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vous n'entendrez rien; regardez toujours, vous ne comprendrez rien. Que le cœur de ce peuple soit alourdi par la graisse; que ses yeux soient éblouis et ses oreilles assourdies; de peur qu'il ne voie par ses yeux, qu'il n'entende par ses oreilles, ne comprenne par son cœur, qu'il ne se convertisse et que je ne le guérisse '. Je dis : Jusqu'à quand, Seigneur? Il dit: Jusqu'à ce que les villes soient désertes et inhabitées, les maisons vides d'hommes et le pays dévasté en solitude; et que Jéhovah ait éloigné les hommes, et que le délaissement soit grand dans le pays. Encore y aura-t-il un dixième qui à son tour séra anéanti. Mais, comme le térébinthe et comme le chêne, quand ils sont défeuillés il en reste le tronc, il aura pour tronc une sainte postérité. » (Ch. vi, v. 9 et suiv.)

Jésus n'avait-il pas dû hésiter à croire à l'exécution d'un tel dessein? Que Jéhovah, pour sauver son peuple, eût jadis endurci le cœur de Pharaon, et plus tard celui

1. Les traducteurs ont cherché à atténuer ce passage, dont l'iniquité est difficile à justifier. Mais il ne saurait y avoir de doute sur le

הָשַׁע et הַכְבֵּד הַשְׁן sens que nous donnons ci- dessus. Les verbes

sont tous les trois au hiphil, et par conséquent indiquent un alourdissement, un aveuglement et un assourdissement infligés par la volonté 'divine. De plus, le mot (de peur que, μýñoτε), gouverne les deux verbes qui suivent et N (qu'il ne se convertisse et que je ne le guérisse), puisqu'ils ne sont point séparés du premier membre de phrase par un accent disjonctif. C'est donc bien Jéhovah qui ne veut point de conversion, parce que à la conversion il a promis la guérison, et que parmi son peuple, il en est qu'il ne veut pas guérir.

des rois de Chanaan (Josué, ch. Ix, v. 20), — il pouvait ne pas s'en étonner; mais, que ce fût à son peuple luimême que le Dieu d'Israël se plût à envoyer la surdité, l'aveuglement et l'inintelligence, afin de mieux assurer ses châtiments sur une génération dès lors irresponsable, c'est ce qui ne pouvait manquer de paraître étrange au jeune lecteur. Telle fut, cependant, sa soumission aux ordres à lui transmis par la voix des prophètes que nous le verrons (Matth., ch. xш, v. 14; Marc, ch. iv, v. 12; Luc, ch. vi, v. 10) répéter ces paroles. d'Isaïe et les appliquer à ceux-mêmes à qui s'adressaient ses prédications.

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Combien son cœur ne devait-il pas saigner aussi quand il se voyait, sous le nom d'Emmanuel, appelé à semer sur la terre la division, la guerre et la dévastation! (Ch. VIII, v. 1-8.) Un seul désir devait alors remplir son âme : puisque ce feu devait s'allumer, qu'il s'allumât donc vite et que ses effets fussent prompts! Mais combien de temps cela durerait-il ? car il s'agissait d'une rénovation complète. Isaïe déclarait que l'ère de prospérité promise ne s'ouvrirait pas avant que la nature elle-même n'eût subi les changements qui devaient constituer un monde nouveau et faire de la terre un séjour désormais exempt de peine, de souffrance et d'impureté.

« Car voici que je crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre. On ne rappellera plus les choses précé

dentes, elles ne viendront plus en mémoire. » (Ch. LXV, v. 17.) « Car, comme les cieux nouveaux et la terre nouvelle que je fais subsistent devant moi, dit Jéhovah, ainsi subsisteront votre postérité et votre nom. »> (Ch. LXVI, V. 22.)

Isaïe donnait une idée splendide de ce que serait le séjour terrestre après la rédemption.

« La lumière de la lune sera comme la lumière du soleil; et la lumière du soleil sera sept fois plus grande, comme la lumière de sept jours réunis, quand Jéhovah aura pansé la plaie de son peuple, et qu'il aura guéri ses profondes blessures. » (Ch. xxx, v. 26.)

Mais quels affreux désastres devaient précéder cette restauration de toutes choses et le pacifique établissement du monde nouveau !

« Voici, le jour de Jéhovah arrive, cruel, plein de fureur et de colère brûlante, pour réduire la terre en désert et pour en extirper les pécheurs. Les étoiles du ciel ne feront plus luire leur lumière; le soleil sera obscurci dès son lever; la lune ne fera plus resplendir sa clarté...>> (Ch. XIII, v. 9.)

« C'est bien le glaive, mais non d'un homme, qui les dévorera... leurs princes trembleront devant une bannière, dit Jéhovah, qui a un feu à Sion et un four à Jérusalem 1. » (Ch. xxxı, v. 8, 9.)

1. Souvenir des gens de Rabba brûlés par David dans un four. Ce

<< Toute l'armée céleste se dissout; les cieux se roulent comme un livre; toute leur armée se flétrit comme se flétrissent les feuilles de la vigne et les feuilles desséchées du figuier... C'est une boucherie de Jéhovah à Botsra 1... car c'est un jour de vengeance pour Jéhovah, l'année de rémunération pour le tort fait à Sion. Les torrents se changent en poix, la poussière en soufre, et le pays deviendra de la poix en combustion. Ni le jour, ni la nuit il ne s'éteindra; éternellement la fumée s'en élèvera; de génération en génération ce pays sera détruit; à tout jamais nul n'y passera... Examinez dans le livre de Jéhovah, et lisez-y; rien de tout cela ne faillira... car ma bouche l'a commandé. Son souffle (le souffle du Messie sans doute) les rassemble; il leur jette le sort; sa main le leur partage au cordeau; ils l'habiteront pour toujours; de génération en génération ils y demeureront. »> (Ch. XXXIV, v. 4-17.)

<< Les cieux se dissipent comme de la fumée, et la terre s'effile comme un vêtement; ses habitants péris

four de Jéhovah, établi à Jérusalem, est sans doute celui de la vallée de Ghé-Hinom, que nous avons traduit par le mot Géhenne. (Voy. la note de la p. 122.)

1. Parmi les allusions postérieures à ce passage, il est curieux de rapprocher de l'Apocalypse de Jean le commentaire d'Abrabanel. C'est sans doute en vertu des mêmes procédés rabbiniques que le nom de Botsra désigne, pour l'apôtre, la Rome des Césars, pour le juif espagnol, la Rome des papes.

sent, mais mon secours durera toujours et ma justice ne cessera pas. » (Ch. LI, v. 6.)

Ici s'apercevait le rôle pour lequel Jésus se sentait fait; car la distribution de la justice avait dû lui être réservée tout entière. Après cette terrible et rapide période se déroulerait, sous le règne béni du Messie, l'éternelle rémunération de ceux qui auraient échappé aux vengeances célestes. Le peuple élu reprendrait alors pour toujours, sur la terre promise renouvelée, ce rôle de nation sacerdotale et sainte que Jéhovah lui avait jadis assigné par la voix de Moïse.

« Vous serez appelés les cohenim de Jéhovah; on dira de vous que vous êtes les serviteurs de notre Élohim. Vous. mangerez la richesse des peuples; ils posséderont le double dans leur pays; une joie éternelle sera pour eux. » (Ch. LXI, v. 6, 7.)

De quelle fécondité idéale ne faudrait-il pas que l'antique terre de Chanaan fût alors douée pour subvenir à tous les besoins de ses habitants sans exiger d'eux aucun travail ! Jésus devait plus tard, dans ses entretiens familiers avec Jean, laisser deviner tout ce que sur ce point il se plaisait à prévoir. L'évêque Irénée nous a heureusement conservé un fragment de ces entretiens rapporté par Papias (Adversus hæreses, 33): « En ces jours, disait Jésus, il naîtra des ceps qui auront chacun dix mille branches, et chaque branche aura dix mille

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