» cause de votre chute. Que si vous reconnaissez la grâce, >> prenez garde que ce ne soit pas en vain que vous l'ayez re» çue. Sanctifiez vos mœurs, vos études et votre ministère, » afin que, si la sainteté de vie n'a pas précédé votre élection, » elle la suive du moins inviolablement. Alors, nous avouerons » que Dieu vous a prévenu de ses grâces, et nous espérerons » qu'elles découleront de plus en plus sur votre personne. » Nous nous réjouirons de ce que vous avez été établi comme >> un fidèle et prudent serviteur sur la famille du Seigneur, » afin d'être un jour mis en possession, comme un fils heu>> reux et puissant, sur tous les biens de votre Père. Autre» ment si vous avez plus d'empressement de vous élever par » dessus les autres, que d'être homme de bien, vous devez » moins attendre la récompense que le précipice. Nous souhai>> tons et nous prions Dieu que cela n'arrive pas, étant prêt à » vous aider selon notre petit pouvoir, en tout ce que la bien» séance et la raison exigeront de nous.>> DEUXIÈME LETTRE DE SAINT BERNARD. A Ardutius. <«<La charité m'inspire la hardiesse de vous parler en con»fidence. Le siége, mon cher, que vous avez obtenu depuis » peu, demande un homme de grands mérites, dont nous » avons du déplaisir de vous voir privé, ou du moins de ce » qu'ils n'ont pas précédé votre élection autant qu'il aurait été » nécessaire. En effet, vos actions et vos études passées n'ont » semblé en aucune façon être des démarches à la charge d'é» vêque. Mais quoi? Dieu ne peut-il pas susciter d'une pierre » des enfants à Abraham? Dieu ne peut-il pas faire que les >> actions vertueuses, qui devaient précéder, viennent du moins » ensuite ? Nous l'apprendrons avec joie, si cela arrive de » cette manière. Ce changement subit de la main de Dieu aura » quelque chose de plus surprenant et de plus agréable, que » s'il avait été précédé par les mérites d'une vie passée. Nous » avouerons que c'est l'ouvrage du Seigneur, et un ouvrage >> digne de notre admiration. Ainsi Paul, de persécuteur de » l'Église, devint le docteur des gentils. Ainsi saint Mathieu » fut tiré du péage à l'apostolat, et saint Ambroise, du palais » à la dignité d'évêque. Nous en connaissons de même qui ont » été tirés de la vie séculière pour cette charge, avec un avan>> tage considérable de l'Église. Enfin, il est fort souvent arrivé » que là où les péchés ont abondé, la grâce aussi a abondé >> par dessus. Vous donc, mon cher, étant animé de sembla» bles exemples, ne manquez pas de ceindre courageusement » vos reins, et de corriger votre conduite et vos études, afin » que la correction du soir efface les défauts du matin. Ayez » soin d'imiter saint Paul en honorant son ministère. Vous » l'honorerez par la gravité de vos mœurs, par la mûre réso»lution de vos conseils, et par l'honnêteté de vos actions. Ce » sont les choses qui ornent particulièrement un évêque. Fai»tes tout avec conseil, non pas avec le conseil de tous indif» féremment, mais seulement avec celui des hommes de bien. » Ayez-en de tels dans vos affaires et dans votre domestique, » qui soient les gardes et les témoins de votre vie et de votre >> honnêteté; car c'est ainsi que vous serez estimé homme de » bien, ayant le témoignage de ceux qui sont dans cette répu>>tation. Nous recommandons à votre charité nos pauvres frẻ>> res qui sont près de vous', ceux de Bonmont et de Haute» combe; et cela nous donnera des preuves du soin que vous » avez de nous et de votre prochain. » On ne trouve rien dans l'histoire qui prouve que l'évêque Ardutius ne se soit pas conformé, dans sa conduite privée, aux sages conseils de St-Bernard; mais elle a consigné les actes publics qui ont illustré son administration épiscopale. Il commença par obtenir de l'empereur Frédéric Barberousse une bulle datée de Spire, le 14 janvier 4453, par laquelle il était ordonné que tous les biens et toutes les terres appartenant à l'église de Genève, ou qui pourraient lui appartenir dans la suite par la munificence des rois ou par la pieuse libéralité des gens de bien, seraient propres à cette église à perpétuité, pour s'en servir comme elle le jugerait à propos. Et comme, sans tenir compte des obligations qu'il avait contractées par le traité de Seissel, le comte Aimon avait renouvelé ses entreprises contre l'autorité de l'évêque, et troublé la paix du diocèse, Ardutius, par l'intermédiaire des archevêques de Vienne, de Lyon et de Tarentaise, conclut avec lui un nouveau traité, le 22 février 4453, qui confirma celui de Seissel et fit cesser le trouble que le comte avait suscité dans l'Église de Genève, laquelle, d'après les termes du nouveau. traité, avait été désolée par lui de plusieurs manières, multis modis afflictam. Il y est dit aussi que le comte doit être un fidèle avocat sous l'évêque: Comes fidelis avocatus sub episcopo. Ardutius ne jouit pas longtemps des avantages qu'il croyait s'être assurés non-seulement parle dernier traité conclu avec le comte de Génevois, mais aussi par une deuxième bulle qu'il avait obtenue de l'empereur Frédéric, et qui lui était plus favorable encore que la première. Berthold, duc de Zéringen, oncle de cet autre Berthold qui bâtit la ville de Berne, prétendant avoir des droits réels sur des terres dépendantes du royaume de Bourgogne, se fit donner en compensation par l'empereur la souveraineté de trois évêchés enclavés dans ce royaume, mais qui n'en étaient pas une dépendance. C'étaient ceux de Sion, de Genève et de Lausanne. Berthold, ayant à son tour cédé à Amé II, fils d'Aimon, ses droits de souveraineté sur Genève, le nouveau comte de Génevois s'empara sans façon de la juridiction temporelle de l'évêque, et mit la main sur tout ce qui appartenait au prélat et au chapitre, sur les revenus et sur les censes ecclésiastiques. Mais Ardutius n'était pas homme à souffrir ces usurpations. Il se rendit en diligence à St-Jean-de-Lône, dans l'archevêché de Besançon, où se trouvait alors l'empereur Frédéric. Admis à l'audience impériale, il se plaignit, avec beaucoup de force et de liberté, des procédés de Berthold et du comte Amé qui étaient présents, l'empereur les ayant mandés auprès de lui pour entendre les plaintes du prélat. Il fit voir clairement ses droits de souveraineté, et rappela les divers priviléges que les prédécesseurs de Frédéric avaient accordés à l'évêque de Genève, portant, que lors même que l'évêque ne le voudrait pas, il ne pourrait y avoir au-dessus de lui que l'empereur. Enfin il produisit en sa faveur les deux bulles que Frédéric lui-même avait octroyées, principalement celle qui remettait à lui, Ardutius, et à ses successeurs, tous les droits que l'empereur pouvait prétendre sur la ville de Genève, sur ses faubourgs et sur les forts de l'évêché. Il conclut en faisant un appel à la justice de l'empereur qui n'avait pu, contre les concessions de ses prédécesseurs et les siennes propres, donner au duc de Zeringen, la souveraineté de Genève. Ardutius ayant fini de parler, l'empereur demanda au comte de Génevois ce qu'il avait à dire pour sa défense; mais il ne put alléguer en sa faveur que la concession qui avait été faite au duc de Zeringen. Les parties entendues, Frédéric, sur l'avis de son conseil, adjugea à Ardutius la souveraineté de Genève, de son faubourg et de ses forts; confirmant la cession qui lui en avait été faite, ainsi qu'à ses successeurs; imposant un silence perpétuel au duc et au comte, et se réservant seulement dans la ville, dans ses limites et dans les châteaux de l'évêché que, lorsque l'empereur passerait en personne par la ville de Genève, l'évêque et son clergé seraient obligés de chanter les litanies pendant trois jours consécutifs, pour la conservation et l'accroissement du saint empire romain. Après que la sentence impériale eut été rendue, le duc de Zeringen et le comte de Génevois en reconnurent la justice; et tous les deux demandèrent pardon à l'évêque du tort qu'ils lui avaient fait. L'empereur ordonna ensuite à l'église de Genève de ne jamais reconnaître d'autre prince que l'évêque Ardutius et ses successeurs. Il défendit à toutes sortes de personnes de jamais troubler ce prélat dans ses droits de juridiction, de régale et de souveraineté, sous peine d'une amende de 4,000 livres d'or, la moitié applicable au fisc impérial, et l'autre moitié à l'évêque et à l'église de Genève. Puis, il fit rédiger de ses décisions une bulle qu'il adressa à tout le clergé, à tous les gentilshommes, citoyens, et habitants de Genève et des châteaux de l'évêché (1). Cette bulle fut délivrée au mois de septembre de l'an 1462, en présence d'un très-grand nombre de prélats et de princes de l'empire, dont près de quatre-vingts sont nommés au bas de l'acte. Ardutius y est qualifié d'honorable prince et de vénérable évêque, honorabilem principem et venerabilem episcopum. Le même jour, l'empereur en délivra une seconde par laquelle il cassa et annulla d'une manière plus expresse la donation' qu'il avait faite au duc de Zeringen, et confirma la souveraineté qu'il avait accordée à l'évêque de Genève, ordonnant au duc et au comte de lui rendre ses places fortes qu'ils retenaient encore, et tous les droits de régale qu'ils avaient usurpés. Au reste, les ordres de l'empereur furent exécutés, comme l'atteste un acte émané d'Ardutius. (1) Universo clero Gebenensi et omnibus militibus, civibus atque burgensibus ipsius civitatis et habitatoribus castrorum ipsius episcopatus et cæteris omnibus tam minoribus quàm majoribus ad episcopatum Gebenensem subjectionis gratiæ pertinentibus. COPIA BULLE. Spon, HIST. DE GENÈVE, t. III, p. 43. |