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16. Sur quoi, Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples: Allons-y aussi, nous autres, afin de mourir avec lui.

17. Jésus, étant arrivé, trouva qu'il y avait déjà quatre jours que Lazare était dans le tombeau.

18. Et comme Béthanie n'était éloignée de Jérusalem que d'environ quinze stades,

19. Il y avait quantité de Juifs qui étaient venus voir Marthe et Marie, pour les consoler de la mort de leur frère.

20. Marthe, ayant donc appris que Jésus venait, alla au-devant de lui, et Marie demeura dans la maison.

21. Alors Marthe dit à Jésus: Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort;

22. Mais je sais que, présentement même, Dieu vous accordera tout ce que vous lui demanderez.

23. Jésus lui répondit: Votre frère ressuscitera (j).

24. Marthe lui dit : Je sais qu'il ressuscitera dans la résurrection qui se fera au dernier jour.

25. Jésus lui repartit: Je suis la résurrection et la vie; celui qu croit en moi, quand il serait mort, vivra.

il y a là-dessous une question plus grande encore (cf. plus bas, 23). Notez qu'Apollonius de Tyane, de son côté, en faisait autant.

(j) Resurget. Voilà le mot de l'apologue: la résurrection, c'est-à-dire l'immortalité de l'âme. Quand on songe que cette idée, toute métaphysique, ne pouvait, surtout à cause de la langue, entrer dans l'esprit du peuple; que pour en rendre raison, il fallait de toute nécessité en appeler à des preuves sensibles, à des faits, à l'expérience, on se rend compte alors de ces histoires de résurrections par lesquelles on montrait au peuple, pour ainsi dire, l'âme rentrant dans le corps, la vie humaine se montant et se démontant comme une machine; et indépendamment du penchant à l'imitation de l'Ancien Testament, qui éclate partout, on a ici une raison de plus de dire que ces mythes ou apologues ont été imaginés, nonseulement par la croyance populaire, mais provoqués par le besoin de la question résurrectionniste elle-même; question qui, selon Jean et Paul, est tout l'essentiel de la foi chrétienne.

26. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Croyezvous cela (k)?

27. Elle lui répondit: Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant, qui êtes venu dans ce monde.

28. Lorsqu'elle eut ainsi parlé, elle s'en alla, et appela tout bas Marie, sa sœur, en lui disant : Le Maître est venu, et il vous demande.

29. Ce qu'elle n'eut pas plutôt entendu, qu'elle se leva, et alla le trouver.

30. Car Jésus n'était pas encore entré dans le bourg; mais il était au même lieu où Marthe l'avait rencontré.

31. Cependant les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison, et qui la consolaient, ayant vu qu'elle s'était levée si promptement, et qu'elle était sortie, la suivirent, en disant Elle va au sépulcre, pour y pleurer.

32. Lorsque Marie fut venue au lieu où était Jésus, l'ayant vu, elle se jeta à ses pieds, et lui dit : Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort.

33. Jésus, voyant qu'elle pleurait, et que les Juifs, qui étaient venus avec elle, pleuraient aussi, frémit (1) en son esprit, et se troubla lui-même (m),

34. Et il leur dit: Où l'avez-vous mis? Ils lui répondirent : Seigneur, venez, et voyez.

35. Alors Jésus pleura (n).

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(k) VERSETS 24-26. Il ressuscitera si bien au dernier jour, que si je le veux, moi qui suis la résurrection, il va ressusciter tout de suite. Voilà le raisonnement de l'évangéliste; raisonnement qui vient d'un croyant réfléchi et qui arrange, après coup, sur des miracles apocryphes, ses preuves, mais qu'on ne peut attribuer à Jésus même.

(1) Infremuit. Ce frémissement, selon Strauss, vient de la colère de Jésus contre l'incrédulité des Juifs et leurs réflexions malignes.

(m) Turbavit seipsum. Il y a des commentateurs qui prétendent que ce fut par un acte de sa volonté divine que Jésus troubla sa nature humaine.

(n) VERSETS 35 et suivants. L'histoire de Lazare, si elle est vraie, je veux dire quant à la scène apparente de résurrection, est celle qui jette le plus de louche sur la bonne foi

36. Et les Juifs dirent entre eux Voyez comme il l'aimait.

37. Mais il y en eut aussi quelques-uns qui dirent: Ne pouvaitil pas empêcher qu'il mourût, lui qui a ouvert les yeux à un aveugle-né (o)?

38. Jésus, frémissant donc de nouveau en lui-même, vint au sépulcre c'était une grotte, et on avait mis une pierre par-dessus. 39. Jésus leur dit : Otez la pierre. Marthe, qui était sœur du mort, lui dit Seigneur, il sent déjà mauvais, car il y a quatre jours qu'il est là.

40. Jésus lui répondit: Ne vous ai-je pas dit que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ?

41. Ils ôtèrent donc la pierre; et Jésus, levant les yeux en haut, dit ces paroles: Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé.

42. Pour moi, je savais que vous m'exauceriez toujours; mais je dis ceci pour ce peuple qui m'environne, afin qu'ils croient que c'est vous qui m'avez envoyé (p).

et la gravité de Jésus-Christ. Ces apprêts de maladie, cet enterrement, ce deuil, toute cette comédie enfin sont peu dignes d'un réformateur et d'un sage; à ces traits on ne reconnaît plus le Christ de saint Matthieu. Il faut nier purement et simplement toute cette histoire, dont certains détails sont d'un grotesque qui touche à l'horrible, s'il s'agit d'une mystification (voyez verset 39, jam fœtet), ou plutôt sont d'une naïveté qui démontre la supposition et l'interpolation. En pareil cas, l'historien s'attache à rassembler ses autorités et ses preuves et à prévenir toute objection; le génie populaire, au rebours, ne songe qu'à la vérité dramatique et s'inquiète peu de la vraisemblance historique. D'après ces principes, on peut reconnaître ce qui, dans l'Evangile, est d'invention et ce qui est de fait la psychologie sociale nous donne ici la clef de l'énigme et du merveilleux. (Ct. Jean, xx, histoire de saint Thomas.)

(0) Jean n'a connu qu'une résurrection, celle de Lazare; autrement il n'aurait pas manqué de faire dire à ses personnages Comment Jésus, qui a ressuscité la fille de Jaïre, etc., ne ressuscite-t-il pas son ami?

(p) Cela est inconvenant de la part de Jésus; mais cela se

43. Ayant dit ces mots, il cria d'une voix forte

sortez.

Lazare,

44. Et, à l'heure même, le mort sortit, ayant les pieds et les mains liés de bandes; et son visage était enveloppé d'un linge. Alors Jésus leur dit : Déliez-le, et le laissez aller.

45. Plusieurs donc d'entre les Juifs, qui étaient venus voir Marie et Marthe, et qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.

46. Mais quelques-uns d'entre eux s'en allèrent trouver les pharisiens, et leur rapportèrent ce que Jésus avait fait (q).

47. Les princes des prêtres et les pharisiens tinrent donc conseil ensemble (r), et dirent: Que faisons-nous? Cet homme fait plusieurs miracles.

48. Si nous le laissons faire, tous croiront en lui; et les Romains viendront (s), et ruineront notre ville et notre nation.

conçoit très-bien de la part du narrateur, qui a l'habitude de mettre ses propres pensées dans la bouche de son héros. (9) VERSETS 45-46. Conclusion de Jean Beaucoup vinrent à lui. Traduisons: Ami lecteur, vous voyez que Jésus a ressuscité des morts, donc vous croirez avec moi qu'il est le Messie.

(r) Collegerunt concilium. Il est indubitable que le sanhédrin s'occupa plus d'une fois et très-sérieusement du bruit que faisait Jésus; mais faut-il croire, sur la foi de Jean, que la scène qu'il vient d'arranger si bien pour ses lecteurs, avait été jouée, en tout ou en partie, par Jésus, en complicité de Lazare, de ses sœurs, etc., dans le but de se faire passer pour Messie? C'est ce qui résulterait du récit de Jean, qui nous montre les prêtres prenant des mesures pour arrêter l'imposteur. Mais tout cela est en contradiction complète avec le rôle véritable et maintenant démontré de Jésus. Jésus se moque des miracles comme des cérémonies du culte; il repousse le messianisme; il n'avait garde de se poser en Messie. Il faut donc mettre tous ces détails controuvés ou travestis sur le compte de Jean.

(s) Venient Romani. C'est une contre-vérité. Jésus, je l'ai établi dans mes notes sur l'histoire de la passion (cf. les

49. Mais l'un d'eux, nommé Caïphe, qui était grand-prêtre cette année-là, leur dit : Vous n'y entendez rien;

50. Et vous ne considérez pas qu'il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point (t).

51. Or il ne disait pas ceci de lui-même; mais étant grandprêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation des Juifs;

52. Et non-seulement pour cette nation, mais aussi pour rassembler et réunir les enfants de Dieu, qui étaient dispersés.

53. Ils ne pensèrent donc plus, depuis ce jour-là, qu'à trouver le moyen de le faire mourir.

54. C'est pourquoi Jésus ne se montrait plus en public parmi les Juifs; il se retira même dans une contrée, près du désert, en une ville nommée Éphrem, où il se tint avec ses disciples.

55. Or la pâque des Juifs était proche; et plusieurs de ce quartier-là étant allés à Jérusalem, avant la pâque (u), pour se purifier,

56. Ils cherchaient Jésus, et se disaient, dans le temple, les uns aux autres Que pensez-vous de ce qu'il n'est point venu à ce jour de fête? Car les princes des prêtres et les pharisiens avaient donné ordre que si quelqu'un savait où il était, il le découvrît, afin qu'ils le fissent prendre.

quatre Évangiles), se posait en anti-messianiste, et ce n'était pas lui qui pouvait donner de l'inquiétude aux Romains. Les vrais messianistes étaient les prêtres. Jean, pour donner de la couleur à son récit, fait dire de Jésus par les prêtres ce qu'ils pensaient en effet du Messie, mais qui était précisément le contraire de ce qu'ils pensaient de Jésus.

(VERSETS 49-50. Cf. plus loin, xvi, 14, note e.

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(u) Qui empêcherait donc de compter cette pâque comme la quatrième? et celle mentionnée plus bas (xi, 1), comme une cinquième; plus une autre (XIII, 1) comme la sixième? Il est donc évident que toutes les pâques dont il est fait mention dans Jean sont la même : ce qui réduit la durée du ministère de Jésus à un an et moins.

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