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ces maux et par d'autres encore, il réfléchit, bien tardivement, et dit : « J'ai péché en dépouillant l'église de Dieu et en outrageant le saint évêque. Allez donc au plus vite, et, après avoir restitué le domaine, déposez six cents pièces d'or sur le tombeau du saint; j'ai l'espoir que la restitution de ce bien allégera mon mal. » Ses gens, entendant cela, prirent l'argent et firent comme il leur avait ordonné. Ils rendirent le domaine et mirent les sous d'or sur le sépulcre du serviteur de Dieu. Mais à peine eurent-ils achevé, que le malade rendit l'esprit là où il était; et par l'acquisition d'un profit inique, il gagna la perte de son âme. Quant à l'évêque, il obtint, comme il l'avait promis, par la puissance du champion de Dieu, vengeance contre l'ennemi de l'Église.

CHAPITRE LXXII.

De saint Servais, évêque de Tongres.

Servais passe pour avoir été évêque de Tongres1, à l'épo

que

des Huns, et lorsqu'ils se précipitaient en irruptions sur les Gaules. Il fut enseveli, dit-on, auprès du pont même sur lequel passe la voie (pour entrer en Gaule). En vain la neige tombait autour de son sépulcre, jamais elle ne mouillait le

(1) Il mourut le 13 mai 450, suivant dom Ruinart; le 13 mai 384, après un épiscopat de 47 ans, suivant Butler et Godescard. Cf. Hist., 1. II, c. v.

vis nix defluxisset, nunquam tamen marmor quod super erat positum humectabat; et cum loca illa nimii frigoris gelu ligentur, et nix usque in trium et quatuor pedum crassitudinem terram operiat, tumulum ullatenus non attingit. Datur enim intelligi verum Israelitam hunc esse. Nam illis inter muros aquarum aquæ non sunt perniciei, sed saluti; et circa hujus justi tunulum nix decidens, non humoris causa est, sed honoris. Videasque in circuitu montes niveos elevari, nec tamen attingere terminum monumenti; et non miramur si terra operiatur nive, sed admiramur quod attingere ausa non est locum beati sepulcri. Nam plerumque devotio studiu que fidelium oratorium construebant de tabulis ligueis levigatisque sed protinus aut rapiebantur a vento, aut sponte ruebant. Et credo idcirco ista fieri, donec veniret, qui dignam ædificaret fabricam in honorem antistitis gloriosi. Procedente vero tempore adveniens in hanc urbem Monulfus episcopus, templum magnum in ejus honorem construxit, composuit ornavitque in quod, multo studio et veneratione translatum, corpus magnis nunc virtutibus pollet.

CAPUT LXXIII.

1

2

De cœmeterio Augustodunensis urbis.

Cœmeterium apud Augustodunensem urbem Gallica lingua vocitavit, eo quod ibi fuerint multorum hominum cadavera' funerata: inter quæ quod sint quorum

(1) De cimiterio Augustud, et de basilica sancti Stephani, 2791. (2) Agustidunensis 2204, et infra: Agustidunensim, Augustidunensem, 2204, 2205; Augustunensem, 2791; Agustudemsim Cl.-F. (3) Et reipsa cœmeterium illud Augustod. πoλuάvôpiov vocabatur.

marbre posé sur le tombeau; et quand le pays se trouve

pris par les grandes gelées, la neige couvre la terre jusqu'à

une épaisseur de trois et quatre pieds, elle n'atteint toutefois nullement le tombeau. Cela donne à entendre que cet homme est un véritable fils d'Israël; car ce sont les Israélites qui passent entre des murailles liquides, et pour qui les eaux ne sont pas un danger, mais une cause de salut : ainsi la neige qui tombe sur la tombe de ce juste lui apporte, non l'air humide, mais l'honneur solide. On peut voir à l'entour la neige s'élever en montagnes, sans qu'elle atteigne cependant à la limite du monument; et nous sommes sans étonnement quand la terre vient à se couvrir de neige, mais non sans admiration de ce qu'elle n'ose pas toucher à la place qu'occupe ce bienheureux sépulcre. Souvent le zèle et la dévotion des fidèles y construisirent un oratoire en planches de bois polies; mais bientôt le vent les emportait, ou elles tombaient d'elles-mêmes. Je crois que cela devait arriver ainsi, jusqu'à ce qu'il vînt quelqu'un qui construisit en l'honneur du glorieux pontife un édifice digne de lui. Après un certain intervalle de temps, Monulf, étant devenu évêque de ce diocèse1, construisit en son honneur un vaste temple qu'il bâtit' lui-même, qu'il orna, et dans lequel le corps du saint, transporté avec beaucoup de soin et de vénération, brille maintenant par de remarquables vertus.

CHAPITRE LXXIII.

Du cimetière de la ville d'Autun.

A Autun existe un cimetière, ainsi appelé en langue gauloise, parce que les cadavres d'un grand nombre d'hommes y furent ensevelis. Parmi eux sont les sépultures de quel

(1) Vers 550 (R.); de 558 à 597 (Marion).

(2) Vers 381, a Maestricht où avait été transporté le siége de Tongres. (3) Au temps de dom Ruinart on voyait encore à Autun ce cimetière, ses nombreuses tombes de pierre, l'église Saint-Étienne dont il ne restait que les murs privés de toit et celle de Saint-Pierre l'Estrier (de Strada). Aujourd'hui toutes les tombes et leurs inscriptions ont disparu, sauf l'inscription d'Aschandius, en onze vers grecs, qu'on a retrouvée en 1839, plus une huitaine d'autres conservées daus divers livres. Voy. Le Blant, Inscript. chrét. de la Gaule, 1856, in-40.

dam fidelium dignarumque Deo animarum sepulcra, frequens occulti psallentii mysterium docet; cum plerumque multis appareant, in ipso vocum præconio reddentes omnipotenti Deo gratiarum debitam actionem. Nam audivi quod duo ex incolis loci, dum loca sancta orandi gratia circumire disponerent, audiunt in basilica sancti Stephani, quæ huic conjungitur cœmeterio, psallentium sonum admirantesque dulcedinem moduli, appropinquant ad ostium templi, autumantes a quibusdam religiosis vigilias celebrari. Ingredientes autem, et orationi diutissime incumbentes, consurgunt, psallentii chorum conspiciunt; nihilque lucere per templum, nisi propria claritate cuncta prospiciunt splendere de personis vero nullam prorsus agnoscunt. Denique cum essent attoniti et stupore perculsi, unus de psallentibus accedit ad eos, dicens : « Exsecrabilem rem fecistis, ut nobis arcana orationum Deo reddentibus adesse præsumeretis. Discedite ergo, et a domibus nostris abscedite, alioquin ab hoc mundo migrabitis. » Ex quibus unus discedens abiit; alter vero qui in loco remansit, post non multos dies a sæculo commigravit.

CAPUT LXXIV.

De sepulcro Cassiani episcopi.

In hoc cœmeterio vidi beati Cassiani sacerdotis ma

gni sepulcrum a multis infirmis erasum, quod pene transforatum eo tempore putabatur. Abluuntur enim ex hoc pulvere ægroti, sed protinus virtutis magnitudinem sentiunt. Ibi et Simplicius ipsius, ut aiunt, ur

ques fidèles et d'âmes dignes de Dieu, ainsi qu'on l'apprend par une mystérieuse psalmodie qui s'y fait souvent entendre; car ils apparaissent souvent à bien des gens, ceux qui par ce concert de voix rendent au Dieu tout-puissant les actions de grâces qui lui sont dues. J'ai appris, en effet, que deux des habitants du lieu, se disposant à faire une tournée dans les lieux saints pour y prier, entendirent le bruit des psaumes dans la basilique de Saint-Étienne, qui est contiguë à ce cimetière, et que, charmés de la douceur de cette musique, ils s'approchèrent jusqu'à la porte du temple, persuadés que des personnes pieuses y célébraient les vigiles. Ils entrent, se livrent pendant très-longtemps à la prière, se lèvent, demeurent en contemplation à entendre le chœur des psalmodiants, et ils s'aperçoivent qu'il n'y a rien d'allumé dans le temple, que tous les objets y brillent de leur propre clarté; quant aux personnes, ils n'en voient absolument aucune. Ils restaient frappés de surprise, et stupéfaits, lorsqu'un des chanteurs s'approcha d'eux, en disant : « Vous avez fait une chose exécrable d'oser vous mêler à nous pendant que nous offrons à Dieu les mystères de la prière. Retirez-vous et vous éloignez de nos demeures, autrement vous sortirez de ce monde. » L'un d'eux s'éloigna et s'en fut; l'autre qui resta en place fut retiré du siècle peu de jours après.

CHAPITRE LXXIV.

Du sépulcre de l'évêque Cassien.

J'ai vu dans ce cimetière le sépulcre du bienheureux Cassien 1, pontife éminent; sépulcre gratté par un grand nombre de malades, de telle manière qu'on pouvait le croire à cette époque presque transpercé. En effet, les malades qu'on lave avec une dissolution de cette poudre ressentent aussitôt combien est grand son pouvoir. Là aussi

(1) Il vivait au Ive siècle, dit Ruinart, en ajoutant qu'on voyait encore ce tombeau de son temps dans un oratoire de S. Cassien, au cimetière d'Autun; mais qu'on avait perdu tout souvenir de celui de Simplicius.

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