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CHAPITRE XII.

Maric parfume les pieds de Jésus. Murmure de Judas. Les Juifs veulent tuer Lazare. Entrée de Jésus-Christ dans Jérusalem. Des gentils demandent à voir Jésus. Discours de Jésus-Christ à cette occasion.

1. Six jours avant la pâque, Jésus vint à Béthanie (a), où il avait ressuscité Lazare d'entre les morts.

2. On lui apprêta là à souper; Marthe servait, et Lazare était un de ceux qui étaient à table avec lui (b).

3. Mais Marie ayant pris une livre d'huile de parfum de vrai nard, qui était de grand prix, la répandit sur les pieds (c) de Jésus,

(a) Arrivée de Jésus à Béthanie. Ceci rentre purement et simplement dans ce qui est raconté par Matthieu et Marc; de telle façon que l'histoire précédente est toute en horsd'œuvre. Dans Marc, le maître de la maison est nommé Simon le lépreux. Matthieu de même. Ce Lazare a tout l'air d'une invention de Jean, prise à la fin par lui-même pour une réalité. (Cf. Luc, XVI, 20 et suivants, et x, 38-42, où le repas de Béthanie est raconté sans aucune mention de Lazare.)

(b) Cf. Luc, x, 38-42, pour le festin.

(c) Unxit pedes. Cette onction des pieds est sans aucune convenance et sans la moindre signification. C'est une entorse audacieusement faite à l'histoire, dont la vérité apparaît, quoique encore dissimulée, dans Matthieu et Marc. Jésus avait ses zélateurs aussi exagérés qu'imprudents, qui voulaient à toute force le faire Messie. Le mot Messie signifie oint. Jésus n'était pas oint, une femme s'avisa de lui donner cette onction; ce qui se faisait en répandant de l'huile sur la tête. C'était un pas dans cette carrière dangereuse où Jésus refusait d'entrer. Les disciples s'élevaient contre une pareille démonstration, que Jésus se hâte d'interpréter en disant qu'il ne s'agit pas de son sacre, mais de sa sépulture. C'est pour mieux déguiser la chose que Jean dit que l'onction fut faite sur les pieds de Jésus. (Cf. Marc, xiv, 3-8, notes b, c, d, e.).

et les essuya avec ses cheveux; et toute la maison fat remplie de l'odeur de ce parfum.

4. Alors l'un de ses disciples, savoir Judas Iscariote, qui devait le trahir, dit :

5. Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, qu'on aurait donnés aux pauvres?

6. Il disait ceci, non qu'il se souciât des pauvres, mais parce qu'il était larron; et que, gardant la bourse (d), il portait l'argent qu'on y mettait.

7. Mais Jésus dit: Laissez-la faire, parce qu'elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture;

8. Car vous avez toujours des pauvres avec vous; mais, pour moi, vous ne m'aurez pas toujours.

9. Une grande multitude de Juifs, ayant su qu'il était là, y vinrent, non-seulement pour Jésus, mais aussi pour voir Lazare, qu'il avait ressuscité d'entre les morts.

10. Mais les princes des prêtres délibérèrent de faire mourir aussi Lazare,

11. Parce que beaucoup de Juifs se retiraient d'avec eux, à cause de lui, et croyaient en Jésus.

12 (e). Le lendemain, une grande quantité de peuple, qui était venu pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem,

13. Ils prirent des branches de palmiers, et allèrent au-devant de lui, en criant: Hosanna, salut et gloire; béni soit le roi d'Israël, qui vient au nom du Seigneur (f).

(d) Fur erat et loculos habens. Jean ne craint pas de calomnier Judas en le représentant comme avare et volant la caisse. Cela prépare de loin, avec les versets 65 et 71 du chapitre vi, la trahison de Judas. Mais il est clair que tout cela est controuvé et travesti; que la vérité a été violée dans l'intérêt de l'idée messianique nouvelle, et que le motif attribué à Judas, joint à la modicité de la somme reçue, est insoutenable. (Cf. Marc, xiv, 18.)

(e) VERSETS 12 et suivants. Il y a ici transposition de date et de faits. D'après Matthieu et les autres, l'ovation aurait eu lieu dès le premier jour de la résidence de Jésus; ce qui est naturel.

(f) Il se pourrait que cette petite ovation eût été préparée par les agents provocateurs des pharisiens. Il fallait un pré

14. Et Jésus, ayant trouvé un ânon (g), monta dessus, selon qu'il est écrit:

15. Ne craignez point, fille de Sion: voici votre Roi, qui vient monté sur le poulain d'une ânesse.

16. Les disciples ne firent point d'abord attention à cela; mais, quand Jésus fut entré dans sa gloire, ils se souvinrent alors que ces choses avaient été écrites de lui, et que ce qu'ils avaient fait à son égard en était l'accomplissement (h).

17. Le grand nombre de ceux qui s'étaient trouvés avec lui, lorsqu'il avait appelé Lazare du tombeau, et l'avait ressuscité d'entre les morts, lui rendait témoignage.

18. Et ce fut aussi ce qui fit sortir tant de peuple, pour aller au-devant de lui, parce qu'il avait entendu dire qu'il avait fait ce miracle.

19. De sorte que les pharisiens dirent entre eux: Vous voyez que nous ne gagnons rien; voilà tout le monde qui court après lui.

20. Or il y eut quelques gentils, de ceux qui étaient venus pour adorer au jour de la fête,

21. Qui s'adressèrent à Philippe, qui était de Bethsaïde, en

texte à l'arrestation; elle le fournit; il fallait découvrir JésusChrist qui se cachait depuis l'éclat qu'avait causé la résurrection de Lazare; l'entrée triomphale le remit en évidence. Le conseil présidé par Caïphe venait tout récemment de prendre une délibération; et il est dit que des mesures avaient été prises pour le faire périr. Du reste, comme il entre dans le plan des évangélistes de poser Jésus en Messie, il y a tout lieu de penser que si le fait, rapporté à l'unanimité par les évangélistes, n'est pas entièrement controuvé, il a reçu postérieurement une signification incompatible avec le caractère avéré du réformateur.

(9) La circonstance de l'âne et de l'ânesse est visiblement empruntée à l'Ancien Testament, et doit par conséquent être rangée dans la catégorie des fictions évangéliques.

(h) Ce verset très-naïf signifie simplement qu'on s'aperçut après coup que la chose avait dû arriver, que par conséquent elle était arrivée. Et puis, qui donc ne voyageait à dos d'âne en Judée ?

Galilée, et lui firent cette prière: Seigneur, nous voudrions bien voir Jésus.

22. Philippe alla le dire à André, et André et Philippe le dirent ensemble à Jésus.

23. Jésus leur répondit : L'heure est venue où le Fils de l'homme dont être glorifié (1).

24. En vérité, en vérité, je vous le dis: Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté en terre, il demeure seul; mais quand il est mort, il porte beaucoup de fruit.

25. Celui qui aime sa vie, la perdra; mais celui qui hait sa vie dans ce monde, la conservera pour la vie éternelle.

26. Si quelqu'un me sert, qu'il me suive; et où je serai, là sera aussi mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon père l'hono

rera.

27. Maintenant mon âme est troublée; et que dirai-je? Mon Père, délivrez-moi de cette heure; mais c'est pour cela que je suis venu en cette heure (j).

28. Mon Père, glorifiez votre nom. Au même temps, on entendit une voix du ciel (k) qui dit : Je l'ai déjà glorifié, et je le glorifierai encore.

29. Le peuple qui était là, et qui avait entendu le son de cette voix, disait que c'était un coup de tonnerre. D'autres disaient : C'est un ange qui lui a parlé.

30. Jésus répondit: Ce n'est pas pour moi que cette voix s'est fait entendre, mais pour vous.

31. C'est maintenant que le monde va être jugé; c'est maintenant que le prince de ce monde va être chassé dehors.

(i) Mouvement d'orgueil bien naturel chez un sectaire, et qui semble copié sur nature. Malheureusement, ici encore il y a un but dont Jésus ne s'occupe que d'une manière fort indirecte, la vocation des Gentils. (Cf. l'histoire de la Cananéenne.)

(j) VERSETS 24-27. Le moindre événement fournit à Jésus l'occasion de débiter ses sentences. Il est infiniment probable que ce fut là sa manière; en ce point les évangélistes sont concordants entre eux et unanimes. Jean seulement paraît outrer le procédě.

(k) Une voix du ciel. Cela nous étonnerait peut-être, si l'auteur ne prenait soin d'ajouter aussitôt qu'elle se fit entendre pour manifester le Christ!...

32. Et, pour moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tout à moi.

33. (Ce qu'il disait pour marquer de quelle mort il devait mourir) (.

34. Le peuple lui répondit : Nous avons appris de la loi que le Christ doit demeurer éternellement. Comment donc dites-vous qu'il faut que le Fils de l'homme soit élevé de la terre? Qui est ce Fils de l'homme (m)?

35. Jésus leur répondit: La lumière est encore avec vous pour un peu de temps; marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va.

36. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière. Jésus parla de la sorte; et, se retirant, il se cacha d'eux (n).

37. Mais, quoiqu'il eût fait tant de miracles devant eux, ils ne croyaient point en lui;

38. Afin que cette parole du prophète Isaïe fût accomplie : Seigneur, dit-il, qui a cru à la parole qu'il a entendue de nous, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé (o)?

(1) VERSETS 32-33.

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Jeu de mots aussi fade que froid. Mais il n'y a plus rien ici de Jésus.

(m) D'après la tradition juive, le Christ ne mourrait pas. Saint Jean s'efforce de faire sentir la nécessité de cette mort, en alléguant que toute la gloire du Messie ne devait s'entendre que spirituellement et ne pouvait être que le prix de sa passion. La réponse qu'il prête à Jésus-Christ est évasive et un peu amphigourique.

(n) Abscondit se. Jésus-Christ était fréquemment obligé de se cacher (cf. plus haut, x1, 54); cela motive la trahison de Judas.

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(0) VERSETS 37-38. Cela contredit le verset 13, et plu's haut x1, 45, et tous les passages où; à la suite d'un miracle, il est dit que plusieurs crurent en lui. Ce va-et-vient du narrateur indique très-bien l'oscillation de l'esprit des masses en présence de Jésus. Elles ne demandaient qu'à croire; mais elles voulaient croire à un Messie; et Jésus les désolait par sa théorie du messianisme. Aussi, en fin de compte, per

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