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Si les deux événemens, de la fuite de David et de la retraite de Jésus-Christ avant sa passion, sont parallèles, nous pouvons en comparer les circonstances; et il me semble qu'on apperçoit uu grand rapport, entre les rafraîchissemens apportés à David au-delà du Jourdain, qui rendirent la force et, pour ainsi dire, la vie à sa petite armée, et la Cène eucharistique par laquelle Jésus-Christ fortifie ses Apôtres, que la prédiction de sa mort avoit remplis de tristesse et de crainte. La seule dissemblance est que ce trait se trouve placé au dernier rang dans la figure, et au premier rang dans l'original. C'est à la fin de sa fuite, et lorsqu'il est arrivé au-delà du Jourdain, que David reçoit les rafraîchissemens dont il s'agit; c'est au contraire avant sa passion, et avant la retraite dans le jardin par où elle commence, que Jésus-Christ distribue à ses Apôtres la Cène eucharistique. Mais j'ai déjà observé qu'il y a des dissemblances dans les figures. Les déplacemens sur-tout y sont ordinaires, et ne doivent pas nous arrêter. Ajoutons que dans la Passion même les interversions sont fréquentes, et que nous y sommes accoutumés. C'est ainsi que Jésus-Christ a voulu recevoir avant sa mort les honneurs de la sépulture; c'est ainsi qu'il a voulu triompher publiquement avant sa résurrection. Et, sans sortir du grand mystère qui nous occupe, l'institution de l'Eucharistie elle-même n'est-elle pas anticipée ? N'est-il pas clair que, dans l'ordre naturel, et si des raisons divines n'avoient obligé de le changer, le sacrifice eucharistique, qui est commémoratif, n'auroit pas dû être établi, ou du moins offert, avant le sacrifice principal qu'il devoit rappeler et représenter? Donc en soi la place qu'occupe un certain fait ou dans la vérité ou dans la figure, est sans conséquence.

Il est certain que l'établissement de l'Eucharistie

méritoit bien un cantique d'action de grâces particulier : et quand on voit dans les Psaumes toutes les circonstances de la passion détaillées et retracées, quand on y voit le Sauveur si attentif à remercier son père de tous les biens qu'il procure aux hommes par son moyen, on auroit lieu d'être surpris de n'y rien trouver de relatif à ce bienfait capital, à ce mystère auguste où vient aboutir toute la religion; que Jésus-Christ avoit desiré si ardemment d'accomplir, ainsi qu'il le déclare à ses Apôtres, ( Luc. xxii. 15 ); qu'il avoit promis et annoncé long-temps auparavant de la manière la plus expresse dans un discours public, comme une merveille dont la multiplication des pains n'avoit été qu'une foible ébauche, et que la manne même descendue du Ciel, n'avoit figuré qu'imparfaitement. (Jean. c. VI.). Ce n'est là, il faut l'avouer, qu'une raison de convenance, de laquelle seule, en bonne logique, on ne peut pas inférer l'existence d'un fait; mais, s'il se rencontre un Psaume dont les expressions puissent sans effort être adaptées à ce sujet, elle rend l'interprétation très-vraisemblable.

Voyons le Psaume, et j'espère que son examen appro fondi, nous offrira plus que des probabilités.

IV. Jésus-Christ, lorsqu'il le prononce, a quitté le Cénacle, et sort de Jérusalem, prêt à passer le torrent de Cédron.

Il commence par découvrir ses sentimens à l'égard de ses chers Apôtres. Une vive inquiétude pour eux l'avoit pénétré, et l'avoit réduit à une sorte d'angoisse, en voyant l'état où il les laissoit, et les dangers auxquels leur foiblesse alloit être exposée. Il a prié pour eux le Seigneur. Dieu a eu pitié d'eux; Dieu a eu pitié de lui-même, et a fait cesser ses alarmes, en lui mettant entre les mains un moyen souverain de les consoler et de les fortifier. Lorsque j'ai poussé des cris, le Seigneur m'a exaucé z

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lui qui est mon vengeur; lorsque j'étois à l'étroit, il m'a mis au large. Il a eu pitié de moi, et a entendu ma prière.

Jésus-Christ s'adresse ensuite aux Juifs qui ont méprisé toutes ses instructions, et qui en ce moment se disposoient à le perdre. Enfans des hommes, jusqu'à quand aurez-vous le cœur pesant, courbé vers les choses de la terre? Jusqu'à quand aimerez-vous la vanité, et chercherez-vous le mensonge, les biens, les grandeurs temporelles, dont un Messie imaginaire doit être, selon vous › le distributeur, ou la fausse justice que vous attendez de vos seuls efforts, aidés de la connoissance de la loi, et de pratiques purement extérieures ? Ah! sachez que le Seigneur a signalé sa miséricorde envers moi, en me permettant d'établir en faveur de mes serviteurs, le principal moyen de leur salut, et d'en user dès à présent, comme je l'en avois prié, pour la consolation de mes fidèles Apôtres.... que le Seigneur m'écoute toutes les fois que je l'invoque. C'est ce qu'il dit à son père, avant de ressusciter Lazare : « Pour moi, je sais bien que vous » m'exaucez toujours. » (Jean. XI. 42.) Tremblez, en est temps encore ; et cessez de former de noirs projets, tel que celui dont vous êtes actuellement occupés. Rentrez en vous-mêmes, livrez-vous dans vos cœurs à une douleur amère; étant sur vos lits, où la nuit et le temps du repos vous appellent, laissez-vous pénétrer d'un salutaire repentir. Offrez des sacrifices de justice. Ce mot sacrifices de justice, est employé deux fois dans les Psaumes; ici, et dans le Psaume Miserere. Son sens est le même dans les deux endroits; il y désigne les sacrifices intérieurs et spirituels, dont la justice est le principe, que des actions de justice manifestent au dehors, et qui seuls plaisent à Dieu, lequel voit le fond des cœurs, et ne tient aucun compte des paroles et des protestations

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qui sont démenties par les oeuvres. Vous vous confiez, dit notre Seigneur aux Juifs, dans des sacrifices d'animaux, et particulièrement dans le plus célèbre de tous, celui de l'Agneau paschal, qui vient d'être offert dans toutes les familles, et dont la Cène paschale est la continuation. Mais à quoi servent tous ces sacrifices extérieurs, qui ne sont en eux-mêmes qu'ombre et figure, et que vous presentez à Dieu avec une conscience souillée, et des mains teintes de sang? Rompez d'abord avec l'iniquité; faites le bien; attachez-vous à la justice, et alors espérez dans le Seigneur; venez vous jeter entre ses bras: vous pouvez tout attendre de sa bonté. C'est ce que les écritures répètent en mille endroits. Il est à observer que l'exécution du complot sanguinaire des Juifs contre J. C. a suivi immédiatement le grand sacrifice de la Pâque, de même que la révolte d'Absalom avoit commencé par un sacrifice offert à Hébron, qui lui avoit servi de voile et de prétexte (11. Reg. xv. 7-12).

Après cette apostrophe faite par le sauveur à ses ennemis, il revient à ce qui concerne ses fidèles disciples. Plusieurs disent: Qui nous montrera quelque res◄ source? C'est ce que disoient entre eux les amis de David les plus zélés, que les rafraîchissemens apportés dans son camp avoient soulagés et consolés, mais sans dissiper entièrement les vives alarmes que leur inspiroit l'état du roi, actuellement poursuivi par Absalom et abandonné de tout son peuple. C'est ce que disoient également les Apôtres, dont le trouble et les frayeurs n'avoient point cessé, malgré le don que Jésus-Christ leur avait fait de lui-même dans l'Eucharistie. Notre Sauveur répond à ces craintes. La lumière de votre visage, Seigneur, s'est levée sur nous; vous avez fait naître la joie dans mon cœur, depuis que le froment et le vin

leur ont été donnés avec abondance, à la lettre depuis que leur froment et leur vin ont été multipliés. Ce sont les deux symboles de l'oblation eucharistique, le froment ou le pain, et le vin. Les Septante ajoutant l'huile, qui n'est point du texte, et ne sert qu'à l'obscurcir. Remarquez encore ce mot ont été multipliés. Jésus-Christ fait allusion à la multiplication des pains dans le désert de Bethsaïde, après laquelle il avoit promis un autre pain et une autre multiplication, dont ce premier miracle n'étoit que la figure. Jésus-Christ répond donc aux craintes que manifestoient ses Apôtres : la lumière de votre visage, Seigneur, s'est levée sur nous; vous avez écarté les nuages qui vous cachoient à nos regards, et vous nous avez montré un visage serein. Vous avez fait naître la joie dans mon coeur, depuis etc. Cette ineffable miséri. corde est à nos yeux un gage assuré de toutes les autres. Que pourriez-vous refuser à des hommes auxquels vous avez tout donné, en leur donnant votre Fils? Non, ils n'ont plus d'ennemis à craindre. Et, quand je vois que ce prodige incompréhensible est de nature à se renouveler sans cesse ; que ce sacrifice, offert une fois peut se multiplier à l'infini, sans nuire jamais à l'unité de la victime; et que ce qui vient d'être fait pour mes Apôtres, se fera dans tous les temps, pour tous les fidèles, et dans tous les coins du monde : je ne puis qu'admirer cet excès de votre bonté, que vous en rendre les plus vives actions de grâces, et reconnoître que vous avez par-là pourvû à tous les besoins, satisfait à tous les desirs, accompli toutes les promesses, et institué véritablement dans l'Eglise un moyen universel et surabondantde sanctification pour les âmes. Tranquille désormais, après. cette miséricorde inconcevable, je me coucherai tout entier sur l'arbre de la croix, et je m'endormirai d'un profond,

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