ceux-ci s'abstenaient de toute prédication aux incirconcis, ils ne nuiraient du moins d'aucune manière à leur conversion dont Paul et ses disciples restaient seuls chargés (nos in gentes, ipsi autem in circumcisionem). Or qu'arriva-t-il? Laissons encore la parole à Paul : « Lorsque Pierre1 fut venu à Antioche, je m'élevai contre lui en face, parce que sa conduite était condamnable. En effet, avant qu'il ne vînt des gens de Jérusalem de la part de Jacques, Pierre mangeait avec les Gentils; mais depuis l'arrivée de ces gens-là, il se séparait des Gentils et s'en tenait éloigné, craignant ceux qui étaient pour la circoncision. Les autres judaïsants (les chrétiens juifs) imitèrent sa dissimulation (oxpícel, hypocrisie), et Barnabé lui-même s'y laissa entraîner. Quand je vis qu'ils ne marchaient pas droit dans la vérité de l'Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : Si toi, qui es Juif, tu ne te gênes pas pour vivre à la manière des Gentils, pourquoi veux-tu ensuite forcer les Gentils à vivre à la manière des Juifs? »> Il paraît bien que cette mortifiante apostrophe n'avait pas empêché Pierre et les émissaires judaïsants d'imposer aux Gentils, comme condition de salut, la manière de vivre des Juifs et la pratique de la circoncision; car 1. Il faut remarquer, en cet endroit compromettant, la substitution ingénieuse faite par la Vulgate et adoptée depuis, du nom peu connu de Céphas à celui de IIétpos que porte en toutes lettres le texte grec. l'Épître aux Galates n'a d'autre but que de fortifier les fidèles de Galatie contre ces funestes influences. « Je m'étonne, leur dit Paul du ton le plus ému dès les premiers versets, qu'abandonnant celui qui vous a appelés à la grâce de Jésus-Christ, vous passiez sitôt à un autre évangile; ce n'est pas qu'il y en ait d'autre; mais c'est qu'il y a des gens qui vous troublent et qui veulent renverser le véritable évangile de Jésus-Christ. Or, je vous l'ai dit et je vous le dis encore : Quand bien même l'un de nous, quand bien même un ange du ciel vous annoncerait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, que celui qui agit ainsi soit anathème? » Par cet anathème lancé d'avance contre tous ceux << qui ne marchent pas droit selon la vérité de l'Évangile,» il se dispense de le fulminer en particulier contre chacun de ceux dont il va dénoncer la conduite. Après avoir exposé ces griefs, comme nous venons de le voir plus haut, il démontre le manque de foi ou l'inintelligence de ses contradicteurs. Tout ce qui appartient à la loi, tout ce qui la suppose encore en vigueur n'implique-t-il pas un état de péché et par conséquent de mort? Appartenir au Christ et se soumettre encore à la loi, c'est donc considérer Jésus comme ministre ou serviteur du péché (ch. п, v. 17) et comme un agent de mort! Par quoi peut-on rendre à la chair le principe de la vie, si ce n'est en y détruisant, en y faisant mourir le principe de la mort? Seraitce donc aux œuvres de la loi que l'on irait demander ce qui permet d'échapper aux effets de la loi? Un seul homme a échappé jusque-là à ces effets mortels; c'est donc en imprimant en soi le sceau du ressuscité, c'est donc par ce moyen et non par aucun autre qu'il est possible de vivre comme il vit et de se soustraire à la mort comme il y a été soustrait. Croire que les bonnes œuvres puissent empêcher de mourir, c'est croire que le sacrifice de Jésus n'était pas nécessaire, c'est oublier l'ancienne condamnation et ne point vouloir de la grâce qui l'abolit. « Si la justification, dit-il en terminant (v. 21), peut s'acquérir par la loi (c'est-à-dire à la manière enseignée par Pierre, Jacques et les autres), à quoi sert-il donc que Jésus soit mort? » On ne saurait trop insister sur ce raisonnement de Paul qui, au fond, contient sa doctrine tout entière, moins les contradictions auxquelles l'entraîne le frein moral réclamé par la prolongation imprévue de l'attente. Les premisses étant admises, rien en effet n'est plus clair. Par suite de cette prolongation de l'attente, les œuvres sont bonnes assurément, mais ni plus ni moins qu'elles l'ont été jusque-là, c'est-à-dire comme pouvant servir à détourner de la vie de chaque jour les maux qui la menacent, ainsi que cela a été enseigné dans la Torah. Mais ces œuvres ne sauraient par elles-mêmes ramener dans la chair une vie qui ne puisse plus s'y éteindre '. Si elles n'ont jamais produit cet effet dans les temps passés, pourquoi le produiraient-elles à la fin des temps? Par quel moyen, en un mot, donner aux œuvres une place quelconque dans ce raisonnement complet par luimême et que l'on détruit dès qu'on cherche à l'étendre: La loi était la mort, Jésus est la vie; rien de ce qui a été la loi, rien de ce qui n'est pas Jésus lui-même ne peut être la vie. Or, par quoi mets-je Jésus en moi? — Par la foi seule; donc LA FOI SEULE FAIT VIVRE. La suite de l'épître est la paraphrase de ce raisonnement. Les œuvres de Paul qu'il nous reste à passer en revue ne sont aussi que des diversifications des mêmes idées; nous nous bornerons donc, en commençant par celle-ci, à donner de chacune d'elles un abrégé rapide. La forme qui nous paraît la plus propre à conserver la physionomie littéraire de l'auteur, étant la forme directe, nous l'adoptons dès à présent jusqu'à la fin de ces ré sumés. << O Galates insensés, qui vous a ensorcelés? » Ce n'est point la Torah qui a pu mettre en vous l'esprit nouveau, 1. Nous savons que la nécessité d'une morale l'amène quelquefois à laisser entendre tout le contraire; et c'est cette idée, opposée à celle du salut par la foi et inconciliable avec elle, que nous aurons à examiner dans le chapitre suivant. l'esprit de Jésus. Et, si c'est cet esprit nouveau qui seul peut rendre la vie à la chair, ne voyez-vous pas qu'on vous fait retourner à la chair morte en vous faisant retourner à la Torah? Dans quel cas et pour quel fait l'Écriture dit-elle qu'Adonaï a fait espérer la justification dont nous allons enfin voir les effets? Dans un seul cas et pour un seul fait; c'est lorsqu'elle dit : « Abraham crut, et sa foi lui fut imputée à justice. » Ce qui lui fut imputé à justice ce fut sa foi et nulle autre chose. Vous voyez donc bien que, pour avoir part aux promesses faites à Abraham, il faut posséder ce qui lui a été imputé à justice. La Torah, étant la loi du péché et de la mort, c'està-dire de la malédiction, entraîne dans la malédiction tous ceux qui veulent la maintenir. Mais, pour ceux qui ont la foi, cette malédiction est absorbée par Jésus.crucifié, puisqu'il est écrit: « Maudit celui qui est pendu au bois; » et il ne reste que la bénédiction donnée à Abraham, réalisée en Jésus après sa mort, et communiquée par cette mort à tous ceux en qui la foi en renouvelle le mérite. Adonaï a fait son testament en faveur d'un seul, celui qui devait naître un jour d'Abraham; or celui-là est Jésus, et ne peut être un autre. En quoi la loi, qui a été donnée dans l'intervalle, pourrait-elle modifier une promesse qui ne se réalise qu'aujourd'hui ? De deux |