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3. Judas, ayant donc pris avec lui une compagnie de soldats, et des gens envoyés par les princes des prêtres et les pharisiens, vint en ce lieu avec des lanternes, des flambeaux et des armes.

4. Mais Jésus, qui savait tout ce qui devait lui arriver, vint audevant d'eux, et leur dit : Qui cherchez-vous?

5. Ils lui répondirent: Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C'est moi. Or Judas, qui le trahissait, était aussi là présent avec eux. 6. Lors donc que Jésus leur eut dit : C'est moi; ils furent renversés, et tombèrent par terre (b).

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7. Il leur demanda encore une fois : Qui cherchez-vous ? Et ils lui dirent Jésus de Nazareth.

8. Jésus leur répondit: Je vous ai dit que c'est moi. Si c'est donc moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci ;

9. Afin que cette parole qu'il avait dite fût accomplie : Je n'ai perdu aucun de ceux que vous m'avez donnés.

10. Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira, en frappa un des gens du grand-prêtre, et lui coupa l'oreille droite; et cet homme s'appelait Malchus (c).

11. Mais Jésus dit à Pierre Remettez votre épée dans le fourreau; ne faut-il pas que je boive le calice que mon Père m'a donné (d)?

12. Les soldats et leur capitaine, avec les gens envoyés par les Juifs, prirent donc Jésus, et le lièrent,

13. Et ils l'emmenèrent premièrement chez Anne, parce qu'il était beau-père de Caïphe, qui était grand-prêtre, cette année-là.

14. Et Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs: Qu'il était utile qu'un seul homme mourût pour tout le peuple (e).

prenant Jésus pour un anti-Christ, tel que je le conçois, la moralité du maître est sauvée, bien que Judas reste excusable. Jésus était trop haut pour être compris.

(b) J'admets la surprise. La chute est de trop.

(c) Mauvaise plaisanterie.

(d) Voir Matthieu, xxv1, 52: la réflexion est tout autre.

(e) Cf. la note plus haut, x1, 48-50. Caïphe raisonne ici et parle d'après les idées de l'évangéliste. Il a l'air de dire que Jésus se donnant pour Messie, et cela pouvant éveiller la colère de Rome, il faut le sacrifier à la paix publique. Témoignage très-avantageux pour les chrétiens de l'an 71 à 100, en effet, mais qui n'en est pas moins en contradiction fla

15. Cependant Simon-Pierre suivit Jésus, comme aussi un autre disciple, qui, étant connu du grand-prêtre, entra avec Jésus dans la maison du grand-prêtre ;

16. Mais Pierre demeura dehors, à la porte. Alors cet autre disciple, qui était connu du grand-prêtre, sortit, et parla à la portière, qui fit entrer Pierre.

17. Cette servante, qui gardait la porte, dit donc à Pierre : N'êtes-vous pas aussi des disciples de cet homme? Il lui répondit: Je n'en suis point.

18. Les serviteurs et les gens qui avaient pris Jésus étaient auprès du feu, où ils se chauffaient, parce qu'il faisait froid. Et Pierre était aussi avec eux, et se chauffait.

19. Cependant le grand-prêtre interrogea Jésus, touchant ses disciples et touchant sa doctrine.

20. Jésus lui répondit: J'ai parlé publiquement à tout le monde; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s'assemblent; et je n'ai rien dit en secret (f).

21. Pourquoi donc m'interrogez-vous? Interrogez ceux qui m'ont entendu, pour savoir ce que je leur ai dit. Ce sont ceux-là qui savent ce que j'ai enseigné (g).

grante avec le rôle véritable de Jésus, avec ses paroles et avec la nature de l'accusation diamétralement opposée, portée contre lui par les prêtres. (Cf. plus bas, 20, 33-34, 36, et Luc, 11, 52.)

(f) Il n'est question ici que de doctrine; pas un mot de la messianité. On dirait qu'entre Caïphe et Jésus, l'un pontife, l'autre prophète, il n'y a pas de doute à ce sujet. Le Messie n'est pas un rabbin; toute confusion est impossible. Or, la messianité personnelle de Jésus écartée, que reste-t-il? Ce n'est pas d'avoir prêché la morale, guéri des infirmes, chassé des démons, préconisé la pénitence et les bonnes œuvres qu'on peut lui faire un crime. C'est de transformer l'opinion du Messie-roi en une théorie sociétaire: ce qui n'allait à rien de moins qu'à renverser la puissance sacerdotale et refroidir le zèle patriotique des Hébreux. (Cf. plus bas, 36; Marc, XIV et xv; et Luc, 11, 52).

(9) Réflexion juste: il faut commencer par une enquête et citer des témoins.

22. Comme il eut dit cela, un des officiers qui était là présent donna un soufflet à Jésus, en lui disant : Est-ce ainsi que vous répondez au grand-prêtre ?

23. Jésus lui répondit: Si j'ai mal parlé, faites voir le mal que j'ai dit; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ?

24. Or Anne l'avait envoyé lié à Caïphe, le grand-prêtre.

25. Cependant Simon-Pierre était debout, près du feu, et se chauffait. Quelques-uns donc lui dirent: N'êtes-vous pas aussi de ses disciples? Il le nia, en disant: Je n'en suis point.

26. Alors un des gens du grand-prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l'oreille, lui dit : Ne vous ai-je pas vu dans le jardin avec cet homme?

27. Pierre le nia encore une fois; et le coq chanta aussitôt.

28. Ils menèrent donc Jésus de chez Caïphe au palais du gouverneur. C'était le matin; et, pour eux, ils n'entrèrent point dans le palais, afin de ne pas se souiller, et de pouvoir manger la pâque.

29. Pilate vint donc les trouver dehors, et leur dit : Quel est le crime dont vous accusez cet homme?

30. Ils lui répondirent: Si ce n'était point un méchant, nous ne vous l'aurions pas livré entre les mains.

31. Pilate leur dit: Prenez-le vous-même, et le jugez selon votre loi. Mais les Juifs lui répondirent: Il ne nous est pas permis de faire mourir personne;

32. Afin que ce que Jésus avait dit, lorsqu'il avait marqué de quelle mort il devait mourir, fût accompli.

33. Pilate, étant donc rentré dans le prétoire, et ayant fait venir Jésus, lui dit : Êtes-vous le roi des Juifs (h)?

34. Jésus lui répondit : Dites-vous cela de vous-même, ou si d'autres vous l'ont dit de moi (i) ?

(h) Pilate raisonne autrement que Caïphe et va droit au fait. La doctrine de Jésus inquiète peu les Romains; ce qui les touche, c'est le Messie (voir Tacite). Or Jésus est-il ou prétend-il, oui ou non, être ce Messie? Voilà ce que demande Pilate. Si oui, il sévira; si non, il n'a que faire d'intervenir dans cette dispute; cela regarde les Juifs. Jugez-le suivant votre loi, leur dit-il.

(i) Jésus comprend parfaitement l'intention de Pilate; il lui dit : Ce n'est pas de vous-même que vous m'adressez cette question?... Et sur l'aveu de Pilate, il dit, en jouant sur les

35. Pilate lui répliqua: Ne savez-vous pas bien que je ne suis pas Juif? Ceux de votre nation et les princes des prêtres vous ont livré entre mes mains; qu'avez-vous fait ?

36. Jésus lui répondit: Mon royaume n'est pas de ce monde (j). Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu

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mots, qu'il n'est un roi que de la vérité!... Ce que le gouverneur latin juge, comme de raison, parfaitement inoffensif. Voilà ce que raconte le quatrième Évangile, ce qui ne se trouve pas dans les trois autres, et ne l'empêche pas de conclure comme eux à la messianité, et à une messianité plus grande encore de Jésus, c'est-à-dire à sa divinité même. (Cf. plus loin, XIX, 3; et plus haut, 1, 1-14.)

(j) Mon royaume n'est pas de ce monde. A l'aide de l'hypothèse exposée (Luc, 11, 52, et alibi, passim) sur la théorie de Jésus touchant le Messie, ce passage devient parfaitement clair. Es-tu le Messie juif, demande Pilate, c'est-à-dire es-tu roi? En d'autres termes, ton action est-elle politique? Non, dit Jésus, je ne crois pas au Messie des pharisiens, je prêche la réforme religieuse et sociale. (Cf. Marc, XIV et xv.) Donc, devant Pilate, Jésus est innocent, mais d'autant plus coupable devant les prêtres dont il attaque le patrimoine et les superstitions les plus chères.

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Que veut dire cela : Mon royaume n'est pas de ce monde? Faut-il croire que Jésus-Christ n'a eu en vue que l'ordre spirituel? Impossible. J'aime mieux croire qu'il a voulu dire: Mon royaume, c'est-à-dire mon gouvernement, ma société n'est pas de cet ordre (ez toutov xooμov), de l'espèce des gouvernements actuels. (Cf. ci-dessus, xv, 17). Au reste, ceci est un exemple entre mille du danger des propositions générales ou mal définies on y trouve tout ce que l'on veut. il y a un millier de passages qu'on peut interpréter à volonté de plusieurs façons, à cause de la compréhension multiple des termes. Les partisans de la théocratie, comme les chrétiens qui veulent la séparation du temporel et du spirituel, peuvent trouver ici de quoi se satisfaire.

pour m'empêcher de tomber entre les mains des Juifs; mais mon royaume n'est point d'ici.

37. Pilate lui dit alors: Vous êtes donc Roi? Jésus lui repartit: Vous le dites, que je suis Roi. C'est pour cela que je suis né, et que je suis venu dans le monde, afin de rendre témoignage à la vérité; quiconque appartient à la vérité, écoute ma voix.

38. Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité? Et, ayant dit ces mots, il sortit encore pour aller vers les Juifs, et il leur dit : Je ne trouve aucun crime en cet homme (k).

39 Mais, comme c'est la coutume que je vous délivre un criminel à la fête de pâque, voulez-vous que je vous délivre le Roi des Juifs?

40. Alors ils se mirent de nouveau à crier tous ensemble : Nous ne voulons point celui-ci, mais Barabbas. Or Barabbas était un voleur (1).

CHAPITRE XIX.

Flagellation. Couronne d'épines. Voici l'homme. Tout pouvoir vient d'en haut. Portement de la croix. Crucifiement. Partage des vêtements. Mort de Jésus-Christ. Sa sépulture.

1. Pilate prit donc alors Jésus, et le fit fouetter.

2. Et les soldats, ayant fait une couronne d'épines entrelacées, la lui mirent sur la tête, et ils le revêtirent d'un manteau d'écarlate.

3. Puis ils venaient lui dire Salut au roi des Juifs (a); et ils lui donnaient des soufflets.

4. Pilate sortit donc encore une fois, et dit aux Juifs: Le voici que je vous amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime.

5. Jésus sortit donc, portant une couronne d'épines et un manteau d'écarlate, et Pilate leur dit : Voici l'homme.

6. Les princes des prêtres et leurs gens, l'ayant vu, se mirent à

(k) Justification de Jésus par Pilate, comme Jérémie. (xxvi, 16.)

(1) Jésus et Barabbas, cf. Lévit., XVI, les deux boucs. (a) Comment les soldats pouvaient-ils le traiter en Messie après la justification de Pilate?

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