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dernier acte devait être la suppression de la mort. Cet éclaircissement était nécessaire pour l'intelligence de ce qui suit.

« Car Jésus le Christ doit commander, jusqu'à ce qu'Adonaï lui ait mis tous ses ennemis sous les pieds. (Ps. cx.) Or la mort sera le dernier ennemi qui sera détruit. Car l'Écriture dit qu'Adonaï a mis tout sous ses pieds et lui a tout assujetti. Et quand elle dit que tout lui est assujetti, il est indubitable qu'il faut en excepter celui qui lui a assujetti toutes choses (c'est-à-dire que le père ne pouvait être le sujet du fils).» « Lors donc que toutes choses auront été assujetties, alors le fils sera lui-même assujetti à celui qui lui aura assujetti toutes choses. » Est-ce parce qu'il s'adressait à des ghoïm que l'apôtre n'a pas terminé ce tableau, emprunté à Daniel, par le trait final que le prophète lui avait donné : « Et alors le royaume, la puissance et l'étendue de l'empire de tout ce qui est sous le ciel sera donné au peuple des saints de Jéhovah?... » (Daniel, ch. vi, v. 27.) Nous croyons plutôt que les passages de ce genre ont pu être écourtés à bon escient. En quoi d'ailleurs la restitution des passages supprimés donnerait-elle plus de clarté à ce qui nous reste de cette suite ininterrompue de retours des mêmes rêves? Dans tous les passages du Nouveau Testament, où nous voudrions voir le texte plus explicite, il nous suffit de chercher le complément dont

nous avons besoin dans le passage correspondant de tel ou tel prophète; cela fait, il ne reste plus, dans aucun cas, la moindre obscurité.

Revenons à notre intéressant chapitre. Ce qui suit. mérite toute notre attention. Nous avons déjà fait observer, en effet, qu'aucune théorie raisonnée de l'immortalité, quel qu'en soit le mode, ne saurait s'imposer et se répandre, si elle ne présente en première ligne la définition du fait par lequel cette immortalité s'acquiert, c'est-à-dire la définition de la transformation qui opère le passage de l'état mortel à l'état immortel. Or, au moyen d'une comparaison empruntée à Jésus, l'apôtre va nous expliquer comment il entend d'abord la transformation des dormants. Cette comparaison, qui nous fait sourire aujourd'hui, tant elle choque toutes nos notions acquises, remplissait alors complétement son but en présentant à l'esprit du lecteur une image facile à saisir. C'étaient deux miracles supposés, s'expliquant l'un l'autre, et nécessitant, l'un comme l'autre, l'intervention divine renouvelée en chaque cas.-Nous n'avons pas besoin de dire que cette explication plaçait l'apôtre à un point de vue bien différent de celui qu'il semblait adopter lorsqu'il supposait une transformation facultative de la chair par les œuvres de l'esprit.—Voici le tour ingénieux qu'il donne à sa comparaison :

« Quelqu'un me demandera : En quelle manière les

morts ressusciteront-ils et quel sera le corps dans lequel

ils reviendront? Aveugles que vous êtes! Considérez donc que ce que vous semez ne reprend point vie s'il ne meurt auparavant1. Et, quand vous semez, vous ne semez pas le corps (végétal) qui doit naître, mais la graine seulement, comme du blé ou quelque autre semence. Après cela, Jéhovah lui donne (miraculeusement) un corps tel qu'il lui plaît, et à chaque semence le corps qui lui est propre... Il en arrivera de même (par un miracle semblable) dans la résurrection des morts. Le corps, comme une semence, est mis en terre plein de corruption, et il ressuscitera incorruptible; il est mis en terre difforme et il ressuscitera glorieux 2...» Cet état glorieux du corps ressuscité limitait évidemment la résurrection aux seuls élus. La suite est, sur ce point important, plus précise encore; puisqu'il y est dit que parmi les corps mis en terre, on ne verrait ressusciter que ceux qui seraient ranimés par le même esprit qui était venu animer le second corps de Jésus. « On met en terre un corps animal (uxıxóv, de luxí, âme), il ressuscitera un

1. Ce qui explique cette erreur c'est le ramollissement des enveloppes du germe sous l'influence de l'humidité, après que la graine a été mise en terre.

2. Observons dès à présent qu'une théorie scientifique de l'immortalité pourrait conserver cette comparaison entre l'étre végétal qui, en des circonstances favorables, se développe au sein de la graine, et l'étre immatériel qui peut se développer dans l'homme, durant sa vie terrestre.

Pour savoir ce qu'il

corps spirituel (πνευματικόν ).» faut entendre par ce corps spirituel, il est nécessaire de se reporter au type du ressuscité, ainsi décrit par Luc (ch. xxìv, v. 37-44) : « Et il leur dit: Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi s'élève-t-il tant de pensées dans vos cœurs? Regardez mes mains et mes pieds et reconnaissez que c'est moi-même. Touchez, et considérez qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai... Mais comme ils ne croyaient point encore..., il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger? Ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel; il en mangea devant eux; et, prenant les restes, il les leur donna... afin, ajouta-t-il, que tout ce qui a été écrit dans la loi, les prophètes et les psaumes fût accompli. » C'était, en effet, la persistance de la vie telle que David l'avait conçue.

On ne saurait trop remarquer, dans le texte de Paul, l'expression Juxtxov, employée formellement pour désigner le principe mortel. Qu'on cherche, après cela, à rattacher à nous ne savons quel spiritualisme les passages du Nouveau ou de l'Ancien Testament, où se trouve le mot un ou son équivalent hébreu !« Il est écrit, continue Paul Adam, le premier homme, a été réduit à une âme vivante (êyéveto eis Yuyñv Ç☎ɑɑv); mais le second Adam (Jésus) a été rempli d'un esprit vivifiant (εἰς πνεῦμα ζωοποιοῦν). Son corps spirituel n'a pas été

formé le premier; il a eu d'abord le corps animal (ʊxıxòv), puis le corps spirituel. »

Ceci l'aidait à marquer nettement la différence qui existait entre les habitants de la terre (terreni, xowoí! et les habitants du ciel (cœlestes, Touρáviot). Ceux-ci avaient seuls joui jusqu'alors de la vie incorruptible et immortelle qu'ils devaient, comme Jésus depuis sa résurrection, à l'esprit vivifiant qui était en eux. Mais cette différence allait cesser, puisque, à l'exemple du second Adam, alors au ciel, les habitants de la terre seraient bientôt animés d'une vie tout à fait semblable à celle des anges1. Comme chacun des élus pouvait espérer échapper au sommeil apparent de la tombe et assister vivant à sa propre transformation, l'apôtre, avouant ici franchement cette espérance pour lui-même, ajoute: « De même donc que nous avons porté l'image de l'Adam terrestre, portons dès à présent l'image de l'Adam céleste. » Quant à la manière dont s'opéreraient sa

1. Il y a en cet endroit une grave altération de sens dans la traduction française de Sacy. Il n'est question dans le texte que de l'état d'incorruptibilité, commun à Jésus et aux anges qui sont dans le ciel, comme il y est en ce moment, οἷος ὁ ἐπουράνιος τοιοῦτοι καὶ οἱ ἐπουράνιοι, et la Vulgate traduit fidèlement : « Qualis cœlestis tales et cœlestes.» Pourquoi donc Sacy traduit-il : « Comme le second homme est céleste, ses enfants aussi sont célestes? >> Ceci introduirait tout à coup, sans aucun précédent du même genre, l'idée que les élus se rendraient au ciel après leur résurrection; et sur ce point, il faudrait supprimer l'expression consacrée : « selon les prophètes, » pour y substituer celle-ci : « contrairement aux prophètes. »

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