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qu'on y enseigne, pourraient, à leur tour, enseigner la même industrie à leurs compagnons d'infortune.

On calcule qu'il existe en France environ 3,030 aveugles susceptibles de recevoir l'instruction. Sur ce nombre, 2,000 à 2,500 devraient être admis gratuitement dans les instituts spéciaux, à cause de l'indigence de leurs familles.

Les observations qui précèdent s'appliquent aux sourdsmuets, dont le nombre, en France, est évalué environ 20,000, sur lesquels le quart appartient à la classe indigente ou malaisée.

On ne saurait trop réclamer, de la charité publique, la création, au moins, dans chaque chef-lieu de département ou d'ancienne province, d'un établissement spécial enfa veur des jeunes aveugles et des sourds-muets (1). Les villes et les départemens devraient être chargés d'y entretenir gratuitement, pendant le temps nécessaire, ceux reconnus susceptibles de recevoir une instruction suffisante, et dont les familles seraient dans une indigence notoire et constatée.

L'esprit d'association charitable pourrait se diriger avec fruit vers une œuvre aussi recommandable.

Il s'agirait d'entretenir annuellement :

1o Jeunes aveugles indigens, 2,500.

20 Jeunes sourds-muets de naissance, 5,000.

La pension est évaluée à 300 par an.

Ainsi la dépense totale s'élèverait à 5,750,000.

(1) L'éducation des jeunes sourds-muets comprendrait l'enseignement des vérités religieuses, d'après les plans de monseigneur d'Astros, archevêque de Toulouse.

(Voir le chapitre XIV du livre III, 2o vol., page 290 et suivantes.)

CHAPITRE XI.

DES HOSPICES D'ORPHELINS ET D'ENFANS ABANDONNÉS.

Visitate pupillos in tribulatione eorum.

Le droit des orphelins et des enfans abandonnés indigens, à l'assistance publique, est inscrit en caractères trop manifestes dans le code de la religion et de la charité, pour qu'il soit permis de le révoquer en doute. La seule question qui se présente à leur égard est celle de savoir s'il est préférable de les recevoir et de les conserver dans des hospices spéciaux, ou de chercher à leur donner une famille, en les plaçant en pension chez des maîtres ouvriers ou chez d'honnêtes cultivateurs.

Nous ferons remarquer à ce sujet que les motifs qui engagent à laisser les vieillards pauvres ou les infirmes dans leurs familles, lorsqu'ils en possèdent une, et à se borner en leur faveur à des secours à domicile, ne peuvent s'appliquer entièrement à des enfans auxquels il est plus humain, plus moral, et enfin plus utile, sous le rapport de la société, de donner les moyens de pourvoir un jour par eux-mêmes à leur existence. Nous pensons donc que ce n'est qu'après leur avoir procuré l'éducation morale et l'instruction nécessaires, par les soins de nos admirables hospitalières, qu'il faudrait ehercher à confier définitive

ment ces enfans aux soins d'une famille adoptive. Les mesures suivies à ce sujet en Angleterre, et qui sont communes aux enfans trouvés, nous paraissent très sages, et méritent d'être prises pour modèles.

Ces enfans demeurent en nourrice jusqu'à l'âge de cinq ans alors ils reviennent à l'hospice des orphelins pour y recevoir les premiers principes d'une instruction élémentaire. A quatorze ans, on les met en apprentissage chez d'honnêtes maîtres ouvriers ou fermiers, avec la condition expresse qu'on veillera alternativement à la pratique de leurs devoirs religieux. Ce système nous paraîtrait susceptible d'être pratiqué en France; mais nous demanderions que la préférence fût toujours donnée à l'agriculture sur toutes les professions industrielles à enseigner aux enfans.

Réserver spécialement les orphelins et les enfans abandonnés robustes à la carrière des armes, comme cela se pratique dans quelques états, serait une disposition contraire à nos lois. Elle nous semble également opposée aux principes d'une véritable charité. Ainsi nous nous abstiendrons d'en examiner les avantages.

D'après des renseignemens statistiques, il doit exister en France 18,000 orphelins ou enfans abandonnés, dont la dépense individuelle peut être calculée à environ 35 fr. par an. La somme totale s'élève à 1,360,000 fr.

Le soulagement des enfans orphelins ou abandonnés nous paraît devoir exciter à juste titre les efforts des associations de charité. L'on peut donc concevoir l'espérance de ne pas les voir demeurer étrangères à cette œuvre si éminemment pieuse et utile.

CHAPITRE XII.

DES HOSPICES D'ENFANS TROUVÉS.

Qui susceperit parvulum talcin
In nomine meo, me suscepit.
(SAINT MATH.)

LES mesures qui pourraient diminuer le nombre des enfans trouvés, et prévenir les abus de leur admission dans les hospices, appartiennent à des considérations de morale et de législation que nous examinerons ailleurs. Nous ne considérerons donc en ce moment les hospices d'enfans trouvés que dans leur rapport avec le bien-être et l'avenir de ces enfans.

A cet égard, nous pensons que les principes adoptés pour les orphelins et les enfans abandonnés leur sont entièrement applicables.

Ainsi, pendant les six premières années, ils devraient être confiés, comme is le sont en général aujourd'hui, aux soins de bonnes nourrices, ou, à leur défaut, de sœurs hospitalières; de six à quatorze ans, instruits dans la religion et dans les notions élémentaires qui peuvent leur être utiles. A quatorze ans, placés en apprentissage, et, de préférence, suivant leur force et leur aptitude, chez des fermiers ou cultivateurs, et avec les garanties suffisantes qu'ils recevront des principes et des exempleş salutaires.

Notre législation s'oppose à ce que ces enfans soient exclusivement dévoués à servir l'état dans la carrière des armes. Nous n'avons pas non plus à leur accorder la liberté, comme en Russie, ni la noblesse, comme en Espagne. Des philantropes estimables désireraient qu'on dirigeât leur éducation vers les sciences, les arts ou les professions libérales. Nous ne partageons pas leur avis, tout en rendant justice aux motifs qui l'ont dicté. Sans doute, si, parmi ces enfans, il s'en trouvait quelqu'un qui annonçât des dispositions extraordinaires, il faudrait s'empresser de cultiver avec soin, et de favoriser par l'éducation, le développement de ces dons que la nature n'accorde que rarement; mais, hors de ces cas particuliers, nous ne pensons pas que l'état doive faire plus, pour ces. enfans, que ce qu'il pourrait faire pour ceux de la classe indigente à laquelle ils appartiennent.

Il est d'ailleurs d'une haute moralité que le préjugé dé– favorable, attaché à leur naissance illégitime, ne soit pas entièrement détruit. La condition la plus humble, compatible avec un bonheur réel, est donc ce qui leur convient mieux, parce qu'elle les expose moins qu'une autre à des blessures de vanité et d'amour-propre. Cette condition, ils la trouveront surtout dans l'agriculture; et c'est pour ce motif, autant que par de nombreuses considérations d'économie sociale, que nous désirerions voir transformer les maisons d'enfans trouvés en institutions agricoles, ainsi que nous aurons l'occasion de l'exposer dans la dernière partie de cet ouvrage.

En Angleterre, l'on a établi en principe, qu'aucun enfant, fruit d'une union illégitime, ne serait admis dans les institutions de charité fondées par l'état ou les particuliers. Les enfans exposés sont recueillis sans doute, mais entretenus comme orphelins. Ce système nous semble parfaitement se concilier avec les lois de la charité qui doivent toujours être empreintes du respect dù à la moralité

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