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d'avoir toujours présente à l'esprit, je souhaitois à son altesse une gloire plus solide que celle que les hommes admirent, une grandeur plus assurée que celle qui dépend de la fortune, une immortalité mieux établie que celle que nous promet l'histoire, et enfin une espérance mieux appuyée que celle dont le monde nous flatte, qui est celle de la félicité éternelle.

II.E SERMON

POUR

LE DIMANCHE DES RAMEAUX.

SUR LA NÉCESSITÉ DES SOUFFRANCES.

Ecole du Calvaire: Mystère des trois croix. Obligation que nous avons de prendre Jésus-Christ pour modèle. Quel est l'esprit de Jésus: son ardeur pour les souffrances loi qu'il nous en fait par son exemple. Utilité des souffrances montrée dans le voleur qui se convertit à la croix. Nécessité des souffrances pour éprouver, purifier et perfectionner la vertu. Comment la croix peut être tournée par notre malice en un instrument de vengeance. Réflexions qui doivent soutenir les enfans de Dieu au milieu des afflictions.

Per patientiam curramus ad propositum nobis certamen, aspicientes in autorem fidei nostræ et consummatorem Jesum.

Gourons par la patience au combat qui nous est propose, jetant les yeux sur Jésus, l'auteur et le consommateur de notre foi. Hebr. xII. 12.

OICI

Voici les jours salutaires où l'on érigera le Calvaire dans tous nos temples, où nous verrons couler les ruisseaux de sang de toutes les plaies du Fils de Dieu, où l'Eglise représentera si vivement, par ses chants, par ses paroles et par ses mystères, celui de sa pas

sion douloureuse, qu'il n'y aura aucun de ses enfans à qui nous ne puissions dire ce que l'apôtre disoit aux Galates (1): que Jésus-Christ a été crucifié devant ses yeux. Elle commence aujourd'hui à lire dans l'action de son sacrifice l'histoire de la passion de son Rédempteur: commençons aussi dès ce premier jour à nous en remplir tellement l'esprit, que nous n'en perdions jamais la pensée pendant ces solennités pleines d'une douleur qui console, et d'une tristesse si douce, que pour peu qu'on s'y abandonne, elle guérit toutes les autres.

Parmi ces spectacles de mort et de croix qui s'offrent à notre vue, le chrétien sera bien dur, s'il ne suspend, du moins durant quelques jours, ce tendre amour des plaisirs, pour se rendre capable d'entendre combien les peines de Jésus-Christ lui rendent nécessaire l'amour des souffrances. C'est pourquoi j'ai différé jusqu'à ces saints jours à vous proposer dans cette chaire cette maxime fondamentale de la piété chrétienne. Il m'a semblé, chrétiens, que pour vous entretenir avec efficace d'une doctrine si dure, si contraire aux sens, si considérable à la foi, et si peu goûtée dans le siècle où l'on n'étudie rien avec plus de soin que l'art de vivre avec volupté, il falloit attendre le temps dans lequel Jésus-Christ lui-même nous prêche à la croix; et j'ai cru que je parlerois foiblement, si ma voix n'étoit soutenue par celle de Jésus mourant, ou plutôt par le cri de son sang, qui parle mieux, dit saint Paul (2), et plus forte»ment que celui d'Abel ».

Servons-nous donc, chrétiens, de cette occasion (1) Gal. III. 1. — (2) Heb. x11. 24.

favorable, et tâchons d'imprimer dans les cœurs la loi de la patience, qui est le fondement du christianisme. Mais ne soyons pas assez téméraires pour entreprendre un si grand ouvrage, sans avoir imploré le secours du ciel par l'intercession de Marie: Ave,

Maria.

DANS les paroles que j'ai rapportées pour servir de sujet à ce discours, vous aurez remarqué, Messieurs, que saint Paul nous propose un combat auquel nous devons courir par la patience; et en même temps il nous avertit de jeter les yeux sur Jésus, l'auteur et le consommateur de notre foi; c'est-à-dire qui l'inspire et qui la couronne, qui la commence et qui la consomme, qui en pose le fondement et qui lui donne sa perfection. Ce combat, dont parle l'apôtre, est celui que nous devons soutenir contre les afflictions que Dieu nous envoie et pour apprendre l'ordre d'un combat où se décide la cause de notre salut, l'apôtre nous exhorte, de la part de Dieu, à regarder Jésus-Christ, mais Jésus-Christ attaché en croix car c'est là qu'il veut arrêter nos yeux, et il s'en explique lui-même par ces paroles : « Jetez, dit-il (1), les yeux sur Jésus, qui, s'étant >> proposé la joie, a soutenu la mort de la croix, » après avoir méprisé la confusion » : Qui proposito sibi gaudio sustinuit crucem, confusione contemplâ.

De là nous devons conclure, que pour apprendre l'ordre, la conduite, les lois en un mot, de ce combat de la patience, l'école c'est le Calvaire, le maître

(1) Heb. XII. 2.

c'est Jésus-Christ crucifié : c'est là que nous renvoie le divin apôtre. Suivons son conseil; allons au Calvaire; considérons attentivement ce qui s'y passe.

Le grand objet, chrétiens, qui s'y présente d'abord à la vue, c'est le supplice de trois hommes. Voici un mystère admirable : « Nous voyons, dit saint Au

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gustin (1), trois hommes attachés à la croix; un qui donne le salut, un qui le reçoit, un qui le » perd » Tres erant in cruce, unus salvator, alius salvandus, alius damnandus. Au milieu l'auteur de la grâce d'un côté un qui en profite, de l'autre côté un qui la rejette. Au milieu le modèle et l'original d'un côté un imitateur fidèle, et de l'autre un rebelle et un adversaire sacrilége. D'un côté un qui endure avec soumission, de l'autre un qui se révolte jusque sous la verge Un juste, un pécheur pénitent, et un pécheur endurci un juste souffre volontairement, et il mérite par ses souffrances le salut de tous les coupables: un pécheur souffre avec soumission et se convertit, et il reçoit sur la croix l'assurance du paradis : un pécheur souffre comme un rebelle, et il commence son enfer dès cette vie. Discernement terrible et diversité surprenante! Tous deux sont en la croix avec Jésus-Christ, tous deux compagnons de son supplice; mais, hélas! il n'y en a qu'un qui soit compagnon de sa gloire. Voilà le spectacle qui nous doit instruire. Jetons ici les yeux sur Jésus, l'auteur et le consommateur de notre foi, nous le verrons, chrétiens, dans trois fonctions remarquables. Il souffre lui-même avec patience, il couronne celui qui souffre selon son Esprit, il con(1) In Ps. xxxiy, Serm. 11, n. 1, tom. IV, col. 238.

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