vah... « Nous sommes devant Adonaï la bonne odeur de son oint, soit à l'égard de ceux qui se sauvent, soit à l'égard de ceux qui se perdent; pour les uns, une odeur de mort qui les fait mourir; et pour les autres, une odeur de vie qui les fait vivre.» (Ch. 1, v. 15-16.) Cette image est bien choisie pour relier cette épisode à tout le passé juif, par le détail qui avait toujours caractérisé les offrandes agréables à Jéhovah; elle peint bien aussi le rôle des apôtres, en tant que distributeurs des effets mortels ou vivifiants de la prédestination. Le chapitre ш de cette épître nous paraît avoir subi quelques altérations. Tel qu'il est, il est obscur, et il suffirait de quelques mots de plus pour le rendre trèsintelligible. Il nous semble que Paul y exprime une idée analogue à celle que nous avons cru reconnaître dans l'épisode de la Samaritaine du quatrième évangile : « Adonaï est esprit, y fait-on dire à Jésus, et le temps va venir où ses vrais adorateurs ne l'adoreront qu'en esprit. » « Adonaï est esprit, répète ici Paul, et là où n'est que l'esprit d'Adonaï, là est la liberté. » De quelle liberté parle-t-il? - Pour arriver à le comprendre, il faut d'abord observer à propos de quoi il dit cela. Il le dit à propos d'une innovation importante qui scandalisait fort les Juifs, et qui n'est pas suffisamment expliquée dans le texte actuel de ce chapitre. Si l'on veut voir un peu clair en ceci, tant au sujet du mot de Jésus à la Samari 1 taine qu'au sujet de l'innovation introduite par Paul, il faut se rappeler qu'un article de foi, encore en vigueur parmi les enfants d'Israël, est la présence réelle (la schéchina) de Jéhovah au milieu de ceux qui se réunissent pour l'adorer. C'est sans doute pour cela que les Juifs avaient l'habitude, qu'ils conservent encore de nos jours, de se couvrir ou plutôt de se voiler la tête 1 dans le lieu où leur Dieu est censé présent. Mais la royauté de Jésus, considérée par Paul comme déjà inaugurée dans le cœur de ses fidèles, donnait lieu à une autre appréciation des choses. Lorsque les fidèles priaient, ils devaient ne plus se croire en présence de l'ancien Roi, mais se croire en présence de celui qui viendrait bientôt le représenter sur la terre. Si Jéhovah, l'ancien Roi, était encore présent, il ne l'était plus en réalité, mais seulement en esprit; rien n'obligeait donc plus à se voiler les yeux et la tête pour éviter la mort réservée à ceux qui le verraient. L'ancienne mort, telle que l'entendait Moïse, n'avait déjà plus de prise sur les fidèles ; et Jésus, le nouveau Roi, avait prouvé, en se montrant à tous, que, loin de produire les mêmes effets que la présence de son père, sa présence à lui autorisait la plus douce et la plus entière liberté. Voilà, si nous ne nous trompons, ce qu'il faut entendre par ce mot de Paul : 1. Cet usage se traduit aujourd'hui dans les synagogues par la conservation rigoureuse du chapeau sur la tête. « Là où est l'esprit d'Adonaï, là est la liberté. » Si les splendeurs lointaines de Jéhovah éclairaient encore le visage de ceux qui priaient, la sauvegarde familière du nouveau Roi rendait vaines désormais toutes les anciennes terreurs. Ce sens admis, les passages obscurs de ce chapitre deviennent assez clairs. « Nous ne faisons pas comme Moïse, qui se mettait un voile sur le visage afin que les enfants d'Israël ne vissent pas la lumière qui s'y reflétait. Mais leurs esprits sont demeurés endurcis; car, aujourd'hui même, lorsqu'ils lisent l'Ancien Testament, ce voile demeure sans être levé, parce qu'il ne s'ôte que par le Christ... Ainsi nous tous, n'ayant pas de voile qui nous couvre le visage, nous pouvons contempler la gloire d'Adonaï. » Plus loin, l'apôtre revient à ces assimilations qui lui étaient si nécessaires pour rendre sensibles aux yeux de ses lecteurs les effets de transformation matérielle déterminés par la foi. Mourir en Jésus, c'est-à-dire accomplir le simulacre de sa mort, la porter en quelque sorte en soi, pour être prêt à voir s'opérer en soi-même ce que le sommeil du sépulcre avait opéré en lui; — voilà le but que le fidèle ne devait jamais perdre de vue. En s'exposant à toute sorte de dangers et à la mort même, Paul et ceux qu'il avait formés à la prédication se chargeaient du rôle difficile et en transportaient les effets à ceux qui croyaient à leur parole. Ceux-ci n'avaient donc en quelque sorte qu'à se laisser vivre de cette vie anticipée de Jésus dont le principe était mis en eux : « Nous sommes à toute heure livrés à la mort pour Jésus, afin que la vie de Jésus paraisse aussi dans notre chair mortelle. Ainsi sa mort (en tant que supplice) imprime ses effets en nous, et sa vie (en tant que gage d'immortalité) en vous. » (Ch. Iv, v. 11-12.) La seule chose qui manquât au fidèle et qui devait être l'objet de ses constants désirs était ce vêtement incorruptible, cette enveloppe, cette habitation nouvelle de son être qui, dès qu'il en serait une fois pourvu, le préserverait à tout jamais de la mort. Or, ce vêtement, c'était Jésus lui-même. (« Vous êtes revêtus de Jésus. » Gal., 3-27.) Donc, quel meilleur emploi du temps qui restait encore que de se transporter en esprit vers ce vêtement, commun à tous les fidèles et retenu encore au ciel jusqu'au jour où, par lui et avec lui, l'immortalité en descendrait sur tous les élus! Paul développe éloquemment cette idée au chapitre v de l'Épître que nous étudions. On peut y remarquer l'emploi fréquent des mots oixía, oixodou (maison, construction, revêtement). L'idée matérielle exprimée par ces mots est de celles qui reviennent le plus souvent dans les écrits de Paul; mais, en la traduisant par les expressions mystiques « édification,» « édifier, » on l'a entièrement détournée de son sens primitif si intelligible et si bien approprié à tout le reste de la doctrine. Pour chacun des lecteurs de ce temps-là, ces mots représentaient une construction réelle, mécanique, du corps nouveau, du corps Voici comment Paul s'exprime en cet immortel. endroit : - « Nous savons que, si cette maison de terre (ce corps) où nous habitons vient à tomber en dissolution, nous avons, par la grâce d'Adonaï, une autre maison non faite à la main, immortelle et actuellement au ciel, oixoδομὴν ἐκ Θεοῦ ἔχομεν ', οἰκίαν ἀχειροποίητον, αἰώνιον, ἐν τοῖς οὐρανοῖς. C'est ce qui nous fait soupirer dans le désir d'être revêtus, comme d'un second vêtement, de cette maison qui doit nous venir du ciel, oùpavou.» (Cette fois, l'expression formelle oùpavou prévient l'équivoque qu'on fait souvent résulter de l'adjectif éπoupávos). « Tant que nous n'avons que notre corps actuel, nous sommes exposés à nous éloigner du Seigneur; car nous ne le voyons que par la foi, et pas encore par nos yeux; mais, au contraire, avec de la bonne volonté, nous pouvons 1. Sacy lit, au lieu du présent exoμev nous avons, le futur oμev nous aurons, et il traduit : « Dieu nous donnera dans le ciel une autre maison. » Ce futur, et la transposition des mots ¿v tois oùpavoïs, dénaturent non-seulement le sens de la phrase, mais toute la pensée de Paul. Nous recommandons à ce propos à nos lecteurs une expérience facile à faire toutes les fois que la traduction française présente un sens qui paraît avoir quelque rapport avec le christianisme spiritualisé de nos jours, ils n'ont qu'à se reporter au texte grec, et ils reconnaîtront toujours qu'il a été altéré. |