Les Oeuvres libres, Issue 20

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A. Fayard., 1923
 

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Popular passages

Page 282 - Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie : libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi, Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent ! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, non pas...
Page 11 - De ceux qui composent notre individu, ce ne sont pas les plus apparents qui nous sont le plus essentiels. En moi, quand la maladie aura fini de les jeter l'un après l'autre par terre, il en restera encore deux ou trois qui auront la vie plus dure que les autres, notamment un certain philosophe qui n'est heureux que quand il a découvert, entre deux œuvres, entre deux sensations, une partie commune.
Page 8 - ... et ayant le caractère presque sacré de toute chair à qui les souffrances, que nous avons endurées à cause d'elle, ont fini par conférer une sorte de douceur morale...
Page 44 - Tant qu'il persistait, je pouvais rêver à elle, et pourtant la regarder, et, quand ce sommeil devenait plus profond, la toucher, l'embrasser. Ce que j'éprouvais alors, c'était un amour, devant quelque chose d'aussi pur, d'aussi immatériel dans sa sensibilité, d'aussi mystérieux que si j'avais été devant les créatures inanimées que sont les beautés de la nature.
Page 44 - ... trop absent de moi-même pour pouvoir penser. Quand elle dormait, je n'avais plus à parler, je savais que je n'étais plus regardé par elle, je n'avais plus besoin de vivre à la surface de moi-même.
Page 54 - C'était le tour d' Albertine de me dire bonsoir en m'embrassant de chaque côté du cou, sa chevelure me caressait comme une aile aux plumes aiguës et douces. Si incomparables l'un à l'autre que fussent ces deux baisers de paix, Albertine glissait dans ma bouche, en me faisant le don de sa langue, comme un don du Saint-Esprit, me remettait un viatique, me laissait une provision de calme presque aussi doux que ma mère imposant le soir à Combray ses lèvres sur mon front.
Page 7 - Dès le matin, la tête encore tournée contre le mur, et avant d'avoir vu, au-dessus des grands rideaux de la fenêtre, de quelle nuance était la raie du jour, je savais déjà le temps qu'il faisait.
Page 104 - ... jardin fabuleux de fruits et d'oiseaux de pierre de couleur, fleuri au milieu de la mer, qui venait le rafraîchir, frappait de son flux le fût des colonnes et, sur le puissant relief des chapiteaux, comme un regard de sombre azur qui veille dans l'ombre, posait par taches et faisait remuer perpétuellement la lumière.
Page 40 - Albertine une espèce d'empressement et d'obéissance pour les seules choses que je réclamais d'elle. Derrière cette jeune fille, comme derrière la lumière pourprée qui tombait aux pieds de mes rideaux à Balbec pendant qu'éclatait le concert des musiciens, se nacraient les ondulations bleuâtres de la mer. N'était-elle pas, en effet (elle au fond de qui résidait de façon habituelle une idée de moi si familière qu'après sa tante j'étais peut-être la personne qu'elle distinguait le moins...
Page 81 - Comme il n'avait pas tardé à s'établir autour de Paris des hangars d'aviation, qui sont pour les aéroplanes ce que les ports sont pour les vaisseaux, et que depuis le jour où près de La Raspelière la rencontre quasi mythologique d'un aviateur, dont le vol avait fait se cabrer mon cheval, avait été pour moi comme une image de la liberté...

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