirat (mariage de la veuve avec le plus proche parent du défunt) observée par l'aïeul paternel de David, pratique antérieure à Moïse, nous montre que si cette famille avait pu, par indifférence ou par oubli, contrevenir à un ordre formel du législateur en introduisant une Moabite dans son sein 1, elle était au contraire fidèlement attachée aux plus anciennes coutumes de ses pères. Cette indication nous amène à une observation essentielle : c'est que, pour cette famille comme pour la plupart sans doute de celles de cette époque, il ne devait y avoir qu'un monument écrit qui pût servir,

grâce à la multiplication probable des exemplaires, — à la transmission des idées d'une génération à l'autre et à l'enseignement domestique. C'était la collection des récits de diverses mains, qui, retouchés et coordonnés plus tard, ont, sous le nom de premier livre (Genèse), été réunis, ainsi que le cinquième (Deutéronome), aux écrits

1. L'aïeule de David était la Moabite Ruth, que Booz avait épousée au mépris de la défense qui interdisait à jamais toute alliance avec la race incestueuse de la fille aînée de Loth.

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