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a procuré aux hommes, à ce double égard, la délivrance dont ils avoient besoin.

II. Quand il est venu au monde, la corruption étoit extrême; et c'est la conduite ordinaire de Dieu, d'attendre pour appliquer le remède, que le mal soit arrivé à son comble. Les hommes en étoient venus jusqu'à douter de l'existence même de Dieu, jusqu'à chercher à se persuader qu'il n'étoit pas. C'est ce que nous voyons parmi les Gentils dans les Epicuriens, qui n'admettoient véritablement la Divinité que pour la forme; et parmi les Juifs même, dans les Saducéens, qui, niant les esprits, l'immortalité de l'âme, la résurrection des corps, les peines et les récompenses à venir, devoient se former de Dieu et de sa providence une idée bien singulière.

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III. Non-seulement la corruption étoit poussée à son dernier excès, mais elle étoit universelle. Et il ne s'agit point ici d'une universalité morale, sujette à des exceptions; mais d'une universalité rigoureuse et absolue, puisqu'il est de foi que jamais personne n'a été justifié sans Jésus-Christ, et que les justes même qui existoient avant sa venue n'ont été tels que par une application anticipée des mérites du Sauveur. Ceux-là étoient enfans de Dieu; ils étoient son peuple, comme Dieu lui-même le dira plus bas. Quant aux enfans des hommes ou d'Adam, qui n'avoient en eux que ce qu'ils tenoient de leur premier père (le mot doit être pris dans cette signification restreinte ), ils étoient tous pécheurs, tous renfermés dans la malédiction, et ne faisoient chaque jour que combler la mesure de leurs déréglemens. Voy. S, Paul, Rom. I. 11 et 19.

IV. Il n'étoit pas possible que des hommes aussi pervers ne fissent souffrir cruellement les justes, obligés de vivre parmi eux. Et Dieu, prenant lui-même la parole au

milieu du Psaume, nous donne une étrange idée de leurs persécutions. Ils dévorent, dit-il, mon peuple comme uï morceau de päin. Quel tableau ! Dieu, dès le commencement du monde, n'a pas cessé d'avoir de véritables adorateurs, mais ils ont presque toujours été dans l'oppression; et ceux qui ont imité la foi et l'innocence d'Abel, ont eu ordinairement des frères aussi violens et aussi injustes que Caïn. Admirons la bonté de Dieu. Quoiqu'outragé personnellement par ces hommes orgueilleux qui ne lui rendent aucuns devoirs, et vont jusqu'à mettre en problême son existenee, il semble oublier ses propres injures, et n'être touché que des larmes de son peuple, de ses fidèles serviteurs.

V. Le même Psaume nous apprend que ces hommes qui n'invoquent point Dieu, tremblent de frayeur où il n'y a point de sujets de crainte ; et cela est vrai, géné ralement de tous les pécheurs, qui, mettant leur félicité dans les créatures, tremblent sans cesse devant tout ce qui peut les en priver. Mais cela est vrai en particulier, à l'égard de la plupart des impies, qui, en même temps qu'ils nient les vérités les plus palpables, telles que la providence ou l'existence même de Dieu, tremblent devant des folies, des faritômes; telles que l'astrologie judiciaire, et autres chimères pareilles. Il y en a beaucoup d'exemples.

VI. Ces impies ne savent pas que Dieu est au milieu de la race des justes, et que les insulter, c'est s'attaquer à Dieu même. Hs se moquent de l'homme vertueux, parce qu'il met en Dieu son espérance. Mais ils seront confondus, lorsque Dieu aura dissipé leurs desseins, et les aura rejetés eux-mêmes avec mépris. C'est ce qui est arrivé par la mission du Sauveur, qui a délivré le peuple des justes de ses ennemis, ou en changeant leur disposi

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tion, ou en les exterminant, ainsi qu'il a fait à l'égard des Juifs incrédules. C'est ce qui arrivera d'une manière encore plus éclatante an renouvellement de l'Église. Le Psaume recevra alors de nouveau son accomplissement par rapport aux biens promis, comme il l'a déjà reçu en grande partie quant aux maux dont ce renouvellement doit être le remède.

VII. Dieu, après ces consolantes promesses, finit par demander: Qui fera sortir de Sion le salut d'Israël? C'est une question semblable à celle qu'il faisoit à Moyse, au sujet des Israélites : Qui leur donnera un cœur, afin qu'ils me craignent, (Deut. v. 28)? Dieu interroge comme s'il ignoroit; il demande qui donnera le Sauveur, pour en faire sentir le besoin. David savoit très-bien de qui il falloit l'attendre, et il répond: Quand le Seigneur aura mis fin à la captivité de son peuple, Jacob sera dans la joie, et Israël dans l'allégresse. Ah! Seigneur, il n'y a que vous qui puissiez nous donner ce puissant libérateur. Quand vous l'aurez envoyé, il brisera nos fers; et à nos gémissemens succédera la joie la plus parfaite. C'est de Sion qu'est sorti la première fois le salut d'Israël, parce que le règne de Jésus-Christ a commencé dans Jérusalem, et de là s'est étendu jusqu'aux extrémités du monde. C'est encore de Sion que sortira le salut lors du renouvellement car le salut vient des Juifs (Jean, Iv. 23).

VIII. On a observé que dans ce Psaume la parole change plusieurs fois. C'est d'abord le Prophète qui parle. Dieu ensuite intervient au . 5. A la fin le Prophète répond.

Il y a une si grande ressemblance entre les Psaumes XIII et ân, qui ne different entr'eux que par quelques mots ou quelques lettres, et encore par un verset, dont on a mis

moitié dans l'un, moitié dans l'autre, et qu'il faut réanir dans sa totalité pour avoir un sens parfait; qu'on ne peut pas douter que ces deux Psaumes n'en soient originairement un seul, qu'on aura supposé après coup en faire deux à cause des différences qui se remarquoient dans les copies. J'ai choisi dans les variantes celles qui m'ont paru les meilleures; j'ai rassemblé les deux membres du . 6, et il en résulte un Psaume unique, qui doit seul figurer dans une traduction, à la place des deux qu'offre le texte que nous avons aujourd'hui.

XIV.

Domine, quis habitabit.

David, à l'occasion de la fixation du tabernacle sur la montagne de Sion, représente les qualités qui donneront accès dans un autre tabernacle dont celui-là n'est que la figure. Il est remarquable que, parmi ces qualités, il n'y en a aucune qui ait rapport à l'accomplissement des lois cérémoniales, ou purement positives; il n'est question que de lois immuables et éternelles. Aussi s'agit-il du véritable juste, qui l'est dans tous les temps, sous l'Evangile comme sous la loi de Moyse. Et, entre les traits employés par le Psalmistę, pour le caractériser, il est à observer encore qu'on n'en trouve presque aucun qui n'ait rapport à l'amour du prochain, à peu près comme dans ce qui est dit par S. Paul, des caractères de la charité.

XV.

Conserva me, Domine.

I. Il paroît que David a composé ce Psaume, lorsqu'il étoit persécuté par Saül, et réfugié dans un pays idolâtre,

probablement

probablement à Geth, ville des Philistins. On peut croire que le roi de Geth, dont il étoit bien traité, l'invitoit à se fixer pour toujours dans ses états; à renoncer à l'espérance de régner sur Israël, qui devenoit tous les jours. moins sérieuse, et qui ne servoit qu'à le rendre malheureux, aussi-bien que ceux qui s'étoient attachés à lui; et à témoigner moins d'aversion pour la religion dominante, dont les préjugés de sa nation le tenoient éloigné contre ses véritables intérêts, et malgré les preuves qu'il avoit du peu de solidité des promesses du Dieu de Jacob. David répond à ces sollicitations dangereuses par une humble prière à Dieu, auquel il espère, et par une ferme protestation qu'il met en Dieu tout son bonheur; que les Saints, c'est à-dire, les personnes religieuses unies à sa cause, et qui sont ou avec lui, ou dans les terres d'Israël, sont l'objet unique de son affection; qu'à l'égard des païens, il ne prendra aucune part à leurs libations de sang (il s'agit ici principalement du sang humain que l'on versoit en l'honneur des idoles Chananéennes), et que ses lèvres ne prononceront pas même les noms de ces divinités infâmes; que le Seigneur est son partage, qu'il lui réserve un héritage excellent, savoir le trône d'Israël, qui lui est promis, et qu'il saura le lui conserver. Voilà ce que le Psaume contient ou paroît contenir dans les sept premiers versets. Mais, au V. 8, le Prophète passe tout-à-coup à un objet plus relevé; il déclare que son âme, descendue dans les enfers, n'y restera pas; et que sa chair, mise dans le tombeau, n'éprouvera pas la corruption : ce qui est faux par rapport à David, dont l'âme après sa mort est demeurée dans les limbes aussi long-temps que celles des autres justes qui attendoient la venue de Jésus-Christ, et dont le corps, renfermé dans le tombeau, a subi la loi

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