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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

J'avais écrit sur l'Italie une brochure intitulée: » L'Italie après la guerre," comme unique occupation de mes loisirs, sans avoir la pensée de la publier. Les considérations que je développais n'étaient que pour moi et pour un petit cercle d'amis. Quand j'en eus fais la lecture, on me conseilla avec beaucoup d'insistance de la donner au public. Je me décidais à prendre ce parti, lorsqu'un événement aussi brusque qu'inattendu, la paix de Villafranca, qui a surpris l'Europe, et presque déconcerté le royal allié de NAPOLÉON III, lui-même, me détermina à en revenir à ma première idée, à garder le silence. Mais la publication de l'Évangile primitif m'impose, en quelque sorte, le devoir de retracer les principaux passages de cet opuscule, avant la manifestation de la parole divine; car les papes, en se composant des États d'église et un royaume terrestre, se sont séparés de JésusCHRIST, ils ont fait mépris des commandemens de l'Éternel; et les puissances politiques, qui s'unissent à Rome pour lui conserver, par des raisons d'État, son gouvernement temporel, se mettent également en révolte contre les enseignemens du fils de Dieu, seul Maître et Seigneur de ce monde.

Où allons-nous? me demandais-je; c'est ainsi que j'entrais en matière; et c'est ainsi que je recommence. Où allonsnous? Nul ne le sait; assurément là, où Dieu nous mène, sans qu'on ait l'air de s'en douter; ou du moins sans qu'on veuille porter ses regards vers le ciel, qui fait sentir aux hommes, que leur sagesse n'est que folie, et que leur dé. sobéissance à ses saintes lois devient une verge de sa justice, dont ils se frappent eux-mêmes. Les exécuteurs des volontés divines sont à l'oeuvre; ils sont poussés, par une pente irrésistible, là où ils n'auraient pas voulu aller; ils cheminent et fonctionnent, et ne s'arrêteront plus que quand la voix de l'Éternel, qui descend aujourd'hui sur terre, pour redonner

au monde des leçons profitables, leur aura crié: c'est assez! arrêtez-vous là!

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» Il y a un jour assigné par l'Éternel," dit son prophète, auquel il se lèvera pour frapper la terre; pour exercer ses jugemens parmi les nations; et il reprendra plusieurs peuples ils forgeront leurs épées en hoyaux, et leurs hallebardes en serpes; une nation ne lèvera plus l'épée contre l'autre, et ils ne s'adonneront plus à faire la guerre. L'Éternel sera SEUL haut élevé en ce jour-là dans toute la montagne de sa sainteté; la terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, comme le fond de la mer des eaux qui le couvrent; on n'y nuira point, on n'y fera aucun dommage à personne; un homme sera plus précieux que l'or fin, et une personne plus que l'or d'Ophir. Un trône sera établi par la miséricorde; et sur ce trône sera assis, dans la vérité, un juge, qui recherchera le droit et sera prompt à faire justice; les Princes présideront avec équité."

Voyez! Le monde reposait en paix, voulait la paix, réunissait tous ses efforts pour en maintenir la jouissance et en prolonger les douceurs; lorsque soudainement des symptômes inquiétans se manifestent sur un point de l'Europe. Toutes les diplomaties s'émeuvent; on propose un congrès pour aplanir pacifiquement les difficultés orageuses qui surgissent; tous les gouvernemens l'acceptent; et voilà, qu'au travers des négociations qui s'entament à ce sujet, un cri de guerre se fait entendre! Parti du cabinet Autrichien, on l'accueille avec enthousiasme dans le Piémont, la France s'en réjouit, et l'empire Français, qui devait être la paix, devient la guerre! L'Italie s'insurge, en déployant le drapeau de l'indépendance italienne, sous la protection des armes alliées, la lutte s'engage, le sang coule, les hommes s'entre- égorgent, pour se disputer la possession d'un peuple; et une guerre des plus désastreuses, bien que circonscrite d'abord, selon le désir des moteurs du mouvement belliqueux porta la désolation dans tous les conseils des Princes, et la perturbation dans les intérêts privés, dont une inquiétude générale suspend toujours la marche et le développement.

Cette guerre menaça bientôt d'envahir toute l'Europe; l'un des vainqueurs fut effrayé des succès de l'armée alliée, qui la conduiraient nécessairement sur un terrain sacré aux yeux des Catholiques, dont il aurait voulu respecter la neutralité; son influence et sa politique étaient méconnues dans

les états du Pape; l'Italie, qui sommeillait sous l'abattement de la servitude, s'était réveillée au cri glorieux de liberté; partout où les populations de la Péninsule se sentaient assez fortes pour en arborer l'étendard, elles l'élevaient avec un tressaillement de joie délirante; NAPOLÉON III se préoccupa anxieusement de la tournure que prenaient les affaires en Italie et ailleurs; son but était forcément dépassé; il changea son programme, s'arrêta au milieu des plus brillantes victoires, et se hâta de faire la paix avec l'empereur d'Autriche, sans même consulter son auguste allié.

Tout cela n'est point l'effet des combinaisons de la sagesse humaine; elle s'est trouvée en défaut dans ses prévisions; l'action de la Providence est là; car dit encore le prophète:

» Éternel, pourquoi la voie des méchans a-t-elle prospéré? Pourquoi ceux qui agissent très-perfidement sont-ils en paix? jusqu'à quand la terre sera-t-elle dans le deuil?"

» Pourquoi? parce que plusieurs bergers ont gâté ma vigne, qu'ils ont foulé mon partage et l'ont réduit en une solitude déserte. Aussi, la colère de l'Éternel ne sera point détournée, qu'il n'ait exécuté et mis en effet les pensées de

son coeur.

» Alors il arrivera que la montagne de la maison de l'Éternel sera affermie au sommet des montagnes, et élevée par-dessus les côteaux; et toutes les nations y aborderont; et plusieurs peuples iront et diront: venez et montons à la montagne de l'Éternel, à la maison du Dieu de Jacob; il nous instruira de ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers."

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Où allons-nous donc? Le prophète de l'Éternel nous le ditUne nouvelle ère va commencer pour l'humanité. Nous sommes entrés dans une crise, qui se prolongera, et dont la fin, plus ou moins rapprochée, par suite de l'ébranlement actuel, marquera la chute d'un grand scandale dans la chrétienté – j'en ai la confiance la destruction du pouvoir temporel des Papes, source d'oppressions qui, au profit de la Catholicité, pèsent si lourdement sur une nation placée en dehors des lois civilisatrices, et tiennent les peuples enchaînés aux intérêts mondains d'une église, que la politique a édifiée, et que les puissances civiles ont soutenue jusqu'ici, pour dévorer les générations asservies par les autels et les trônes. Voilà une vérité à laquelle l'avenir, peut-être avant peu, donnera une éclatante et salutaire raison, propagée par la

presse libérale et indépendante, sanctionnée par la politique protestante, elle embarrasse celle des autres gouvernemens, met en émoi tout le monde de la Catholicité, soulève la violence fanatique des colères épiscopales; le Pape l'a même foudroyée des canons de ses vieux conciles; mais comme elle a pour sauvegarde une autorité, qui ne se discute pas, celle de la parole de Dieu, elle triomphera.

L'Autriche a tiré l'épée, disait-elle: » Pour le maintien des droits, de l'indépendance des États, et de l'ordre social en Europe." Dérision! Que faisait à l'Europe que la Lombardie appartînt à l'Autriche ou à d'autres? L'Autriche n'avait pour but que de maintenir sa domination en Italie; tel fut le motif secret de sa politique, la cause réelle de la guerre qu'elle a provoquée.

» Les droits imprescriptibles de sa couronne," dont l'empereur d'Autriche parle dans ses manifestes, que sont-ils? Des droits tyranniques sur un peuple conquis, n'importe à quelle époque; mais qui, lui, n'a jamais aliéné les droits de son indépendance extorqués par la politique et la loi du plus fort, ni la faculté de les reconquérir; pour user des privilèges qui appartiennent à chaque nation, ceux de se gouverner à sa guise, sans guise, sans que les peuples voisins, ou la diplomatie des autres États viennent s'imposer à ses répugnances, et substituer leurs volontés aux siennes. Elle invoquait des traités, l'équilibre de l'Europe! Mais ces traités n'en avaient-ils pas aboli d'autres, qui auraient dû n'être pas moins sacrés que ceux qu'elle a voulu se conserver par les armes; parce qu'ils étaient les derniers, et de convenance pour l'époque où nous sommes ?

L'équilibre de l'Europe! n'est-ce pas l'ambition toujours croissante, toujours inassouvie, l'intervention des grands potentats dans les affaires des petits, qui troublent incessamment cet équilibre? Laissez chacun maître chez lui; n'entravez pas les idées de progrès, qui deviennent partout un besoin pour l'humanité, et qui agissent efficacement ici ou là, et vous n'aurez pas besoin de faire la guerre pour le maintenir tel qu'il vous convient, ou le rétablir sur d'autres bases, s'il vous déplaît.

L'Autriche a allumé un incendie qui, je le crains bien, embrasera le monde, il n'est point éteint; il ressortira des cendres qui le couvrent; et c'est elle, puissance catholique plus intimement liée avec le Saint-Siège par un récent con

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