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troisième fois: M'aimez-vous? Et il lui dit: Seigneur, vous savez toutes choses, vous connaissez que je vous aime. Jésus lui dit : Paissez mes brebis.

18. En vérité, en vérité, je vous le dis, lorsque vous étiez plus jeune, vous vous ceigniez vous-même, et vous alliez où vous vouliez; mais lorsque vous serez vieux, vous étendrez vos mains, et un autre vous ceindra et vous mènera où vous ne voudrez pas.

19. Or, il dit cela pour marquer par quelle mort il devait glorifier Dieu (c). Et après avoir ainsi parlé, il lui dit : Suivez-moi (d). 20. Pierre, s'étant retourné, vit venir après lui le disciple que Jésus aimait, qui, pendant la cène, s'était reposé sur son sein et lui avait dit: Seigneur, qui est celui qui vous trahira?

21. Pierre, l'ayant donc vu, dit à Jésus: Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il?

22. Jésus lui dit: Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que vous importe? Pour vous, suivez-moi (d).

23. Il courut sur cela un bruit, parmi les frères, que ce disciple ne mourrait point. Jésus néanmoins n'avait point dit: Il ne mourra point; mais si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne (e), que vous importe?

24. C'est ce même disciple qui rend témoignage de ces choses

(c) Ce verset indique que la rédaction est au moins postérieure à l'an 66, année présumée de la mort de Pierre. (d) Tu me sequere, c'est-à-dire tu seras mis à mort comme moi; Jean mourra de vieillesse.

(e) Donec veniam. Dans l'esprit de l'époque, cela ne voulait pas dire longtemps. Il faut, pour comprendre ce passage, le rapprocher de Matthieu, XVI, 28; Marc, VIII, 39, et Luc, Ix, 27, et les notes.

Le grand âge de saint Jean avait fait croire aux uns qu'il vivrait jusqu'à la venue du Messie, aux autres qu'il ne mourrait point. Saint Jean, qui ne croyait pas à sa propre immortalité, explique naïvement ce qu'il en pense en disant qu'il pourrait bien vivre, avec la grâce de Dieu, jusqu'au jugement dernier. Or ce jugement, suivant lui, ne devait pas tarder beaucoup après la persécution de Néron et la ruine de Jérusalem. (Cf. l'Apocalypse.)

et qui a écrit véritable (f).

ci; et nous savons que son témoignage est

25. Jésus a fait encore beaucoup d'autres choses; et, si on les rapportait en détail, je ne crois pas que le monde même pût contenir les livres qu'on en écrirait (g).

(f) Ce verset signifie bien que le rédacteur du quatrième Évangile est saint Jean; mais il ne le prouve pas, et la critique ne se livre pas pour une si maigre raison. L'annotateur orthodoxe de la Bible sur laquelle j'ai écrit ces commentaires, a essayé de prévenir les objections par la note suivante sur le verset 31, chapitre xx, ci-dessus : « Grotius a cru que Jean avait terminé son Évangile à ce verset, et que le chapitre suivant avait été ajouté par l'Église d'Éphèse, d'après les documents de l'apôtre lui-même, pour faire tomber la croyance que Jean ne devait jamais mourir. Mais il n'y a rien dans ces versets qui doive nous surprendre, puisque déjà, au chapitre XIX, verset 35, l'Évangéliste a employé la même forme

de conclusion. >>

(9) Suivant les Ophites, Jésus aurait passé sur la terre, non quarante jours après sa résurrection, mais dix-huit mois. Il n'aurait pas été reconnu de ses disciples; et lui-même, séparé, depuis le jour de sa passion, du Christos céleste, aurait été alors initié à la gnose. Après avoir longtemps réflé chi, je crois avec les Ophites que Jésus n'est pas mort de son supplice, et en cela je me sépare de Strauss.

Plus je relis cet Évangile attribué à Jean, plus je reste convaincu qu'il a été écrit assez longtemps après les autres. Déjà les premiers, racontant la vie du maître au point de vue de tous les événements qui s'étaient passés depuis sa mort, lui avaient attribué beaucoup de choses qui ne sont pas de lui. Jean se montra encore moins réservé. Le temps avait marché; à l'agitation extraordinaire de la Judée, sous Néron et Titus, avait succédé un, calme général la communauté chrétienne se répandait partout et jouissait d'une sécurité relative. Le Jésus de Jean devient de plus en plus théo

logien, philosophe et parleur. A quelques détails insignifiants, souvenirs tout personnels, Jean ajoute une foule de choses qui n'ont de réalité que dans son imagination. Son Évangile explique Jésus, tel que lui, en dernier lieu, l'a conçu; il ne le raconte pas. En revanche, et pour la même raison, il supprime d'autres choses importantes, mais qui n'ont plus le même intérêt. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, au temps de la catastrophe de Jérusalem, il importait encore aux évangélistes de montrer que Jésus était de la race de David, le vrai Messie davidique : Jean n'en est plus là : son Messie est le Verbe.

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Conclusion générale sur la résurrection. Autre est le sens donné à la résurrection par Matthieu et Jean, et autre le sens adopté par Marc, Luc et Paul. D'après les uns, Jésus est ressuscité dans le sens strict du mot, comme Lazare était censé l'avoir été; d'après les autres, il n'a eu sur les autres hommes, qui tous doivent ressusciter, que le bénéfice de l'abréviation du temps; et son corps est devenu autre, corps céleste et spirituel, une ombre. D'où résulte, à l'égard des uns et des autres, ce double soupçon : que si Matthieu et Jean parlent avec conviction, s'ils ont vu leur maître, c'est que Jésus n'était pas mort sur la croix, mais qu'il jugeait à propos de ne se plus montrer, ou qu'il mourut peu après; et que si l'on doit s'en rapporter au récit de Luc et de Paul, alors Jésus n'est pas ressuscité, mais son corps a été enlevé. (Cf. Epitre de Pierre.)

Dès son vivant, Jésus n'était pas maître du mouvement messianique. Les uns suivaient obstinément la croyance des zélateurs à un Messie triomphant et victorieux; les autres commençaient à rêver toutes sortes de gnoses, forgeant les mystères les plus étranges sur Caïn, sur le serpent, sur Jéhovah, sur Adam, sur le Christ, sur le Logos, etc., etc., etc. On eût fait le christianisme sans Jésus.

Restaurer cette figure, c'est grandir l'homme; et rétablir la vérité, en ôtant à Jésus son apothéose, c'est servir la raison et l'humanité.

NOTES

SUR

LA CHRONOLOGIE SACRÉE

RELATIVE AUX ÉVANGILES

An 2 avant l'ère vulgaire. Naissance de Jésus, suivant Luc (ш, 1 et 23) et la chronologie des trois premiers évangélistes, suivie par Lactance (cf. Luc, III. 1, note a; Matthieu, XXI, 1; note a; et Jean, II, v et alias, notes). L'édit de César, sur le dénombrement de la population de l'empire, est une hypothèse de Luc, adoptée par tous ceux qui sont venus après, et qui sont devenus ensuite eux-mêmes des autorités. (Cf. Strauss sur toute cette question de chronologie; cf. Luc, II, note.)

An 29 de l'ère vulgaire. Ussérius reconnaît que plusieurs Pères ont regardé cette année comme celle de la mort de Jésus. Une considération à joindre à celle que j'ai développée ailleurs, est que les trois ans et demi de prédication que d'autres lui prêtent, ou quarante-deux mois, sont un nombre cabalistique qui se retrouve dans l'Apocalypse, chapitre XII, verset 6, et ailleurs. Les Romains ne laissaient pas aller loin les réformateurs; et pour peu que les chefs juifs s'en mêlassent, c'était bientôt fait. Je crois que la mise à mort de

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