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« L'a-t-on donc appelé Jacob parce qu'il m'a déjà supplanté deux fois? Il m'a pris mon droit d'aînesse, et maintenant il vient de prendre ma bénédiction. Ne m'as-tu pas réservé de bénédiction, mon père? Isaac répondit et dit à Ésaü: L'ayant institué ton seigneur, lui ayant donné tous ses frères pour serviteurs, l'ayant pourvu de blé et de vin, va donc, mon fils, que puis-je faire pour toi ? »>

Le personnage qui devait surtout attirer l'attention du jeune lecteur était cet Abraham dont le mérite avait déterminé l'Élohim du ciel à former avec lui l'alliance. indissoluble qui, après huit siècles d'attente, allait peutêtre enfin produire d'éclatants effets.

ou

De Harane où était mort son père, Abraham plutôt Abram était venu dresser ses tentes dans le

pays de Chanaan; mais, peu de temps après, une famine l'avait obligé de passer en Égypte.

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Lorsqu'il fut près d'y arriver (Genèse, ch. xii, v. 11), « il dit à sa femme Saraï Je sais que tu es une femme de belle apparence. Il arrivera que lorsque les Égyptiens te verront, ils diront: Cette femme est à cet homme-là. Ils me tueront,

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et toi ils te laisseront vivre. Dis plutôt que tu es ma

sœur, afin qu'on me traite bien à cause de toi, et qu'à cause de toi aussi on me laisse en vie.

« Abram étant arrivé en Égypte, les Égyptiens regar

dèrent la femme parce qu'elle était très-belle. Les grands de la maison de Pharaon la virent aussi et la louèrent devant Pharaon. La femme fut transportée dans la maison de Pharaon.

« On fit du bien à Abram à cause d'elle; et il reçut des brebis, du gros bétail, des ânes, des esclaves, des servantes, des ânesses et des chameaux.

« Après cela Jéhovah affligea Pharaon et sa maison de grandes plaies pour le fait de Saraï, femme d'Abram. Pharaon fit appeler Abram et lui dit: Quelle chose as-tu faite? Pourquoi ne m'as-tu pas dit: C'est ma femme? Pourquoi as-tu dit: C'est ma sœur? C'est pour cela que moi je l'avais prise pour femme. Maintenant que c'est ta femme, emmène-la et va-t'en.

<< Pharaon lui assigna des hommes; ils l'escortèrent lui, sa femme et tout ce qui était à lui. Abram remonta de l'Égypte... Il était très-riche en bétail, en argent et

en or. >>

Venait ensuite la scène capitale de ce récit; et, pour s'en faire une idée, David n'avait qu'à gravir les hauteurs qui dominent Bethleem. De là son regard pouvait embrasser presque tout le territoire promis à son ancêtre. Jusque-là la promesse n'avait été que bien incomplétement tenue. Était-ce sur sa tête enfin qu'elle allait recevoir sa pleine exécution?

«Lève les yeux, avait dit Jéhovah à Abram (Genèse,

ch. xi, v. 14), et regarde de l'endroit où tu es, vers le nord, le midi, le levant et le couchant. Tout le pays que tu vois je le donnerai à toi et à ta postérité pour toujours. Je rendrai ta postérité comme la poussière de la terre. Que si quelqu'un peut compter la poussière de la terre, il pourra aussi compter ta postérité. Lève-toi, parcours le pays en long et en large, car c'est à toi que je le donnerai 1. >>

Qu'avait fait Abram après cela? - Il s'était établi << dans le bocage de Mambré qui est près d'Hebron, et y avait bâti un autel à Jéhovah. » On peut croire que dès ce moment David arrêta dans son esprit que, sa royauté une fois reconnue, il en établirait le siége à Hébron, afin de se poser en successeur immédiat et en héritier direct de la possession promise. Nous le verrons aussi, à l'exemple d'Abraham, mais contrairement aux prescriptions de Moïse, y élever un autel à son Dieu.

1. Peut-être, pour se confirmer dans ses espérances, David, devançant les commentateurs futurs, faisait-il déjà, à propos de ce passage, — fondement unique de tout l'Ancien et de tout le Nouveau Testament, — l'observation qué devait faire plus tard le premier martyr Étienne, et qui devait aussi, sous diverses formes, être prise en grande considération par l'apôtre Paul. « Jéhovah, dit Étienne (Actes des Apôtres, ch. vii, v. 5), ne donna aucun héritage à Abraham, non pas même où poser le pied, mais il lui promit de lui en donner la possession, et à sa postérité après lui, lorsqu'il n'avait encore point de fils. » Tant que la promesse n'était pas tenue, le fils en qui elle devait se réaliser devait être considéré comme ne s'étant pas encore manifesté, et David avait bien pu se dire dès lors : Est-ce moi qui serai ce fils?

Non content de cette première promesse, Jéhovah avait voulu s'engager plus étroitement encore en la renouvelant sous la forme d'une alliance. Et Abraham luimême, s'il se fût proposé de s'entourer du plus redoutable prestige, n'eût pas formulé cette alliance en termes plus favorables à ses projets. Il s'agissait cette fois d'un héritage perpétuel 2.- Serait-ce donc du moment où David en serait le titulaire que la concession retardée jusque-là acquerrait la perpétuité?

L'Elohim lui adressa ces paroles: C'est moi; mon alliance est avec toi, tu seras le père d'une multitude de nations... On ne t'appellera plus Abram, ton nom sera Abraham... J'établirai mon alliance entre moi et toi et tes descendants après toi, pour leurs générations une alliance perpétuelle... Je te donnerai et je donnerai à tes descendants après toi le pays de ton séjour, tout le pays de Chanaan, un héritage perpétuel... »

Une seule condition avait été imposée (et qui aurait dit à David qu'un jour il y aurait intérêt à remarquer que la condition n'avait été imposée qu'après l'alliance

1. En pays sémite, un cheik qui se déclarerait, même aujourd'hui, investi de par Allah de la possession d'un territoire, serait à peu près sûr du succès. On peut se demander d'ailleurs si Moïse trouva cette tradition existante, ou si c'est aussi à lui qu'est dû ce solide pivot de tout son système.

2. Le mot « héritage,» reflet des idées davidiques, est sans doute d'introduction plus récente.

faite!) « Vous circoncirez chaque mâle, » avait dit Jé

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Ce qui explique le dédain des Israélites pour les dieux des autres nations, c'est que, dès ces temps reculés, ils attribuaient au leur et à lui seul (depuis que l'idée collective, attachée d'abord au mot Élohim, s'était définitivement unifiée dans celui de Jéhovah) la création du ciel, de la terre, et de tous leurs habitants. En ce qui tou

1. Voici encore une question bien douteuse : la circoncision est-elle d'institution abrahamique ou mosaïque? Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle ne fut pas pratiquée pendant tout le temps que dura le séjour dans le désert (Josué, ch. v, v. 5); et ce qui prouverait (malgré l'assertion du v. 4), qu'elle ne l'était pas auparavant parmi les Hébreux, c'est le mot de Jéhovah relaté au v. 9: « J'ai fait tomber aujourd'hui de dessus vous la honte de l'Égypte,» mot qui ne peut s'entendre que de la supériorité que la circoncision donnait jusqu'alors aux Égyptiens qui la pratiquaient, sur les Hébreux qui ne la pratiquaient pas. — On reconnaît là l'habileté de Moïse, qui avait recommandé à Josué d'accomplir cette formalité sur le peuple en masse dès son premier pas (aussitôt après le passage du Jourdain) sur cette terre de Chanaan, dont chaque possesseur futur, d'après les termes donnés à l'ancienne alliance, portait dès lors imprimés sur lui-même ses titres de propriété.

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Quoi qu'il en soit, le latin est de rigueur pour exprimer les détails mis ici dans la bouche de Jéhovah; nous ne les reproduisons d'ailleurs que parce qu'il nous sera impossible de ne pas y revenir dans notre troisième partie.

<< Circumcidetis carnem præputii vestri, ut sit signum fœderis inter me et vos... Eritque pactum meum in carne vestrâ in fœdus æternum. Masculus cujus præputii caro circumcisa non fuerit, delebitur anima illa...» I importe à l'éclaircissement du sujet que nous traitons de remarquer dès à présent que ces mots: anima, vxń, w (néphesch), que nous traduisons par âme, ne veulent jamais dire qu'une chose le principe matériel de la vie.

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