Page images
PDF
EPUB

employât tous ses efforts à adoucir le sort des unions légitimes et malheureuses, et à rendre légitimes les unions coupables.

On ne peut donner trop d'éloges à des vues aussi bienfaisantes que morales. Déjà, en 1825, une association pour le mariage des pauvres de Paris, et dont le but est de s'opposer aux progrès des unions illégitimes, a été formée dans cette grande ville. De pareilles institutions ne seraient pas moins nécessaires dans nos principales cités, surtout dans celles qui renferment de grandes agglomérations des deux sexes.

Les sociétés de charité conjugale (titre si heureusement choisi par M. le baron Charles Dupin) devraient non seulement diriger leurs efforts vers le but indiqué, mais encore, et d'accord avec les exhortations religieuses elles pourraient persuader aux ouvriers célibataires qu'une union prématurée, et contractée avant que des ressources suffisantes leur soient acquises pour l'avenir, peut compromettre, de la manière la plus funeste, leur propre bonheur, celui de l'épouse qu'ils associent à leur sort et celui de leurs enfans.

Quant aux mariages illégitimes, la charité doit les proscrire sévèrement, soit par le blâme, soit par la privation des secours, soit enfin par l'autorité persuasive que donne la vertu. Nous avons déjà fait connaître, dans les diverses applications de la charité légale, les précautions à prendre sur ce point. Les devoirs de la charité volontaire sont moins rigoureux, mais néanmoins importans et délicats.

Pour les ouvriers, pères de famille, mariés légitimement, les deux principaux objets que doive se proposer à leur égard la charité volontaire, sont de les aider à se former des épargnes et à faire élever et instruire leurs enfans. On entrera dans cette voie en s'efforçant de multiplier les caisses d'épargnes et de prévoyance, en transformant en première mise à l'épargne les secours accordés

aux pauvres ouvriers dont le salaire ne suffit qu'au strict nécessaire de l'existence, en mettant à la portée des classes ouvrières les asilums, les écoles charitables, les dispensaires, en cherchant à leur procurer des logemens salubres, enfin, en les éclairant sur les moyens de pourvoir, à moins de frais possibles, à leurs besoins journaliers. Les associations de bienfaisance doivent étendre autour d'elles toutes ces créations d'une ingénieuse philantropie dont nous avons fourni déjà la nomenclature: les cuisines économiques, les boutiques des pauvres, les chauffoirs publics, des magasins de combustibles, d'alimens et de vêtemens à bon marché, les soupes à la Rumford, les applications de la gélatine des os aux préparations alimentaires (1), enfin,

(1) Ce nouveau genre de préparation donne aux curés de paroisses, aux bureaux de charité, etc., les moyens de multiplier les bienfaits et les secours qu'ils prodiguent aux indigens, et il est d'autant plus précieux pour cax, que les ressources se trouvent rarement en proportion avec les besoins.

Un appareil de deux mille rations d'un demi-litre de dissolution de gélatine coûterait 1,200 à 1,500 fr., non compris le prix des chaudières pour la cuisson des alimens.

Des doutes s'étaient élevés sur l'utilité réelle de l'emploi de cette substance; l'Académie royale des Sciences a cru devoir se livrer, à cet égard, à un examen approfondi.

Il résulte des expériences qu'elle a fait faire sous les yeux de commissaires éclairés :

1° Que le régime de pain et de gélatine est nutritif, mais insuffisant; 2° Que la gélatine, associée au pain, a une part effective dans les qualités nutritives de ce régime;

3° Que le régime de pain et de bouillon de viande est susceptible d'opérer une nutrition complète ;

4° Qu'une addition de bouillon, en petite proportion, au régime de pain et de gélatine élémentaire, le rend susceptible de fournir une nutrition complète, c'est-à-dire d'entretenir la santé et de développer le corps.

On avait proposé, comme aliment salutaire et à bon compte, un bouillon fait avec la gélatine extraite des os et un quart de la quantité de viande employée pour le bouillon ordinaire. Or, on a obtenu, avec une solution do gélatine extraite des os et une bien moindre portion de viande que celle qui est recommandée et usitée, des effets nutritifs tellement énergiques, que l'on n'a pas vu de différence entre les deux espèces de bouillon.

[ocr errors]

Personne, ajoutent les commissaires, n'a jamais prétendu que le bouillon

tous les perfectionnemens des secours en nature donnés à domicile et qui acquerront tant de prix et d'efficacité s'ils sont confiés aux religieuses hospitalières et à de charitables visiteurs des pauvres (1).

Ici nous devons placer quelques réflexions sur un usage général en France qui paraît n'offrir aucun inconvénient, mais dont les résultats, considérés sous un point de vue d'économie publique, ont plus d'importance qu'il ne le semble au premier abord. Cet usage, qu'un préjugé ancien a fait passer dans les habitudes et en quelque sorte dans les mœurs des Français, est celui de la soupe (et par conséquent du pot-au-feu) au moins une fois par jour. Il est reçu non seulement chez le peuple, mais même dans les classes les plus élevées, que le bouillon et la soupe avec laquelle on l'emploie, sont des alimens indispensables pour entretenir la santé et les forces: aucun repas ne saurait s'en passer. Cependant il est prouvé, par des expériences complètes et décisives, que la viande bouillie, et le bouillon qui en provient, représentent une quantité bien moins considérable de substances nutritives que la viande rôtie ou préparée sans ébullition. Plusieurs médecins éclairés ne regardent point même comme parfaitement saine cette préparation excitante et toujours plus ou moins liquide dont nous sommes dans l'habitude journalière de faire la base première de l'un de nos repas.

Mais un inconvénient bien plus grave encore se fait sentir dans l'intérieur domestique d'un pauvre ménage d'ouvriers. Il faut que la femme demeure à la maison et de viande, le plus fort et le plus riche en sucs nutritifs, puisse seul suffire à la nutrition de l'homme; aussi ne s'agit-il pas de recommander le bouillon fait avec la gélatine des os, non plus que le bouillon fait de viande, en certaine proportion, comme devant suffire scul; c'est un aliment nutritif qu'il faut associer avec tout ce que l'on peut d'ailleurs se procurer de nutritif. » Voici, ce nous semble, ce qu'il y a d'essentiel, pour le moment, dans la question pratique. »

[ocr errors]

(1) « On ne saurait se dissimuler, dit M. le baron de Morogues, que

passe plusieurs heures à surveiller son pot-au-feu; il y a perte de temps et de travail, dépense de bois ou de char

l'un des plus fâcheux résultats de la distribution administrative, et par conséquent, toujours prévue et attendue, c'est qu'en accoutumant les ouvriers à la fainéantise, elle en conduit un grand nombre à la mendicité. Il serait donc préférable, lors des temps de disette et quand l'intempérie des saisons ou les vicissitudes du commerce obligeraient à venir au secours des indigens, d'établir pour eux seuls des magasins où on livrerait aux pauvres les objets de première nécessité à leur convenance, au plus bas prix possible et affranchis d'octroi, plutôt que de les leur distribuer gratuitement, hors les cas très rares de circonstances urgentes et imprévues. »

« Il me semblerait, qu'à cet effet, les travaux de charité qui doivent toujours être peu lucratifs, afin d'exciter à en chercher d'autres, devraient être en partie payés avec des cartes qui serviraient à acquérir, aux magasins, du bois ou des vêtemens, lors des grands froids, et des alimens, lors de la cherté des vivres. »

« Ces objets seraient livrés aux indigens au plus bas prix possible, mais ils ne leur seraient donnés gratuitement que dans les cas d'impossibilité absolue de travailler, et cela seul suffirait pour les obliger à chercher des Occupations lucratives et utiles. >>

« Lors des hivers rigoureux, le froid cause des maux affreux à la classe indigente; en 1829, des chauffoirs publics ont été établis dans les divers quartiers de Paris, pour y remédier. Leur établissement philantropique était louable, sans doute; mais, en attirant la foule des gens désœuvrés, ne favorisait-il pas leur paresse, leur causerie et leur négligence? N'eût-il pas mieux valu mettre les pauvres à même de se chauffer chez eux, en leur livrant à très bas prix, dans des magasins de charité, des fagots peu coûteux, dont le volume et la qualité inférieure restreignent pour l'ordinaire l'usage dans les campagnes ?.... >

<«< Aux magasins de bois de charité, il serait bon d'en joindre d'autres remplis des étoffes les plus grossières et les plus économiques, qui fabri quées dans les ateliers de charité, dans les prisons, dans les colonies de répression, ou même dans des manufactures particulières, seraient vendues au plus bas prix possible. »>

« Le pain, les gros légumes et la viande pourraient aussi être fournis aux pauvres, sur des cartes de paiement, par des magasins de charité, dans lesquels les objets entreraient en franchise de droits d'octroi, et seraient reçus en nature des gens charitables et philantropes qui en feraient don ou qui s'offriraient de les fournir au prix coûtant. >>

<< Tous ces magasins de charité que nous proposons d'établir dans les villes, rempliraient presque partout le but principal des sociétés coopératives de l'Angleterre, but qui est de pourvoir aux besoins des classes indi

bon, et le tout pour n'obtenir qu'une nourriture bien moins substantielle, et par conséquent moins économique que celle qu'on aurait pu se procurer au même prix. Cette remarque n'avait pas échappé à l'homme qui savait si bien descendre des plus hautes conceptions de la politique et de la guerre, aux plus petits détails de la vie domestique, lorsque ceux-ci avaient des rapports avec les intérêts généraux de la société. L'empereur Napoléon disait quelquefois que le pot-au-feu ruinait les ménages des ouvriers français. Il avait raison, et il aurait pu appliquer son observation aux soldats comme aux ouvriers. Dans plusieurs pays du nord de l'Europe, on connaît à peine l'usage de la soupe chez le peuple des viandes rôties ou froides, et des légumes apprêtés promptement et à peu de frais, composent leur régime habituel. La famille vit mieux et à meilleur marché, et les ménagères emploient plus utilement un temps si précieux pour les ouvriers pauvres. Il sera difficile peut-être de déraciner en France une habitude qui s'est tellement liée à l'idée d'un premier besoin et du bien-être, qu'il est passé en proverbe que la soupe fait le soldat. Le peuple est convaincu, et l'habitude explique cette conviction, que cet aliment restaure

:

gentes, au plus bas prix possible. Les magasins d'alimens de charité contiendraient, dans les villes, des boulangeries où l'on fabriquerait des pains économiques et nourrissans avec des farines des grains les moins chers, unies aux pommes de terre, ou combinées avec la pulpe des citrouilles, ainsi que cela se fait souvent dans la partie orientale de la France. »

« L'avantage des magasins de charité serait encore accru par la facilité, qu'ils procureraient, de donner du travail, dans leur enceinte même, à une partie de la classe indigente. Les uns scieraient et distribueraient le bois; les autres façonneraient les vêtemens, d'autres fabriqueraient le pain et prépareraient les alimens destinés à la fourniture des pauvres, et ainsi, une partie d'entre eux serait à même de trouver des occupations suffisamment lucratives. »

« On pourrait vendre aux indigens des campagnes, à bas prix, la gélatine extraite des os des boucheries, pour servir à assaisonner les pommes dé terre, les haricots, etc. » (Du Paupérisme et de la mendicité.)

« PreviousContinue »