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pensons qu'on doit considérer comme établissemens indispensables à des populations manufacturières et agglomérées, tous ceux qui ont pour objet le soulagement des pauvres habituellement ou momentanément hors d'état de travailler, et d'être entretenus et soignés par leurs familles, sauf à exiger l'obligation de l'épargne pour ceux qui reçoivent un salaire suffisant pendant leur aptitude au travail.

Cet ordre de secours nous semble en même temps indiquer la limite où doit s'arrêter l'intervention directe de la charité légale et administrative; il embrasse les hôpitaux de malades, les hospices de vieillards, d'infirmes, d'enfans orphelins ou abandonnés, d'aveugles, de sourdsmuets, d'aliénés. Cette classe de pauvres forme, à proprement parler, la portion souffrante de l'indigence, celle qui a réellement droit à l'assistance nationale. La charité publique ne peut s'égarer en cherchant à la soulager. Ainsi, le devoir de venir au secours de ceux que la Providence a privés des moyens d'exister par le travail, se concilie avec la prudence; il ne s'agit que de le compléter par quelques améliorations d'ordre et d'économie. Quant aux autres genres d'infortune, c'est à la charité privée à y pourvoir elle-même; le gouvernement n'a plus à intervenir que par l'influence des lois et de quelques institutions sur l'enseignement des classes pauvres, là mendicité, l'hygiène publique, l'organisation des secours publics, l'industrie et l'agriculture.

CHAPITRE VI.

DES INSTITUTIONS RELATIVES AUX INDIGENS MALADES.

Grâce à ces soins pieux, sans terreur, sans remord,

L'agonie en ses bras plus doucement s'achève ;
L'heureux convalescent sur son lit se relève,

Et revient, échappé aux horreurs du trépas!

D'un pied tremblant encor former ses premiers pas.

(Delille.)

Les hôpitaux des malades, avons-nous dit, sont indispensables au sein des populations ouvrières agglomérées ; il est nécessaire qu'ils soient constamment en rapport avec le taux moyen et habituel du nombre des pauvres malades, et susceptibles même de s'accroître pour des cas d'épidémies et d'accidens imprévus. Mais, à côté des établissemens destinés à recueillir les malades qui seraient chèrement et difficilement traités dans leur domicile, doivent être placés les moyens de prévenir les maladies dès leur origine, ou d'empêcher qu'elles ne deviennent longues et sérieuses. Les dispensaires, dont jouissent plusieurs grandes villes, ont cet avantage, et celui d'aider par conséquent les ouvriers à ne s'abstenir que rarement de la grande loi du travail.

A Paris, ils ont pour résultats que la mortalité des pauvres ouvriers traités chez eux n'est que de un sur trente

guéris, tandis que, dans les hôpitaux, elle est de un sur huit, et cependant les hôpitaux de la capitale sont aujourd'hui les mieux tenus de l'Europe (1).

La dépense, pour les dispensaires, s'élève à 30 fr. par an pour un malade. Le taux de la journée, dans les hôpitaux est de 1 fr. 30 c. La proportion est de un à vingt-deux.

L'établissement des dispensaires devrait donc marcher partout d'accord avec celui des hôpitaux de malades. A défaut de dispensaires, l'administration des hôpitaux pourrait établir une organisation de secours à administrer à domicile aux malades. Des lits portatifs, des couvertures, etc., pourraient être prêtés à ces derniers; on leur enverrait les médicamens nécessaires, et, s'il le fallait, des gardes de charité. Alors, avant qu'aucun pauvre malade ne fût transporté à l'hôpital, le visiteur et le médecin des pauvres s'assureraient s'il peut être convenablement soigné à domicile au moyen des secours du dispensaire. Par-là, on habituerait les familles à ces soins qui fortifient l'affection mutuelle et excitent à l'ordre et à la prévoyance. Pour mieux en démontrer les effets, nul ouvrier ne serait admis dans un hôpital ni au secours du dispensaire, s'il ne s'était soumis, selon ses facultés, aux institutions de prévoyance et d'épargnes établies dans la ville de sa résidence.

Le choix des médecins et des chirurgiens attachés aux établissemens de charité est d'une haute importance. Leur mission est grave et élevée. Nous devons reconnaître qu'en général ils savent s'en rendre dignes: la plupart de ceux que nous avons connus sont au-dessus de tous les éloges. Les sœurs hospitalières ont droit à un hommage, non seulement de confiance, mais d'admiration. Chaque établis

(1) A Paris, les hôpitaux et les hospices renferment 17,000 lits dont 4,673 pour les malades.

La dépense des hôpitaux et hospices de Paris s'est élevée, en 1826, à 9,642,591 fr. Les revenus, à la même époque, étaient de 10,819,684 fr.

sement doit en être pourvu; c'est une obligation à imposer à toutes les administrations qui ne l'auraient point encore devancée.

Un économe et des agens comptables sont nécessaires pour la tenue et la régularité de la comptabilité et pour divers services intérieurs: quant à ceux-ci, « qu'ils soient d'honnêtes gens par-dessus tout, dit le vénérable Coste: en matière de comptabilité, tout en deçà du moindre soupçon, comme en matière de soins, tout en deçà de la moindre négligence. »

Si des hôpitaux de malades sont indispensables dans les cités où abondent les ouvriers et les pauvres dénués de moyens de se faire traiter à domicile, leur nécessité se fait moins sentir dans les villes d'un ordre inférieur, et surtout dans les campagnes.

Partout où le nombre habituel des malades n'est point assez considérable pour faire profiter de l'économie et des avantages résultant de la communauté de soins, les édifices et le personnel absorbent la majeure partie du capital et des revenus d'un hôpital de malades. Dans ce cas, un établissement de ce genre ne profite qu'imparfaitement à la classe indigente. Il faudrait donc s'abstenir d'en élever là où il n'en existe pas encore, et peut-être même ne faudrait-il pas hésiter à supprimer ceux de cette nature qui existent, et appliquer le prix de l'aliénation à l'acquisition de rentes qui permettraient d'entretenir un dispensaire desservi par des hospitalières, et de multiplier les secours à domicile aux malades.

Dans les campagnes, une pharmacie, une hospitalière, un médecin, une accoucheuse des femmes pauvres peuvent compléter le système de secours des malades toujours entourés d'ailleurs de la sollicitude de leurs voisins, des personnes charitables et surtout du prêtre, premier ministre de la charité.

Des écoles secondaires de médecine établies dans chaque

chef-lieu de nos départemens populeux, et des conseils de salubrité créés dans tous les chefs-lieux d'arrondissement contribueraient puissamment à répandre l'instruction et les lumières et à améliorer l'hygiène des pauvres.

Sous le rapport important de la salubrité et de l'économie, il serait avantageux que les hospices de malades fussent, autant que possible, toujours placés hors de l'enceinte des villes. C'est une observation qui ne doit point être perdue de vue dans le choix de l'emplacement des nouveaux hôpitaux à construire. Quant aux données du problème de ces constructions nouvelles, on ne peut qu'engager les administrateurs et les architectes à se bien pénétrer des vues judicieuses développées dans l'excellent article sur les hôpitaux, rédigé par M. le docteur Coste, au Dictionnaire des Sciences médicales.

On a calculé que, dans la ville de Paris, le rapport des malades habituellement admis aux hôpitaux, à la population générale, est d'environ 1 à 106. Il en résulterait qu'une ville de 50,000 habitans devrait avoir un hôpital de 400 à 500 lits de malades: c'est aussi la proportion que nous avons généralement observée en France.

En appliquant ce rapport à la population générale du royaume, on aurait habituellement, en France, 292,428 32106 indigens malades, susceptibles d'être reçus dans les hôpitaux.

Mais il est à remarquer que le nombre des malades et des indigens est toujours moins élevé dans les campagnes que dans les villes. D'ailleurs, il n'existe guère d'hôpitaux dans les villes au-dessous de 5,000 habitans. Or, la population totale des villes au-dessus de 5,000 habitans ne s'élève guère, en France, qu'à 5,041,302 habitans. Ainsi, le nombre des malades indigens à secourir dans les hôpitaux ne serait guère que de 47,559 48|106. En ce moment, les hôpitaux de malades sont obligés de refuser plus ou moins d'indigens. On peut en porter le nombre à 1|10.

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