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DES BIENHEUREUX CONFESSEURS

PAR

GEORGES FLORENT GRÉGOIRE

ÉVÊQUE DE TOURS.

(SUITE.)

CHAPITRE LI.

Du lis sur le tombeau de saint Sévère.

1

La sainteté de la vie de Sévère en ce monde brille d'un tel éclat, par l'intervention même du Seigneur, que maintenant encore elle se reconnaît à des miracles évidents. Ainsi un lis qu'il avait cueilli, comme nous l'avons dit et qui était placé dans l'église où se trouve son tombeau, avec le temps laissa ses pétales tomber, sa tête fanée se flétrir, et sembla tellement desséché qu'en le touchant avec la main on eût cru le faire tomber en poussière, et cet état de desséchement dura toute une année; mais le jour venu où le confesseur sortit de cette vie, le lis se releva plein d'une verdeur nouvelle. Vous eussiez vu à ses feuilles peu à peu révivifiées se joindre la fleur elle-même et, sans être aucunement humecté ni par l'eau ni par la terre, le lis se renouveler dans sa forme primitive. Ainsi, du fond de son tombeau répand des fleurs nouvelles ce bienheureux confesseur qui, en compagnie dureste des saints, fleurit, comme une palme, dans le ciel.

(1) Tome précédent, p. 441.

CAPUT LII.

De sepulcris quæ elevantur.

Sub termino quoque vici Juliensis sunt tres presbyteri consepulti, ut fertur per antiquam relationem, nullius consanguinitatis propinqui vinculo nisi tantum in amore Dei socii, e cœlo fratres effecti, qui unius loci spatium, sepulcris juxta positis, assiduitate miraculorum illustrant. Qui cum multorum annorum curricula in his ubi sepulti sunt loculis quiescerent, scissum nuper pavimentum, quod calce atque comminuta testa quasi silex durissima fusum erat, unius sepulcri cacumen apparuit. Quo paululum elevato, tellus scissa apicem alterius patefecit. Illoque emicante, secutus est tertius tumulus, qui nunc juxta initium ostensionis suæ gradatim elevantur super terram'. Sed nunc jam primus liber a mole terrena, liberum se visibus præstat humanis; duo adbuc sequuntur, sed annis singulis proficiunt ad egressum. O admirabile mysterium Deitatis! quod artuum sepultorum puritatem manifestal sæculo, dum prodit e pavimento et præparat ad resurrectionem, non vermi non morituro dandos, sed luci solis claritati æquandos, ac dominici corporis conformatione clarificandos. Sunt autem hæc sepulcra

(1) Canonizatio olim per elevationem corporis defuncti a terra fiebat, super quod altare erigebatur. Unde magnum sanctitatis indicium erat, si miraculo alicujus sepulcrum a terra absque hominum ministerio elevabatur. Quod sancto Droctoveo primo S. Germani a Pratis abbati contigit, ex ejus Vita, num. 18, sæc. 1 Act. sanctor. ord. S. Bened. (K.)

CHAPITRE LII.

Des sépulcres qui s'élèvent de terre.

1

Sur le territoire du bourg Julien sont ensevelis, comme le rapporte une ancienne relation, trois prêtres que ne rapproche aucun lien de parenté, si ce n'est seulement qu'ils furent unis dans l'amour de Dieu et devinrent frères par la volonté du ciel; le lieu unique où sont placés leurs sépulcres contigus l'un à l'autre est illustré par les miracles non interrompus qu'ils produisent. Ils reposaient depuis de longues suites d'années aux places où ils sont ensevelis quand, récemment, le pavé s'étant fendu, pavé qui, formé d'un mélange de chaux et de brique pilée était comme le silex le plus dur, apparut le dessus d'un premier tombeau. Ce tombeau s'étant exhaussé peu à peu, le sol entr'ouvert laissa voir le sommet d'un autre. Celui-ci sortant à son tour fut suivi d'un troisième sépulcre; et depuis le commencement de leur apparition l'on peut voir ces deux derniers s'élever graduellement de terre. Déjà le premier, dégagé maintenant du sol qui pesait sur lui, se montre librement aux regards humains; les deux autres ne font encore que le suivre, mais ils avancent toutes les années leur dégagement. O admirable mystère de la Divinité, qui manifeste au monde la pureté des membres ensevelis, en les faisant sortir de dessous le sol, en les préparant pour la résurrection, pour enseigner qu'ils ne doivent pas être donnés au ver et à la mort, mais qu'ils doivent être égalés en clarté à la lumière du soleil et · glorifiés par la ressemblance avec le corps du Seigneur! Ces

(1) Nom qui n'a pas subsisté et qui dès le temps de Grégoire, comme on le voit par la fin du chapitre, tendait à céder ia place à celui de Atroa ou Atora, Aire (Landes).

infra terminum quem superius diximus, apud vicum Atroam1.

CAPUT LIII.

De sepulcro Thaumasti episcopi.

Thaumastus' quoque, juxta expositionem nominis sui, admirabilis sanctitate, Momociacensis' urbis fuisse fertur episcopus : de qua urbe nescio qua causa demotus, Pictavum oppidum petiit, ibique præsentem vitam, in bona perdurans confessione, finivit. Cui quæ sit merces in cœlo, ad ejus ostenditur tumulum; eumque inhabitare paradisum prodit virtus egrediens de sepulcro illudque in eo veraciter ostenditur, quod dominus Jesus Christus in evangelio Marthæ dicit : << Qui credit in me, etiam si moriatur, vivit : et omnis qui vivit et credit in me, non morietur in æternum. » Hic ergo super terram sepulcrum habet ante ipsum atrium beati Hilarii. De quo tumulo erasus a multis pulvis, et haustus, ita dolori dentium febriumque medetur, ut qui hauserit, miretur effectum. Nam ita hæc benedictio assidue expetitur, ut jam in uno loco sarcophagus appareat transforatus.

(1) Forte legendum Atora seu Atura. (R.)

(2) 2205, Momociasensis.

(3) Mss. omnes Theomastus, præter Antuerpiensem qui habet Thomastus. Nominis etymon quod Gregorius affert nostram lectionem exigit. (R.) — 2204 in indice Theomastis.

sépulcres sont situés dans le territoire que nous avons dit ci-dessus, dans le bourg d'Aire.

CHAPITRE LIII.

Du sépulcre de l'évêque Thaumastus.

1

Thaumastus, homme digne de ce qu'annonçait son nom et admirable par sa sainteté, fut, à ce qu'on rapporte, évêque de la ville de Mouzon 2. Déplacé de cette cité, je ne sais par quelle cause, il se rendit dans la ville de Poitiers et y finit ses jours en persistant dans la confession des saines doctrines. On peut voir à son tombeau quelle récompense il a méritée dans le ciel; et la puissance qui émane du lieu où il est enseveli montre qu'il habite au paradis. En lui se montre avec vérité ce que le Seigneur Jésus-Christ dit à Marthe dans l'évangile Celui qui croit en moi, reste vivant lors même qu'il meurt, et quiconque vit et croit en moi ne mourra point éternellement '. » Cet évêque donc a son tombeau placé sur le sol juste en face de l'aitre de saint Hilaire. Beaucoup de gens, après avoir raclé la poussière de ce tombeau et l'avoir bue, éprouvent un tel soulagement aux douleurs de dents et à celles de la fièvre qu'après en avoir pris on en admire l'effet. Et cette bénédiction est recherchée avec tant de zèle qu'il y a déjà un endroit où le sarcophage est perforé.

: «<

(1) Oxuuastos, admirable. Cf. ci-dessus, t. II, p. 409, n. 3.

(2) Suivant l'opinion commune, Momociacensis urbs serait Mouzon-surMeuse (Ardennes, arrond. de Sedan), appelé sur les monnaies mérovingiennes Mosomo castrum, dans les documents du ve siècle Mosomagus (Desnoyers, Topogr. eccl., Reims) et d'après la Notice de l'empire, Musmagus. Mais il n'y a jamais eu d'évêché en ce lieu. Divers commentateurs ont proposé de lire Moguntiacensis (Mayence) et même Mimatensis (Mende); autant vaudrait proposer Momoniensis, Monmouth. D'autre part le nom de Thaumastus ne figure sur aucune des listes d'évêques de la Gaule que l'on connaisse. Cependant dom Ruinart, tout en s'étonnant de ne trouver aucune trace de ce saint dans l'ancienne liturgie du diocèse de Poitiers, fait observer que l'on voyait encore de son temps à Poitiers, le tombeau de Thaumaste. (Voy. les Éclaircissements à la fin du volume.) — Cf. Hist. IX, xxIx, où Grégoire cite encore Sigebert, également inconnu, comme évêque du Momociacense oppidum.

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(3) Jean, chap. xii.

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