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vaient les classes de ces écoles, ils paieraient une rétribution perçue par le receveur municipal, et qui diminuerait d'autant la dépense des écoles gratuites.

Des associations religieuses et charitables, libres, se - formeraient promptement, sans doute, à la voix des évêques et sur les directions données par la grandeaumônerie, pour servir d'auxiliaires aux divers ministres ⚫ officiels de la charité. Nous indiquerons plus tard à quels objets spéciaux elles pourraient s'appliquer. Ces institutions ne demanderaient au gouvernement que protection et liberté. De son côté, le gouvernement aurait le droit d'exiger la garantie qu'elles n'auraient aucun but politique, qu'elles ne prendraient aucun engagement contraire aux lois. Il semble que les statuts devraient être approuvés par les évêques, sauf la sanction de la grande-aumônerie, après l'avis du conseil supérieur de charité.

Les associations philantropiques seraient approuvées par le préfet, sauf la sanction de la grande-aumônerie et l'avis du conseil supérieur. Il serait à désirer de les voir se multiplier, se propager, s'appliquer à perfectionner les applications de la charité chrétienne. Nous indiquerons dans quel cas elles pourraient être plus spécialement utiles. Nous ne doutons pas que, réunies dans un but commun, le soulagement et l'amélioration physique et morale des classes indigentes, elles ne devinssent, non les rivales, mais les émules et les sœurs des associations religieuses. La religion et la charité chrétienne s'efforceraient sans doute de les attirer à elles; mais ce serait par un attrait plein de douceur et d'affection. Nous concevons même l'espérance que, de cet ensemble de vues et de direction, pourrait naître enfin l'alliance si désirable de la charité et de la philantropie, l'union de la vertu religieuse et de la science humaine, de l'aumône et du travail, l'accord des deux grandes lois sociales, enfin, le complément de la mission de la charité. La distance qui sépare la véritable

philantropie de la vertu chrétienne n'est pas en effet impossible à franchir. L'esprit de bienfaisance est bien voisin de la morale: la morale conduit sûrement à l'esprit religieux. Or, le sentiment religieux, profond et éclairé, doit nécessairement aboutir au christianisme.

Viennent enfin les associations d'artistes, d'ouvriers ou de personnes exerçant des professions communes ou analogues, et qui veulent s'assister mutuellement en cas de nécessité. Elles peuvent, sans contredit, avoir de grands avantages sociaux et particuliers. On en trouve un grand nombre en Angleterre, où elles produisent d'excellens résultats. Jadis elles existaient en France, mais avec une juridiction et des priviléges qui sont aujourd'hui hors de nos mœurs politiques. On pourrait les autoriser, on devrait encourager même leur formation sur des bases nouvelles, et avec les garanties convenables. C'est un objet que nous examinerons en nous occupant de la révision des lois relatives aux ouvriers.

En demandant une préférence exclusive, en faveur des institutions religieuses de charité hospitalière ou d'enseignement, pour les établissemens publics charitables, nous devons prévoir les objections de l'esprit philosophique moderne. Nos réponses seront précises, et, nous l'espérons, satisfaisantes.

Nous n'avons plus à craindre les déclamations de l'école voltairienne sur le célibat des ordres religieux, et les dangers qui peuvent en résulter pour la population et les bonnes mœurs. Si l'expérience a prouvé incontestablement que la population a plutôt besoin d'entraves que d'encouragement, elle a prouvé non moins hautement combien est pure, inaltérable et au-dessus de tout soupçon, la moralité des êtres qui se sont jusqu'à ce jour dévoués au soulagement des pauvres et des malheureux. Le nom révéré des sœurs hospitalières et des frères de la Doctrine chrétienne défie la malveillance la plus audacieuse.

Que reste-t-il donc à redouter ou à prévoir ? Désintéressement complet, dévouement absolu à des fonctions pénibles, nulle préoccupation de soins de famille, d'ambition et d'avenir, uniformité d'enseignement, perpétuité de l'institution, économie rigoureuse, inaltérabilité de principes et de morale, et cependant possibilité de progrès en méthodes et en lumières, tels sont les admirables avantages qu'offrent les instituts religieux charitables.

Craindrait-on l'influence de maîtres religieux sur leurs élèves et sur leurs parens? Mais cette influence ne saurait être que celle de la vertu. Loin de la redouter, il faudrait la bénir. Quant aux sœurs hospitalières, il nous semble qu'on est parfaitement d'accord pour reconnaître l'utilité de leurs services, et pour n'apercevoir aucun inconvénient dans leur institution. La crainte d'une influence politique serait ici une préoccupation dérisoire. Les sœurs de la charité et les frères des écoles chrétiennes n'ont certes pas l'ambition de s'élever à d'autres pensées qu'à accomplir leurs modestes et touchans devoirs. Leur royaume n'est pas de ce monde; ils ont renoncé à celui-ci.

Si l'on objecte que les méthodes nouvelles d'enseignement sont plus promptes, plus rapides, plus économiques, nous répondrons d'abord que rien d'invincible ne s'oppose à ce que les instituts religieux n'adoptent, avec l'agrément de leurs supérieurs ou de l'autorité suprême religieuse, les procédés que l'expérience doit engager à préférer ; ensuite, que trois années suffisent pour compléter l'enseignement primaire donné par les instituts religieux, et que l'expérience démontre combien il est funeste d'envoyer aux travaux industriels les enfans qui n'ont pas une constitution suffisamment développée. Or, cette constitution n'est guère obtenue qu'à l'âge où ils ont terminé leur éducation dans les écoles chrétiennes. Ainsi cette prétendue lenteur d'enseignement est un avantage. Les enfans y gagnent de savoir mieux ce qu'ils ont appris, et de ne pas être exposés à user

prématurément leurs forces. Le léger surcroît de dépense qu'ils peuvent occasioner à leurs parens sera bientôt compensé par le travail et la santé. D'ailleurs, rien n'empêcherait qu'à côté des écoles chrétiennes on plaçât une école d'apprentissage et d'industrie où les enfans recevraient les élémens d'une profession ou d'un métier. C'est une proposition qui sera développée dans le cours de cet ouvrage.

La dépense de premier établissement des écoles ne serait jamais excessive; celle d'entretien serait très modérée : la charité religieuse y participerait généreusement. La question de la dépense ne saurait donc arrêter.

Nous ne voyons donc aucune objection grave et sé-rieuse. Mais le parti prêtre, l'envahissement, l'esprit de domination du clergé! Nous l'avouons, nous n'avons pas le courage de réfuter de tels argumens. Après la révolution de Juillet, en présence de la liberté de la presse, de la tribune publique, des mœurs actuelles, redouter ce qu'on appelle le parti prêtre et l'invasion du sacerdoce dans les affaires publiques au sujet des pères de SaintYon et des hospitalières, serait par trop absurde ou pusillanime. On ne saurait même comment le qualifier lorsqu'il s'agit du sort des enfans des pauvres. Le fond de la pensée serait-il d'enlever à la religion toute influence morale, de lui ravir toute participation à la charité, ou, pour mieux dire, de la bannir de la France? Nous ne prôterons pas de tels désirs à nos adversaires; mais s'ils osaient les exprimer, nous n'aurions plus besoin de chercher à prouver la nécessité de notre système. Leurs paroles seraient la plus éloquente démonstration des dangers que nous voulons prévenir et de l'efficacité des remèdes que nous proposons.

CHAPITRE V.

DES INSTITUTIONS CHARITABLES PUBLIQUES POUR LES INDIGENS HORS D'ÉTAT DE TRAVAILLER.

Tous les êtres qui ne peuvent obéir à la loi du travail doivent être protégés par la charité.

Nous avons exposé déjà des argumens que l'école économique anglaise a cru devoir faire valoir contre les institutions de charité en géneral, et particulièrement contre celles qui peuvent encourager des mariages imprévoyans et enlever aux pauvres la pensée et le besoin de faire des épargnes pour les maladies et la vieillesse. « Une sorte de scepticisme systématique, dit. M. le baron Degérando, semble s'élever depuis quelques années sur les premiers principes qui jusqu'alors avaient présidé à la création et à la direction des établissemens de charité. L'école formée par les écrits de Malthus a particulièrement élevé des doutes sur l'utilité de ce genre d'établissemens. Elle s'est trouvée conduite, par les conséquences du célèbre principe de la population, à indiquer à la pauvreté d'autres causes et d'autres remèdes que ceux qui semblaient généralement reconnus. »

« Quoique la base fondamentale de ce système ait été combattue avec avantage par d'excellens esprits, le sys

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