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litique vont être dirigés contre son développement. On repousse même la charité, si elle contribue à conserver et å multiplier la race humaine.

Tel est l'exemple donné par l'Angleterre ; tel est celui que commence à suivre une partie de la France, et que nous trouvons encore chez les peuples où le système anglais a reçu son application. Partout on remarque qu'à mesure que l'esprit de religion et de charité, et les bonnes mœurs, se sont séparés de l'esprit d'industrie, le sort des classes inférieures s'est aggravé et a exigé des mesures inhumaines. L'histoire des variations de la législation relative aux pauvres, aux mendians et aux autres infortunés, atteste l'antique influence des vertus religieuses sur les destinées de la population misérable et le déplorable effet de leur abandon.

Peut-être l'importance du travail, comme élément de civilisation, n'avait-elle pas été suffisamment comprise aux époques où dominait la charité chrétienne. Cette importance, il est vrai, ne pouvait se révéler que lentement, puisqu'elle est relative à l'étendue des besoins de la population, et suppose d'ailleurs une société avan cée; mais il n'est pas douteux qu'elle n'eût été plus tard appréciée par la charité, dont l'application, nécessairement susceptible de perfectionnement et de progrès, se serait mise en rapport avec ces besoins. Aujourd'hui, elle n'est plus un mystère : l'impérieuse nécessité de l'alliance des deux grandes lois sociales s'est complétement ét subitement manifestée à la suite du long divorce qui s'était opéré entre elles. Pour guérir les maux qu'il a produits, il faut désormais ne plus séparer ces lois, et les appliquer à tout ce qui s'entreprendra pour soulager la misère publique.

Convaincus que c'est uniquement de ces principes qu'il est indispensable de partir pour établir en France un système complet de secours en faveur des indigens, nous

les prendrons pour guide dans l'examen, auquel nous allons nous livrer, des réformes dont les institutions charitables, les secours publics et la législation qui les régit sont susceptibles.

Les diverses causes de la misère publique peuvent se résumer ainsi :

De la part des pauvres,

1o L'impuissance, le défaut ou le refus de travail ; 2o L'immoralité, l'ignorance, l'imprévoyance, l'absence du sentiment religieux.

De la part des riches,

1o L'absence de l'esprit de charité, l'égoïsme, la cupidité, le monopole des terres, des capitaux et de l'industrie ;

20 L'accroissement excessif de l'industrie manufacturière;

5o L'abandon de l'agriculture et de l'industrie nationale.

De la part des gouvernemens,

1o Les vices ou les imperfections des institutions publiques charitables et de la législation sur les indigens et les mendians;

20 L'abandon des principes de religion ou de charité, ou la négligence à les introduire dans l'enseignement, la politique, les mœurs et les institutions;

3o Le défaut de protection suffisante accordée à l'agriculture, à l'industrie nationale et au commerce intérieur. Enfin, de la part de la charité elle-même, ou plutôt des personnes animées de son esprit,

1o La préférence donnée à l'aumône manuelle sur le travail et sur les nombreux moyens de secours que la charité peut offrir aux indigens;

2o L'habitude, respectable sans doute, mais cependant vicieuse, de se borner plutôt à soulager immédiatement la misère qu'aux moyens de la prévenir;

3o Le défaut d'ensemble, de concours, d'association générale dans la pratique de la charité;

4o Le retard ou la négligence à s'emparer, en faveur du soulagement des pauvres, des découvertes et du perfectionnement introduit dans les sciences d'économie politique et domestique, dans les institutions d'enseignement, de bienfaisance et de philantropie.

Cette classification nous offre naturellement l'ordre que doivent suivre notre examen et nos recherches.

Nous nous occuperons donc, en premier lieu, des améliorations à apporter dans les institutions relatives aux diverses classes d'indigens, à l'effet de les coordonner avec un système général de secours également propre à soulager et à prévenir la misère publique.

Nous indiquerons ensuite quelles sont les modifications qu'il serait convenable d'apporter à la législation pour la mettre en harmonie avec le système des secours publics. Enfin, nous présenterons, dans la dernière partie de notre ouvrage, les considérations qui placent l'agriculture au premier rang des élémens les plus puissans du nouveau système des secours publics. Nous ne nous dissimulons pas, sans doute, les difficultés que va offrir un si vaste examen. Nous espérons toutefois que, soutenus par notre conviction, par d'importantes autorités et par l'amour ardent du bien, que, dégagés de préjugés et guidés par la vérité religieuse, il nous sera donné du moins d'offrir quelques vues utiles que le temps se chargera de faire fructifier.

Dans toutes les questions qui vont se présenter à nous,

nous

rapprocherons les divers systèmes économiques et philantropiques des principes de la charité religieuse : nous nous efforcerons de les concilier, de les accorder, en donnant toutefois à la charité la grande part qui leur revient dans un sujet qu'elle doit nécessairement dominer.

CHAPITRE II.

DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DES SECOURS PUBLICS.

Il parait éminemment logique et raisonnable que les ministres d'une religion fondée sur la charité aient une grande part dans l'administration de cette charité,

Les publicistes de l'école anglaise ont souvent reproché aux gouvernemens leur intervention dans les relations des citoyens, dans la direction de l'industrie et dans la plupart des affaires que l'intérêt personnel peut suffisamment administrer. Ils ont même attaqué, comme une erreur d'économie politique, sa coopération aux secours publics; ils veulent que chaque individu fasse lui-même sa propré destinée, ou que du moins l'esprit d'association se charge, dans la généralité des besoins sociaux, de suppléer à l'action de l'administration publique.

Nous l'avouons; quelques succès que l'application de ces principes ait pu produire en Angleterre, dans les spéculations matérielles d'industrie, nous ne pouvons penser qu'elle eût des résultats favorables en France pour les objets qui appartiennent à l'ordre moral, religieux ou politique. L'exemple de l'Angleterre elle-même, sous ce rapport, nous détournerait de conseiller un pareil système, lors bien même que nos habitudes et nos mœurs

permettraient de l'adopter. L'action du gouvernement nous paraît, au contraire, indispensable pour donner à l'organisation des secours publics une forme complète et régulière, un centre commun de lumières, d'efforts et de puissance dont les rayons puissent s'étendre jusqu'aux extrémités les plus reculées du royaume. ·

Ce n'est pas que nous prétendions que l'état, ou le gouvernement en son nom, doive se charger directement de pourvoir à tous les besoins des pauvres. Ce serait, en quelque sorte, consacrer le droit légal de l'indigent à l'assistance nationale, et demander l'établissement d'une taxe pour les pauvres, mesure dont nous avons exposé les graves inconvéniens; ce serait, enfin, faire disparaître la charité volontaire, et telle n'est pas assurément notre intention. Mais nous pensons que le gouvernement doit prendre officiellement la haute et noble mission de veiller à l'amélioration du sort des classes indigentes, en réunissant, comme un faisceau, les efforts de la charité individuelle et de la charité publique, en les excitant, en les dirigeant vers un but commun, en faisant servir son autorité et les moyens nombreux dont il dispose, à seconder et favoriser l'esprit de charité, et enfin en faisant coordonner la législation avec le système des secours publics.

En ce moment, la direction centrale des secours publics forme seulement un bureau du ministère des travaux publics; elle se borne à l'administration des hospices, des bureaux de charité, des enfans trouvés, des maisons d'aliénés, des monts-de-piété et de quelques autres établissemens spéciaux.

Dans les départemens, cette partie d'administration est confiée à un bureau de préfecture.

Les administrations charitables et les conseils supérieurs de charité n'exercent leurs attributions que dans une circonscription et dans des limites étroites.

Tout ce qui concerne l'amélioration du sort des pauvres,

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