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39. C'est pour cela qu'ils ne pouvaient croire, parce qu'Isaïe a dit encore:

40. Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur cœur, de 'peur qu'ils ne voient des yeux, et ne comprennent du cœur; et que, venant à se convertir, je ne les guérisse.

41. Isaïe a dit ces choses, lorsqu'il a vu sa gloire, et qu'il a parlé de lui.

42. Plusieurs néanmoins des sénateurs mêmes crurent en lui; mais à cause des pharisiens, ils n'osaient le reconnaître publiquement, de crainte d'être chassés de la synagogue (p);

43. Car ils ont plus aimé la gloire des hommes que la gloire de Dieu (q):

44. Or Jésus s'écria, et dit : Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais en celui qui m'a envoyé (r et s); ›

sonne ne crut, jusqu'à ce que la république judaïque fût ruinée. Alors tout le monde se dit : Jésus avait raison; il n'y a point de Messie, ou, ce qui revient absolument au même, le Messie, c'est la réforme. C'est alors seulement que l'on se mit à croire pour tout de bon. Alors les têtes s'échauffent, les actes de Jésus grandissent dans la mémoire de ceux qui l'avaient connu; on trouve en lui du merveilleux dans les moindres choses, on en cherche ou on en crée partout.

(p) Encore des croyants qui n'osent s'avouer. Ceci est dit pour le besoin du système; cependant il est à présumer que l'incrédulité de Jésus à l'endroit du Messie dut être partagée par plusieurs.

(q) Réflexion injuste et qui trahit le sectaire qui triomphe et devient intolérant. Les apôtres eux-mêmes ne crurent pas.

(r) Jésus répond à la pensée de son historien; il se donne un rôle tout subalterne vis-à-vis de Dieu. J'ai vu déjà (Jean, 1) que, suivant le quatrième évangéliste, le Logos n'était pas encore ce qu'il est devenu depuis: Dieu, égal à Dieu.

(s) N'est-ce pas le chef-d'œuvre de l'accommodation, d'avoir trouvé le moyen d'expliquer l'incrédulité des contemporains de Jésus par une prophétie d'Isaïe?... On n'a pas cru! C'était prédit. Tout est prédit, l'avilissement, la misère

45. Et celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé.

46. Je suis venu dans le monde, moi qui suis la lumière, afin que tous ceux qui croient en moi ne demeurent point dans les ténèbres.

47. Que si quelqu'un entend mes paroles, et ne les garde pas, je ne le juge point; car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde.

48. Celui qui me méprise, et qui ne reçoit point mes paroles, a pour juge la parole que j'ai annoncée; ce sera elle qui le jugera au dernier jour;

49. Car je n'ai point parlé de moi-même; mais mon Père, qui m'a envoyé, est celui qui m'a prescrit par son commandement ce que je dois dire, et comment je dois parler;

50. Et je sais que son commandement est la vie éternelle. Cc que je dis donc, je le dis selon que mon Père me l'a ordonné.

CHAPITRE XIII.

Jésus lave les pieds à ses apôtres. Prédiction de la trahison de Judas. Glorification de Jésus. Commandement de l'amour. Reniement de saint Pierre prédit.

1. Avant la fête de pâque (a), Jésus sachant que son heure était, venue de passer de ce monde à son Père; comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin.

et la mort du Christ, c'est-à-dire la négation du Messie même est prédite; et le vrai Messie des prophètes, c'est non-Messie.

(a) Jean est très-précis. Ante diem festum... venit hora. Il précise que le dernier jour de Jésus, son dernier repas, fut l'avant-veille de Pâques.

D'après Jean, la mission de Jésus embrasserait trois pâques entières, c'est-à-dire un peu plus de deux ans ; et en comptant la fête mentionnée, chapitre vi, 1, pour une pâque, trois ans et quelques mois. C'est le minimum.

Suivant un autre calcul, en supposant que Jésus soit mort la dernière année de Pilate, cette année tombant la septième depuis la quinzième de Tibère, il aurait exercé son ministère ́ sept ans.- Incertum !

2. Et, après le souper (b), le diable ayant déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon Iscariote, le dessein de le trahir;

3. Jésus, qui savait que son Père lui avait mis toutes choses entre les mains, qu'il était sorti de Dieu, et qu'il s'en retournerait à Dieu,

4. Se leva de table, quitta ses vêtements, et ayant pris un linge, il le mit autour de lui (c),

(b) Cœnâ facta. Suivant Jean, le dernier souper de Jésus ne fut pas une pâque, puisqu'il fut crucifié le lendemain, jour où elle devait être mangée. Il est parlé dans ce souper de la pâque; il y est fait allusion; Jésus institue la pâque nouvelle, il ne participera pas à l'ancienne. Il faut donc accorder la préférence à Jean, dont le récit s'accorde mieux en soi que le récit des trois autres.

Cœnâ facta. Cette circonstance est décisive pour l'intelligence de la trahison de Judas. Strauss, qui a discuté toutes les opinions produites à cet égard, n'y a rien compris. Il tend à supposer que tout le récit est controuvé. Mais pour qui suit attentivement le récit des évangélistes, la vérité éclate; il fallait seulement, pour la saisir, une expérience des partis politiques que n'avait pas Strauss. La trahison ou prodition de Judas fut déterminée par le sacrilege commis par Jésus, l'avant-veille de Pâques, dans l'institution de cette même cene, qui est devenue le grand sacrement chrétien. Quand il vit que Jésus, non-seulement n'était pas le Messie, mais ruinait tout le culte mosaïque, son indignation ne connut plus de bornes, et il courut chercher les Juifs.Un autre incident de ce souper, c'est qu'il vit les apôtres ses collègues se partager les pouvoirs et les places de la nouvelle religion. En présence de ce complot infernal, la conscience juive et pieuse de Judas se souleva, et il livra celui qui avait été son maître, et dans lequel il ne voyait plus qu'un imposteur, un conspirateur. Par la suite, on lui prêta des motifs d'intérêt. C'est le propre des partis d'accuser et de calomnier les défectionnaires.

(c) On lavait les pieds avant le repas. Il y a ici à faire un petit redressement. Pour trouver le sens et le motif de cette

5. Puis, ayant versé de l'eau dans un bassin, il commença à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge qu'il avait autour de lui.

6. Il alla donc à Simon-Pierre, qui lui dit : Quoi! Seigneur, vous me laveriez les pieds?

7. Jésus lui répondit: Vous ne savez pas maintenant ce que je fais, mais vous le saurez ensuite.

8. Pierre lui dit : Vous ne me laverez jamais les pieds. Jésus lui repartit: Si je ne vous lave, vous n'aurez point de part avec moi (d).

9. Alors Simon-Pierre lui dit : Seigneur, non-seulement lc3 pieds, mais aussi les mains et la tête.

10. Jésus lui dit: Celui qui a été déjà lavé n'a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur dans tout le reste; et pour vous aussi, vous êtes purs, mais non pas tous;

11. Car il savait quel était celui qui devait le trahir; et c'est pour cela qu'il dit : Vous n'êtes pas tous purs.

12. Après donc qu'il leur eut lavé les pieds, il reprit ses vêtcments; et, s'étant remis à table, il leur dit: Savez-vous ce que je viens de vous faire?

13. Vous m'appelez votre Maître et votre Seigneur; et vous avez raison, car je le suis.

14. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres;

15. Car je vous ai donné l'exemple, afin que, pensant à ce que je vous ai fait, vous fassiez aussi de même.

16. En vérité, en vérité, je vous le dis: le serviteur n'est pas plus grand que son maître, et l'envoyé n'est pas plus grand que celui qui l'a envoyé (e).

action de Jésus, il faut voir Luc, qui dit que, les apôtres disputant entre eux des places qu'ils occuperaient dans la nouvelle république, Jésus leur déclara que le premier était le serviteur de tous.

(d) Non habebis partem mecum. Voilà la vérité.

(e) Affirmation de l'égalité. Jean n'oublie qu'une chose, que rapporte Luc c'est de dire à quel propos Jésus fit à ses disciples cette parabole en action.

17. Si vous savez ces choses, vous serez heureux, pourvu que vous les pratiquiez (f).

18. Je ne dis pas ceci de vous tous je sais qui sont ceux que j'ai choisis; mais il faut que cette parole de l'écriture soit accomplie Celui qui mange du pain avec moi, lèvera le pied contre Inoi.

19. Je vous dis ceci, dès à présent, avant qu'il arrive; afin que, lorsqu'il arrivera, vous me reconnaissiez pour ce que je suis.

20. En vérité, en vérité, je vous le dis: quiconque reçoit celui que j'aurai envoyé, me reçoit moi-même; et qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé.

21. Jésus, ayant dit ces choses, se troubla dans son esprit, et se déclara ouvertement, en disant: En vérité, en vérité, je vous le dis un d'entre vous me trahira (g).

22. Les disciples se regardaient donc l'un l'autre, ne sachant de qui il parlait.

23. Mais l'un d'eux, que Jésus aimait, étant couché sur le sein de Jésus (h);

(f) VERSETS 5-17. Leçon pratique et typique d'égalité et de fraternité.

(g) Cette perspicacité de Jésus n'a rien de merveilleux. En observateur attentif, il avait reconnu que Judas n'était point persuadé, et que son cœur grondait.

(h) Cf. plus loin, xIx, 26; xx, 2, et xx1, 7-20. L'auteur revient sur cet amour de prédilection de Jésus pour le jeune saint Jean. Quelques critiques ont à ce sujet, et fort mal à propos, élevé des doutes sur l'honnêteté de cet amour de Jésus pour son jeune disciple. Pour moi, ce passage et celui du chapitre xxi me donnent une nouvelle preuve que l'Evangile attribué à Jean est l'œuvre d'un Juif converti qui hellénisait, et qui trouva d'autant plus beau de prêter à Jésus un de ces amours, d'ailleurs très-chastes, comme en eurent presque tous les grands hommes de la Grèce, Socrate pour Alcibiade, Epaminondas pour Micythus, Alexandre pour Ephestion. Dans les idées grecques, ces sortes d'amours, en tant du moins qu'ils n'allaient pas jusqu'à l'union contre nature, étaient la forme sous laquelle ils concevaient l'amour pur, et ceux qui le cultivaient s'en honoraient. Mais il ne me

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