CHAPITRE IV HISTOIRE DES APOTRES 1. Saint Jean l'évangéliste. -- II. Saint Jacques le Juste ou le Mineur, frère de saint Jude Jean. — III. Saint Jacques le Majeur, fils d'Alphée IV. Saint André. – V. Saint Mathieu. VI. Saint Philippe. Saint Barthélemy. VIII. Saint Thomas. IX. Saint Simon.-X. Saint Judde,surnommé Thaddée. - XI. Saint Mathias. - XII. Saint Marc. XIII. Saint Luc. -- XIV Saint Timothée. XV. Saint Barnabé. XVI. Philémon. Donnons d'abord l'abrégé de cette vie par saint Jérôme, dans ses Auteurs ecclésiastiques, n° 12. Ces précieuses notes du saint docteur ne présentent que ce qui était de notoriété publique. « Jean l'apôtre, que Jésus aima considérablement, était fils de Zébédée, frère de Jacques le Mineur apôtre, celui qu'Hérode fit décapiter après la passion du Seigneur ; il écrivit son Évangile après tous les autres ; ce fut à la prière des évêques d'Asie qu'il le composa contre Cérinthe et les autres hérétiques, et particulièrement contre la nouveauté des Ébionites, qui commençaient à se montrer ceux-ci niaient que le Christ ait été avant Marie. C'est ce qui détermina Jean à établir sa divine naissance. Mais on rapporte qu'il eut encore un autre motif de donner cette écriture. Lorsqu'il eut les volumes de saint Mathieu, de saint Marc et de saint Luc, il approuva le texte de leur histoire et la déclara vraie, mais en remarquant qu'ils avaient reproduit la vie de Jésus-Christ principalement dans sa dernière année, depuis la prison de Jean-Baptiste jusqu'à la passion. Et lui, insistant peu sur cette année copieusement exposée par les trois autres évangéli-tes, il raconta principalement les gestes qui remplissent les deux premières années de la vie publique de Jésus-Christ, jusqu'à la prison de Jean-Baptiste, comme il est manifeste pour ceux qui lisent avec attention les quatre Évangiles. « Ceci établit que l'Evangile de saint Jean n'est pas une récapitulation des trois autres Évangiles, mais un complément. D -- Il écrivit d'abord une épitre dont voici le début : « Ce qui a été dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons considéré, et ce que nos mains ont touché du Verbe de vie. Elle est reçue par toutes les réunions des Églises et par les hommes érudits. Il y en a encore deux autres qui commencent ainsi : L'ancien, à la dame Électa et à ses enfants. Le début de la dernière est ainsi ; L'ancien, au très-cher Caïus que j'aime dans la vérité. Elles sont aussi acceptées comme venant de Jean l'évangéliste. « La quatorzième année après la mort de Néron, la deuxième de Domitien, ce prince sévit contre les chrétiens et envoya Jean en exil dans l'île de Pathmos, où il écrivit son apocalypse qui fut commenté par Justin le martyr et Irénée. Mais Domitien ayant succombé à la haine de ses sujets, le sénat annula tous les actes de son règne pour flétrir sa cruauté. Sous le gouvernement de Nerva, Jean retourna à son Église d'Éphèse. Il y demeura jusqu'au temps de Trajan. Il fonda et gouverna toutes les Églises d'Asie; enfin, accablé de vieillesse, il succomba soixante-huit ans après la passion, et fut enseveli près d'Éphèse. » Nous allons grouper maintenant les différents témoignages qui se rapportent à la vie de saint Jean, pris dans les écrivains des premiers siècles. Alban Butler a fait un bon travail sur ce sujet. Il abrége nos recherches, nous n'avons qu'à compléter. « On croit que saint Jean resta longtemps à Jérusalem, ce qui ne l'empêchait pas d'aller quelquefois au loin prêcher l'Évangile. On dit que la Parthie fut le principal théâtre de ses travaux apostoliques. Sa première épître est quelquefois citée par saint Augustin sous le titre. d'épître aux Parthes. On a jugé, d'après un titre qui est à la tête de cette épître dans quelques manuscrits, qu'elle avait été adressée aux Juifs dispersés dans les provinces de l'empire des Parthes. Les relations des missionnaires qui, dans ces derniers temps, ont passé aux Indes-Orientales, portent que les habitants de la ville de Bassora, située sur le golfe Persique, à l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate, sont persuadés, d'après une ancienne tradition, que saint Jean a planté la foi dans leur pays. « Notre saint se trouva, en 62, à Jérusalem avec les autres apôtres assemblés dans cette ville pour donner un successeur à saint Jacques le Mineur, qui venait de sacrifier sa vie pour Jésus-Christ. Ils élurent saint Siméon. Le sentiment commun est que saint Jean ne visita les Églises de l'Asie-Mineure qu'après la mort de la Sainte Vierge; il prenait un soin particulier de ces Églises, et faisait ordinairement sa résidence à Éphèse, capitale du pays. Il n'avait point encore paru dans cette ville, lorsque saint Timothée en fut fait évêque par saint Paul, en 64. Il ne s'y établit pas même, suivant saint Irénée, avant la mort de saint Pierre et de saint Paul. Saint Timothée gouverna l'Église d'Éphèse jusqu'à son martyre, arrivé en 97. Mais il reconnaissait une autorité supérieure et universelle dans saint Jean; et ces deux grands hommes, aussi recommandables par leur humilité que par leur charité, n'eurent jamais de dispute sur leur juridiction. Saint Jean prêcha encore dans d'autres endroits, et conserva une inspection générale sur toutes les Églises d'Asie; ce qui a fait dire à saint Jérôme qu'il en était le fondateur et qu'il les gouvernait. Tertullien ajoute qu'il établit des évêques dans tout ce pays, c'est-à-dire qu'il confirma ceux que saint Pierre et saint Paul avaient choisis, et qu'il en donna aux nouvelles Églises qu'il avait fondées. Il est même probable qu'ayant vécu si longtemps, il nomma des évêques pour toutes les Églises d'Asie, car, tant que vécurent les apôtres, ils choisissaient eux-mêmes les pasteurs des fidèles par une inspiration du Saint-Esprit et en vertu de la commission qu'ils avaient reçue d'établir le christianisme. Saint Jean continua de visiter les Églises de l'Asie, même dans son extrême vieillesse. Quelquefois il entreprenait de pénibles voyages pour élever au saint ministère des personnes que le Saint-Esprit lui avait désignées. Nous apprenons d'Apollonius qu'il ressuscita un mort à Éphèse. Un prêtre d'Asie ayant été convaincu d'avoir donné une relation fabuleuse des voyages de saint Paul et de sainte Thècle, saint Jean le déposa, pour témoigner sa vénération envers le grand apôtre. Saint Épiphane assure que le saint évangéliste vint en Asie par une conduite spéciale du Saint-Esprit, afin de s'opposer aux hérésies d'Ebion et de Cérinthe. Après la ruine de Jérusalem, lorsque les chrétiens qui s'étaient sauvés de cette ville étaient à Pella, Ébion, né dans le voisinage de Racerta, y enseignait que Jésus-Christ était,il est vrai, plus grand qu'eux, mais qu'il avait été conçu et était né à la manière des autres hommes, et qu'il avait été choisi pour être Fils de Dieu; que le Saint-Esprit était descendu sur lui sous la forme d'une colombe. Il prétendait qu'il fallait joindre l'observation des cérémonies de la loi judaïque à celle du Christianisme. Il mutilait en plusieurs endroits l'Évangile de saint Mathieu. Cérinthe excita de grands troubles par son opiniâtreté à soutenir que les chrétiens étaient obligés de se circoncire, et de s'abstenir des viandes déclarées impures dans l'ancienne loi. Il représentait aussi les anges comme les auteurs de la nature. Ce fut vers le temps de la ruine de Jérusalem, qu'il arrangea son système de manière à le faire cadrer avec celui d'Ebion. Suivant saint Irénée et Tertullien, il soutenait que Dieu avait créé le monde, mais par une certaine vertu distinguée de lui et sans connaissance de sa part; que le Dieu des Juifs n'était qu'un ange, que Jésus était né de Joseph et de Marie, comme les autres hommes, mais qu'il les surpassait tous en vertu et en sagesse; que le Saint-Esprit était descendu sur lui après son baptême, sous la orme d'une colombe, et qu'il avait manifesté au monde son Père, auparavant inconnu. Il fut le premier qui avança qu'au temps de la passion le Christ s'était sauvé, et que Jésus avait été toujours impassible ct immortel. Saint Jean, au rapport de saint Irénée, alla un jour au bain contre sa coutume. Mais ayant appris que Cérinthe y était, il s'arrêta, et dit à ceux qui étaient avec lui: «- Fuyons, mes frères, de peur que le bain où est Cérinthe, cet ennemi de la vérité, ne tombe sur nos têtes. » Un auteur moderne a prétendu que ce fait était faux, parce qu'il ne s'accordait point avec la douceur extraordinaire du saint évangéliste. Mais saint Irénée nous dit qu'il l'avait appris de la bouche même de saint Polycarpe, disciple de saint Jean. Ce grand apêtre recommandait à son troupeau de n'avoir point de commerce avec ceux qui corrompaient volontairement la vérité, et qui par leurs discours tàchaient de séduire les fidèles. I inculque cette maxime dans sa seconde épître, mais il en restreint l'application aux auteurs des hérésies. Cela n'est point contraire à cette douceur et à cette charité qui caractérisaient saint Jean. Mais s'il était doux et charitable envers tous les hommes, il fut toujours fort dur à lui-même. Nous apprenons de saint Épiphane qu'il ne portait qu'une tunique et un manteau de lin, qu'il ne mangeait jamais de viande, qu'il menait le même genre de vie que saint Jacques de Jérusalem, lequel pratiquait de grande austérités. Dans la seconde persécution générale qui s'alluma en 95, saint Jean fut arrêté par l'ordre du proconsul d'Asie et envoyé à Rome. On l'y jeta dans une chaudière d'huile bouillante, mais la vie lui fut miraculeusement conservée. « C'est pour cela que les Pères lui ont donné le titre de martyr: ils ajoutent que la prédiction qui lui avait été faite par le Sauveur de boire dans son calice, fut accomplie dans cette circonstance. Le miracle dont nous venons de parler ne toucha point les païens, ils l'attribuèrent à la magie. Domitien bannit saint Jean dans l'ile de Pathmos, une des îles Sporades, dans l'Archipel. « Ce fut dans cette retraite que notre saint eut ces visions qu'il rapporte dans l'apocalypse; Dieu l'en favorisa un dimanche de l'année 96. Lestrois premiers chapitres de l'apocalypse contiennent une instruction prophétique, adressée aux sept Églises de l'Asie-Mineure et aux évêques qui les gouvernaient. Les trois derniers ont pour objet de célébrer le triomphe de Jésus-Christ, le jugement et la récompense des saints. Les chapitres intermédiaires sont diversement expliqués par les interprètes catholiques. Les uns les entendent des préludes qui précéderont immédiatement le jugement dernier; les autres, de tout le temps qui s'écoulera depuis Jésus-Christ jusqu'à la fin du monde;' d'autres enfin des dix persécutions générales et de l'empire romain, jusqu'au triomphe de l'Église par la victoire de Constantin sur Licinius. Il est au moins certain que, par ces visions, Dieu découvrit à saint Jean l'état futur de l'Eglise. L'exil de notre saint ne dura pas longtemps. Domitien ayant été assassiné au mois de septembre de l'année 96, le sénat aunula les édits et autres actes de ce prince que sa cruauté avait rendu l'objet de l'exécration de l'empire. Nerva rappela tous ceux que Domitien, son prédécesseur, avait bannis. Saint Jean revint donc à Ephèse en 97. Saint Timothée, évêque de cette ville, avait remporté la palme du martyre le 22 janvier de la même année; saint Jean fut prié de prendre soin de l'Église d'Éphèse, et il la gouverna jusqu'au règne de Trajan. « Il portait, suivant Polycrate, une plaque d'or sur le front, à l'exemple du grand-prêtre des Juifs, et c'était comme la marque distinctive du souverain sacerdoce chez les chrétiens. Saint Épiphane rapporte la même chose de saint Jacques, évêque de Jérusalem. L'auteur de l'histoire du martyre de saint Marc dit que cet évangéliste se servait d'un semblable ornement. Saint Jean célébrait la Pâque le quatorzième de la lune, comme les Juifs; mais il était bien éloigné de prétendre qu'il fallut observer les cérémonies légales sous le christianisme; il condamna cette hérésie dans les Nazaréens, dans Ébion et dans Cerinthe. Les Juifs étant l'objet principal de ses travaux apostoliques, il crut qu'il réussirait plus facilement à les convertir, s'il célébrait la Pâque chrétienne en même temps qu'eux, d'autant plus que cette pratique ne passait point encore pour répréhensible. « Nous lisons dans les anciens Pères que sairit Jean écrivit principalement son Évangile pour réfuter Ébion et Cérinthe, qui niaient la divinité de Jésus-Christ, et qui soutenaient qu'il n'avait point existé avant sa naissance temporelle. Il se proposa encore de suppléer aux omissions des trois autres Évangiles qu'il lisait et confirmait par son approbation. Il insiste donc particulièrement sur les actions du Sauveur depuis le commencement de son ministère jusqu'à la mort de saint Jean-Baptiste, actions dont les autres évangélistes avaient dit peu de |