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moyen constituent une idolâtrie à peine moins criminelle que le culte des hauts lieux. Que ce soit Gédéon (Juges, ch. vin) ou Mica (ibid., ch. xvi) qui ait recours à cette pratique, elle est, dans ces cas comme en tout autre, énergiquement réprouvée. Si l'auteur du récit que nous suivons s'abstient par exception de blâme en cet endroit, nous n'en sommes pas moins éclairés sur la valeur que David lui-même devait attacher aux consultations que nous allons lui voir feindre.

Il s'était réfugié à Keïla (ch. xxш); et sans doute ses gens l'engageaient à attendre de pied ferme Saül qui s'avançait pour l'y attaquer. Mais, faire dépendre sa royauté de l'issue douteuse d'un combat était un parti beaucoup trop hasardeux pour être du goût de David. D'un autre côté, il tenait à ne pas compromettre sa réputation de bravoure en se montrant trop disposé à éviter une rencontre. Pour trancher la question, l'éphod devenait très-utile (v. 11 et suiv.). « David ayant appris que Saül machinait de mauvais desseins contre lui, dit à Abiathar le cohen: Approche l'éphod. Puis il dit: Jéhovah, Dieu d'Israël, ton serviteur a appris que Saül a intention de venir à Keïla pour détruire la ville à cause de moi. Les gens de Keïla me livreront-ils en sa main Saül descendra-t-il comme ton serviteur l'a appris? Jéhovah, Dieu d'Israël, fais-le donc savoir à ton serviteur.»

« Jéhovah dit : il descendra. >>

« David dit : Les habitants de Keïla me livreront-ils

avec mes gens dans la main de Saül? »

« Jéhovah dit: Ils te livreront. »

L'ordre était précis; il fallait obéir. David fuit avec ses gens au désert de Ziph. Ici se place un trait de Jonathan qui, par les rapports qu'il implique entre lui et son père, fait comprendre, mieux que toute autre chose, la surexcitation maladive qui avait dû devenir l'état habituel de celui-ci. Jonathan se rend auprès de David et lui dit (v. 17): «Ne crains rien; la main de mon père Saül ne t'atteindra pas; toi, tu régneras sur Israël; moi, je veux être ton second, et même Saül mon père le sait bien. Ils firent tous les deux une alliance devant Jéhovah. David demeura à Horscha, et Jonathan retourna en sa maison. >>

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Saül s'approche d'Horscha. David ne se croit pas encore en mesure de lui tenir tête et fuit au désert de Maône; Saül l'y suit de si près que la fuite n'est plus possible. Le danger est pressant; une seule colline sépare les deux rivaux, en vain David consulterait-il l'éphod, le combat ne peut plus être évité. Mais nous savons que le pauvre Saül est crédule; et, d'ailleurs, entre ses ennemis particuliers et ceux de son peuple, il n'est pas homme à hésiter.—Or, tout à coup un messager paraît devant lui (v. 27), «disant: Hâte-toi et viens,

car les Philistins ont envahi le pays. » Si grossier que fût le piége, Saül ne le vit pas : « il s'en retourna de la poursuite de David et marcha au-devant des Philistins. >> Du prétendu envahissement et de ses suites, il n'est pas autrement question. Mais avec quelle nouvelle ardeur Saül ne dut-il pas reprendre sa poursuite contre David,. après avoir vu s'ajouter à ses griefs le ridicule d'une campagne imaginaire !

Cette fois, David avait fui jusque sur les hautes cimes appelées les Rochers des Chamois. Tout tend à prouver que le beau trait dont ces lieux furent témoins faisait partie d'un nouveau programme et avait été préparé mûrement. Il était trop clair, en effet, que ce genre de lutte, consistant de la part de David en fuites successives, menaçait de n'aboutir qu'à déconsidérer sa cause au lieu de la servir. Cette cause, du reste, était loin d'être encore assez populaire pour que les moyens expéditifs eussent la moindre chance de réussir. Dans de telles circonstances, un trait éclatant de générosité pouvait au contraire changer brusquement la face des choses.

Ici nous avons le choix entre deux récits. Voici le premier :

« Il

y avait là une caverne; Saül y entra pour couvrir ses pieds (on avait dû lui indiquer cet endroit

comme favorable au repos, et il n'est pas douteux qu'il

s'y était endormi); David et ses gens étaient assis au fond de la caverne. Les gens de David lui dirent : Voici le jour dont Jéhovah t'a dit : Je livre ton ennemi entre tes mains; tu agiras envers lui comme bon te semble.

David se leva et coupa doucement un pan du manteau de Saül. Après cela, le cœur de David lui battit, parce qu'il avait coupé le pan de Saül. Et il dit à ses gens: Que Jéhovah me préserve de faire cela à mon maître l'oint de Jéhovah, de porter la main sur lui, car il est l'oint de Jéhovah. David réprima ses gens par des paroles, et ne leur permit pas de s'élever contre Saül.

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Puis Saül se leva de la caverne, et s'en alla son chemin. David se leva ensuite et sortit de la caverne. Il cria

après Saül disant: Mon seigneur le roi ! Saül regarda derrière lui. David s'inclina la face contre terre et se prosterna. David dit à Saül: Pourquoi écoutes-tu les paroles des hommes qui disent: David cherche ta perte?...» (Ch. xxiv.)

On devine le parti qu'il sait tirer de la situation et surtout de ce pan du manteau de Saül qui est là pour attester qu'ayant pu tuer son ennemi, il a eu la magnanimité de n'en rien faire. Saül, ravi d'admiration, fond en larmes (v. 17): « Est-ce ta voix, mon fils David? s'écrie-t-il. Ah! tu as été plus juste que moi, car tu m'as fait du bien et moi je t'ai fait du mal. Tu m'as fait connaître aujourd'hui que tu uses de bonté envers moi:

Jéhovah m'avait livré entre tes mains, et tu ne m'as pas tué... Que Jéhovah te récompense pour ce que tu m'as fait aujourd'hui. Certes, je sais maintenant que tu régneras et que le royaume se consolidera en ta main. Mais, jure-moi par Jéhovah que tu n'anéantiras pas ma postérité après moi, et que tu n'extermineras pas mon nom de la maison de mon père. David jura à Saül, et Saül s'en alla en sa maison. »>

Le récit du ch. xxvi a une allure plus épique et correspond mieux à l'idée qu'on ́a coutume de se faire de la jeunesse de David. Profitant du sommeil de Saül et de toute son armée, David accompagné seulement d'Abischaï, frère de Joab, aurait, d'après cette seconde version du même événement, pénétré de nuit dans le camp ennemi.

<< Saül dormait, étant couché près du bagage, et sa lance était fixée en terre à son chevet. Abner et le peuple étaient couchés autour. Abischaï dit à David : L'Élohim a livré aujourd'hui ton ennemi en tes mains; et maintenant laisse-moi le transpercer de la lance dans la terre, en une seule fois, sans que je recommence une seconde fois. David dit à Abischaï : Ne le tue pas; car qui est celui qui a mis la main sur le messie1 de Jéhovah et est

1. Nous n'avons pas besoin de rappeler que les mots « messie >> «<oint» et «< christ» ont exactement la même signification.

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