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crier, en disant : Crucifiez-le, crucifiez-le. Pilate leur dit : Prenezle vous-mêmes, et le crucifiez; car, pour moi, je ne trouve en lui aucun crime.

7. Les Juifs lui répondirent: Nous avons une loi, et, selon cette loi, il doit mourir; parce qu'il s'est fait Fils de Dieu (b).

8. Pilate, ayant donc entendu ces paroles, craignit encore davantage.

9. Et, étant rentré dans le prétoire, il dit à Jésus : D'où êtesvous? Mais Jésus ne lui fit aucune réponse (c).

10. Alors Pilate lui dit : Vous ne me parlez point? Ne savezvons pas que j'ai le pouvoir de vous faire attacher à une croix, et que j'ai le pouvoir de vous délivrer?

11. Jésus lui répondit: Vous n'auriez aucun pouvoir sur moi, s'il ne vous avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui m'a livré à vous est coupable d'un plus grand péché,

12. Depuis cela, Pilate cherchait un moyen de le délivrer. Mais les Juifs criaient Si vous délivrez cet homme, vous n'êtes point ami de César; car quiconque se fait roi se déclare contre César (d). 13. Pilate, ayant ouï ce discours, mena Jésus hors du prétoire, et s'assit à son tribunal, au lieu appelé en grec Lithostrotos, et en hébreu Gabbatha.

14. C'était le jour de la préparation de la pâque, et il était alors environ la sixième heure (e); et il dit aux Juifs: Voilà votre Roi.

(b) Filium Dei. Ce n'est pas tout à fait là même chose que Messie; tous les prophètes étaient enfants de Dieu. Il règne partout ici une équivoque causée par le souvenir des circonstances de la mort de Jésus et l'opinion accréditée depuis, et à la fin reçue partout, excepté par les Juifs, qu'il était le Messie, mais le Messie au sens théologique.

(c) Silence de Jésus; en conséquence d'Isaïe, LIII, 7.

(d) Cette circonstance est-elle exacte? La calomnie motive la condamnation; mais si c'est une calomnie, Jésus n'est pas Messie.

(e) Suivant cette indication et les suivantes (31, et xx, 1), Jésus fut crucifié le soir même du jour où se mangeait l'agneau pascal, 14 nisân, c'est-à-dire la veille du jour de la Pâque, dont la solennité commençait le soir, et qui cette: année était un sabbat, et un grand sabbat. En cela Jean

15. Mais ils se mirent à crier : Otez-le, ôtez-le du monde; crucifiez-le. Pilate leur dit Crucifierai-je votre Roi? Les princes des prêtres lui répondirent: Nous n'avons point d'autre roi que César (f).

16. Alors donc il le leur abandonna, pour être crucifié. Ainsi ils prirent Jésus, et l'emmenèrent.

17. Et, portant sa croix, il vint au lieu appelé le Calvaire, qui se nomme en hébreu Golgotha,

18. Où ils le crucifièrent, et deux autres avec lui; l'un d'un côté, l'autre de l'autre, et Jésus au milieu.

19. Pilate fit aussi une inscription, qu'il fit mettre au haut de la croix, où étaient écrits ces mots : Jésus de Nazareth, Roi des JUIFS.

20. Cette inscription fut lue de plusieurs d'entre les Juifs, parce que le lieu où Jésus avait été crucifié était proche de la ville, et que l'inscription était en hébreu, en grec et en latin.

21. Les princes des prêtres dirent donc à Pilate : Ne mettez pas dans l'inscription, Roi des Juifs; mais qu'il s'est dit Roi des Juifs.

22. Pilate leur répondit : Ce qui est écrit est écrit (g et h).

23. Les soldats, ayant crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et les divisèrent en quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique, et, comme elle était sans couture, et d'un seul tissu depuis le haut jusqu'en bas,

diffère des trois Synoptiques. La raison de cette divergence, selon Schwegler, vient de ce que l'auteur du quatrième Évangile écrivait vers le milieu du deuxième siècle, au temps des discussions sur la Pâque. (Cf. Matthieu, xxvI, 20.) Pour moi, je crois que le quatrième a voulu simplement redresser le calcul erroné des autres.

(f) VERSETS 14-15. Ces ironies ne peuvent être de Pilate outre qu'elles sont tout à fait déplacées, elles sont un démenti à la gravité magistrale et juridique des Romains. Pas d'autre Messie que César! c'était l'opinion de Josèphe. (g) Pilate avait ses raisons.

(h) VERSETS 19-22. — Plaisanterie encore plus déplacée que les précédentes, et qui fait peu d'honneur à la vénération des chrétiens pour leur CHRIST. Mais l'écrivain у insiste afin de faire ressortir la messianité de Jésus.

24. Ils dirent entre eux: Ne la coupons, point, mais jetons au sort à qui l'aura; afin que cette parole de l'Écriture fût accomplie : Ils ont partagé entre eux mes vêtements, et ils ont jeté ma robe au sort. Voilà ce que firent les soldats (i).

25. Cependant la mère de Jésus, et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madelaine, se tenaient auprès de sa

croix.

26. Jésus, ayant donc vu sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà votre fils.

27. Puis il dit au disciple: Voilà votre mère. Et, depuis cette heure-là, ce disciple la prit chez lui.

28 Après cela Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies; afin qu'une parole de l'Écriture s'accomplit encore, il dit : J'ai soif (j).

29. Et comme il y avait là un vase plein de vinaigre, les soldats en emplirent une éponge, et, l'environnant d'hysope, la lui présentèrent à la bouche.

30. Jésus, ayant donc pris le vinaigre, dit : Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l'esprit (k).

31. Or, de peur que les corps ne demeurassent à la croix le jour du sabbat, parce que c'en était la veille et la préparation, et que ce jour du sabbat était une grande fête, les Juifs prièrent Pilate qu'on leur rompît les jambes, et qu'on les ôtât de là.

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(i) VERSETS 23-24. Le détail où Jean entre sur les vêtements qui furent divisés, et ceux qui ne le furent pas, tient à la manière dont il entendait le psaume xxi, 19. Il ne comprenait pas que les deux moitiés du verset exprimaient la même idée, et il inventa, ce lui sembla-t-il pour plus d'exactitude, la circonstance de la tunique. Mais c'est ce qui prouve précisément que cette circonstance n'a aucune valeur historique. (Cf. Matthieu, xxI, 5, une remarque analogue.)

(j) La soif est ordinaire chez tous les suppliciés. Mais il s'agit d'une prétendue prophétie.

(k) VERSETS 29-30. Accommodation qui, du reste, peut avoir eu une réalité pour base. La boisson ordinaire des soldats était de l'eau vinaigrée. Cette circonstance manque dans Luc; Marc ne parle que d'un vin myrrhé, sans allusion à la prophétie d'Isaïe; Matthieu de même.

32. Il vint donc des soldats qui rompirent les jambes au premier, et de même à l'autre qu'on avait crucifié avec lui (!).

33. Puis, étant venu à Jésus, et, voyant qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes (m).

34. Mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et il en sortit aussitôt du sang et de l'eau.

35. Celui qui l'a vu en rend témoignage, et son témoignage est véritable; et il sait qu'il dit vrai, afin que vous le croyiez aussi (n). 36. Car ces choses ont été faites, afin que cette parole de l'Écriture fût accomplie : Vous ne briserez aucun de ses os (0).

37. Il est dit encore dans un autre endroit de l'Écriture : Ils verront celui qu'ils ont percé (p).

38. Après cela, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret, parce qu'il craignait les Juifs, supplia Pilate qu'il lui permit d'enlever le corps de Jésus; et Pilate le lui ayant permis, il vint, et enleva le corps de Jésus.

39. Nicodème, qui était venu trouver Jésus la première fois durant la nuit, y vint aussi avec environ cent livres d'une composition de myrrhe et d'aloès;

40. Et, ayant pris le corps de Jésus, ils l'enveloppèrent dans des linceuls avec des aromates, selon que les Juifs ont accoutumé d'ensevelir.

41. Or, il y avait au lieu où il avait été crucifié un jardin, et

() VERSETS 31-32.

Le supplice de la croix était à peu près le même que celui de la roue.

(m) Allusion à ce qui se passait dans la manducation de l'agneau pascal (plus bas, 36).

(n) Saint Jean l'a vu, il le dit et le répète. Jésus-Christ était donc bien mort. En pareil cas, deux ou trois affirmations comme celles de Jean ne produisent que le doute.

(0) L'accomplissement d'une prophétie ne fut pas, il faut le croire, le seul motif qui empêcha de rompre les jambes à Jésus; l'espoir de le sauver fit gagner probablement les gardes, qui, pour ne se point compromettre, feignirent sans doute d'y substituer le coup de lance. On avait peur d'achever le patient.

(p) Autre motif de doute.

dans ce jardin un sépulcre tout neuf, où personne n'avait encore · été mis (q).

42. Comme donc c'était le jour de la préparation du sabbat des Juifs, et que ce sépulcre était proche, ils Ꭹ mirent Jésus.

(q) Jésus-Christ fut enterré dans le jardin de Joseph d'Arimathée, dans sa propriété bien close, près de sa demeure. S'il n'était pas mort quand on le descendit de la croix, il fut facile de le faire disparaître; la comédie de l'enterrement ne fut que le prélude de celle de la résurrection.

Remarquons que saint Jean ne parle pas de gardes mis au sépulcre; cette circonstance a été forgée après coup pour donner un relief merveilleux à la réapparition de Jésus. Que penser d'une exécution judiciaire où l'on ne voit aucune formalité remplie, aucune constatation du supplice, de la mort, de la sépulture? Tout fut fait à la hâte, avec précipitation et comme par escamotage.

La mort de Jésus fut une vengeance du sacerdoce, peutêtre aussi un acte de prudence cruelle, qui avait pour but de retenir les exaltés parmi les Juifs et d'empêcher un soulèvement funeste. En un moment pareil, pensait Caïphe, il valait mieux sacrifier un homme que tout le peuple. Tout le monde, au fond, regrettait donc cette mort et Pilate, qui s'en lavait les mains, et les pontifes, qui l'avaient décidée par un excès de prudence patriotique. Comment s'étonner après cela du désordre qui règne dans l'exécution et de la négligence qui la suit, de la connivence générale au salut du patient?

Jésus a pu n'être pas mort; il a pu diriger encore après sa passion, mais clandestinement, son Église, et travailler ainsi lui-même à sa résurrection, à son ascension, à sa messianité, à sa propre apothéose... C'est encore une des chances offertes à la critique pour rendre raison des faits de l'Église primitive, et qui n'est pas plus improbable qu'une autre.

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