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été faites et des travaux auxquels elles ont donné lieu; puis il établit son opinion que l'auteur est inconnu et qu'il faut seulement appeler ce livre: Ouvrage attribué à Origène; enfin, il y repousse les attaques dirigées contre le pape saint Calliste.

Voici quelle est la disposition du corps de l'ouvrage. — Au haut des pages le texte, au milieu la traduction latine, au bas les nombreuses notes sur deux colonnes.

La traduction savamment travaillée, après celles qui avaient déjà paru, a le mérite d'une reproduction exacte du texte, fort heureusement éclairci ou réparé en plusieurs endroits.

Quant aux notes, elles comprennent toutes les variantes, et de plus l'indication des auteurs, que l'auteur des Philosophoumena a copiés ou imités en différents endroits.

Le livre des Philosophoumena est surtout précieux par les notions nouvelles qu'il nous donne sur la philosophie des Grecs, les croyances et les mystères des Egyptiens, la fausse sagesse et les superstitions des Chaldéens, et enfin sur l'ancienne magie des Babyloniens. Nous ne pouvons analyser ici tous ces documents nouveaux, il faut les lire dans le volume; mais pour donner une idée des secours que ce livre apporte pour la lecture des textes égyptiens et babyloniens que nos savants sont en train de débrouiller tous les jours, nous allons traduire ici le chapitre qui traite de la religion des Egyptiens. Il servira de preuve et de complément aux textes que M. de Rougé a déjà donnés sur la croyance de ce peuple à l'unité divine 1, et sur le monothéisme des peuples primitifs de M. Schobel 2.

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«1° Parmi tous les philosophes et les théologiens qui, partout, ont fait des recherches sur Dieu, il n'y a jamais eu aucun accord sur la question de savoir ce qu'il est et comment il est. En effet, les uns disent que c'est le feu, d'autres l'esprit, d'autres l'eau, d'autres la terre. Mais chacun de ces éléments a quelque chose de bas, et l'un est subordonné à l'autre. Il est arrivé aux sages de ce monde, ce qui est visible à chaque es1 Voir l'article intitulé: L'unité de Dieu et la pluralité des personnes dans les symboles primitifs de la langue égyptienne, t. xv, p. 309, et xix, p. 291 (4° série).

2 Voir Annales, t. 11, pages 280 et 405 (5o série).

prit intelligent, c'est que, en considérant l'admirable grandeur de la création, ils se sont étrangement mépris sur la nature des choses créées, en les croyant trop grandes, pour qu'elles pussent devoir leur origine à un autre, et cependant ils n'ont pas cru que cet univers fût Dieu. Mais ils posent comme le principe de leur théologie ce que chacun jugeait de plus éminent dans les choses qu'il contemplait. Ainsi, quand ils voyaient les choses créées de Dieu, choses très-minimes en comparaison de la grandeur de Dieu, et qu'ils ne pouvaient saisir par leur esprit la grandeur du véritable Dieu, ils divinisaient ces choses mêmes. Les Perses, croyant avoir pénétré dans les secrets de la vérité, appelèrent Dieu la lumière resplendissante qui est dans l'air; les Babyloniens, au contraire, dirent que Dieu était l'obscurité, parce qu'elle paraît évidemment suivre la lumière. En effet, le jour suit la nuit, et la nuit le jour.

» 2o Les Egyptiens, qui se croient les plus anciens peuples, soumirent la puissance de Dieu à des calculs, et supputant les distances des parties, ils dirent, inspirés par le souffle divin, que Dieu était une Monade ou Unité, qui s'engendre elle-même, et de qui toutes choses proviennent. Car l'Unité, disent-ils, non engendrée, engendre les nombres qui viennent après elle, de cette manière, qu'ajoutée à elle-même, elle engendre la Dyade, et ajoutée encore, forme la Triade et la Quadriade, jusqu'à la Décade, qui est le principe et la fin des nombres, de telle manière que l'Unité est première et dixième, puisque la Décade a la même propriété et compte pour une Unité, laquelle, répétée 10 fois, arrive à faire la 100°, et là elle devient de nouveau Unité; laquelle unité de centaines, répété 10 fois, forme la Chiliade, ou 1000, qui sera elle-même unité. Ainsi, lorsque les mille unités auront été répétées 10 fois, elle feront les Myriades ou 10 mille, et deviendront également une Unité.

» Les nombres les plus voisins de l'Unité dans l'ordre des indivisibles sont 3, 5, 7, 9. Il y a l'affinité d'un autre nombre par rapport à l'unité, laquelle affinité paraît plus naturelle d'après l'opération du cycle sextuple, c'est-à-dire du nombre 2 selon une égale position et division des nombres. C'est ainsi que le nombre 4 a une affinité avec le nombre 8.

» Ces (choses) recevant leur force auxiliatrice de l'unité des nombres, progressèrent jusqu'aux quatre éléments, à savoir: l'esprit et le feu, l'eau et la terre. De ces éléments celui qui fit le monde, le fit mâle-femelle, et il assigna les deux premiers éléments, l'esprit et le feu, à l'hémisphère supérieur, qui est appelé hémisphère de l'Unité, bienfaisant, s'élevant en haut, mâle. Car l'unité étant subtile de sa nature, s'élève à la partie la plus subtile et la plus pure de l'air. Quant aux deux derniers éléments, qui sont plus grossiers, je veux dire la terre et l'eau, il les assigna à la Dualité, et cet hémisphère est appelé celui tendant en bas, femelle et malfaisant.

» De plus, les deux éléments supérieurs, comparés ensemble, ont aussi en soi le mâle et la femelle afin que toutes choses puissent être produites et recevoir accroissement. Le feu est mâle, et l'esprit femelle, et l'eau aussi est mâle, et la terre femelle. D'où il suit que dès le commencement le feu vécut avec l'esprit, et l'eau avec la terre. Car de même que le feu est la force de l'esprit, aussi l'eau est la force de la terre.

>> C'est ainsi que les éléments, comptés et divisés, après soustraction des Ennéades, se terminent chacun à leur manière, les uns en nombre mâle, les autres en nombre femelle. On retrouve encore l'Ennéade en cette manière, en ce que 360 parties des choses sont formées d'Ennéades, et en ce que les 4 parties du monde sont circonscrites dans 90 parties parfaites. A l'Unité on a adjugé le feu; à la dyade les ténèbres; à la lumière appartient naturellement la vie, à la dyade la mort; à la vie adhère la justice, et à la mort l'injustice. C'est pourquoi tout ce qui est engendré sous les nombres mâles est bienfaisant, tout ce qui l'est sous les nombres femelles est malfaisant, selon que les astrologues le comptent. L'unité, pour commencer par elle, devient le nombre 361, qui finit par l'unité, en retranchant l'Ennéade (36); en faisant le même calcul, la dyade devient 605, nombre qui, en retranchant les Ennéades, finit en dyade, et ainsi chaque nombre revient à son nombre propre.

» 3o On a donc rapporté à l'Unité bienfaisante les nombres finissant en nombre impair1. Car ils disent qu'en les examinant

1 Servius dit aussi : « que le nombre impair est immortel parce qu'il ne » peut être divisé complètement, et il ajoute qu'on observe les nombres im

bien, on trouvera qu'ils tendent en haut, qu'ils sont mâles et bienfaisants; et que ceux qui finissent en nombre pair, tendent en bas, sont femelles et malfaisants. Car ils assurent que la nature est composée d'éléments contraires et de bien et de mal, tels que droit et gauche, lumière et ombre, nuit et jour. De plus, ils disent encore que c'est ainsi qu'ils opèrent sur le nom de Dieu.

» En effet, quand on en a soustrait l'Ennéade, il finit en Quintade, de manière que ce nom est impair; c'est pourquoi ils l'inscrivent sur les corps, pour les guérir. C'est ainsi qu'une certaine berbe dont le nom concorde avec ce nombre, appliquée également, opère le même effet à cause d'un semblable comput de nombre. C'est par la vertu du même nombre que les médecins guérissent les malades. Que si le comput est contraire, la guérison est difficile. En examinant ces nombres, ils computent, selon la même méthode, les choses semblables, les uns selon les voyelles seules, les autres selon le nombre entier.

» Telle est la sagesse des Egyptiens, selon laquelle ils honorent le nom de Dieu et croient le connaître 1. >>

A. BONNETTY.

» pairs pour la guérison des malades et pour plusieurs autres choses. » In Egl. vui, 75.

Fline dit aussi : « Nous croyons que les nombres impairs ont plus de vertus » pour toutes choses; on s'en assure dans l'observation des jours pour les » fièvres » Hist. nat., XXXVI, 11.

Sur le nom de Dieu et les mêmes noms de nombres ou de lettres employés par les magiciens pour la guérison des maladies, voir les Mémoires de l'Académie des inscriptions, t. XXXI, page 299.

1 Philosophoumena, liv. iv, c. 5, p. 113, édition Cruice; édition Bunker, dans Pat. grecque, t. xvi, 3o partie, p. 3104.

- liv. Iv, c. 43,

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Histoire de l'humanité.

ESSAI

SUR LES SACRIFICES HUMAINS

DANS L'ANTIQUITÉ ET DANS LES TEMPS MODERNES.

3.

DEUXIÈME ARTICLE '.

Des sacrifices humains chez les Phéniciens et les Carthaginois.

A l'occasion de notre travail sur les sacrifices humains, M. Bonnetty a eu l'obligeance de se livrer à de longues et laborieuses études sur cet usage chez les Phéniciens et les Carthaginois. Ce sont les résultats de ses savantes recherches que nous publions aujourd'hui. En ce qui regarde les Grecs, les Gaulois et les Romains, les recherches de M. Bonnetty ont été classées par ordre, avec celles qui nous sont propres.

Les Phéniciens font encore partie de cette race de Cham, d'où étaient sortis les Égyptiens, et comme eux, et d'après eux peut-être, ils pratiquèrent de temps immémorial l'horrible religion des sacrifices humains. Et en effet, nous trouvons ces sacrifices en usage dès les premières notions que nous avons de leur histoire. Voici, en effet, ce que rapporte Sanchoniathon, leur historien, dans la traduction qu'en a laissée Philon de Biblos.

« C'était l'usage chez les anciens, dans les circonstances de » graves dangers, qu'à la place d'une destruction universelle, » les dominateurs de la ville ou de la nation livrassent le plus » chéri de leurs enfants pour être immolé comme un rachat >> auprès des dieux vengeurs : ils étaient égorgés secrètement. D Cronos (Saturne) donc, que les Phéniciens nomment Il, >> régnant dans ce pays, celui même qui plus tard après sa » mort fut consacré dans l'astre qui porte son nom, ayant eu » d'une nymphe de la contrée, nommée Anobret, un fils » unique que par cette raison il nomma Jeoud (c'est ainsi que » même aujourd'hui on appelle en Phénicie les fils uniques), » des grands dangers de guerre ayant menacé le pays, il orna Voir le 1er article au numéro d'avril, ci-dessus p. 298.

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