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26. Et le bruit s'en répandit dans tout le pays.

27. Comme Jésus sortait de ce lieu, deux aveugles le suivirent, en criant et disant : Fils de David (i), ayez pitié de nous.

28. Et lorsqu'il fut venu dans la maison, ces aveugles s'approchèrent de lui. Et Jésus leur dit : Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez? Ils lui répondirent: Oui, Seigneur.

29. Alors il toucha leurs yeux, en disant : Qu'il vous soit fait selon votre foi.

30. Aussitôt leurs yeux furent ouverts. Et Jésus leur défendit fortement d'en parler (j), en leur disant : Prenez bien garde que qui que ce soit ne le sache.

(i) Fili David: Jésus était Galiléen; sa filiation davidique est une invention de la légende, en réponse à une nécessité de l'époque. Ce qui est à remarquer, c'est que dans le récit même qui est fait pour constituer la messianité de Jésus, on aperçoit tout le travail de cette fabrication.

() Défense de publier le miracle, probablement parce que Jésus craignait la jalousie des pharisiens, qui se mêlaient aussi d'en faire. (Cf. plus bas, x1, 21.)

La répugnance de Jésus à se poser comme thaumaturge et comme Christ, bien qu'il crût lui-même aux miracles et qu'il attendit le Messie, éclate à chaque instant. D'abord, il semble douter qu'il soit le Christ, puis il se laisse gagner; sa réputation l'éblouit lui-même; les miracles qu'on lui fait faire malgré lui l'étonnent; il finit par s'appliquer ce raisonnement, qu'il fait lui-même aux disciples de Jean : Il faut bien que je sois le Christ, puisque les aveugles voient, etc.

Ce qui fait douter Jésus, c'est d'abord qu'il est Galiléen, non descendant de David: inconvénient que la légende a voulu réparer en lui fabricant deux généalogies; - c'est ensuite qu'il n'a pas de puissance temporelle: autre inconvénient capital, auquel la légende, d'après Jésus, a obvié par cette distinction métaphysique: Mon royaume n'est pas de ce monde. Au fond, Jésus, prenant le titre de Christ, fut un usurpateur. La ténacité juive trouvant alors un écoulement, le christianisme fut fondé.

31. Mais eux, s'en étant allés, répandirent sa réputation dans

tout ce pays-là.

32. Après qu'ils fu. ent sortis, on lui présenta un homme muet, possédé du démon.

33. Le démon ayant été chassé, le muet parla (k), et le peuple en fut dans l'admiration et ils disaient : On n'a jamais rien vu de semblable dans Israël.

34. Mais les pharisien s disaient au contraire: Il chasse les démons par le prince des démons (1).

35. Or, Jésus, allant de tous côtés dans les villes et dans les villages, enseignait dans leurs synagogues, et prêchait l'évangile du royaume, guérissant (m) toutes sortes de langueurs, et toutes les maladies parmi le peuple.

36. Et voyant tous ces peuples, il en eut compassion, parce qu'ils étaient accablés de maux, et couchés çà et là, comme des brebis qui n'ont point de pasteur.

37. Alors il dit à ses disciples: La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers.

38. Priez donc le maître de la moisson, qu'il envoie des ouvriers à sa moisson.

CHAPITRE X.

Les douze apôtres appelés; instruction que Jésus-Christ leur donne; puissance; persécution qu'il leur annonce; récompense qu'il leur promet.

1. Alors Jésus, ayant appelé ses douze disciples, leur donna puissance sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guérir toutes sortes de langueurs et de maladies.

2. Or voici les noms des douze apôtres (a): Le premier, Simon, qui est appelé Pierre, et André, son frère;

(k) Cf. Marc, I.

(1) Cf. Luc, 11, 52; Jean, 1; Matth., v, 17.

(m) Curans, soignant, et non pas guérissant.

(a) Apostolorum, par euphémisme et modestie, pour angelorum. Comme Jéhovah, le dieu des Juifs, a ses ministres ou envoyés, Jésus-Christ, Fils de Dieu, devait avoir les siens. Ils furent douze, par imitation des douze tribus. Mais

3. Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère; Philippe et Barthélemi; Thomas et Matthieu, le publicain; Jacques, fils d'Alphée, et Thaddée ;

4. Simon, le Chananéen, et Judas Iscariote, qui est celui qui le trahit.

5. Jésus envoya ces douze, après leur avoir donné les instructions suivantes N'allez point vers les Gentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains;

6. Mais allez plutôt aux brebis perdues (b et c) de la maison d'Israël.

7. Et, dans les lieux où vous irez, prêchez, en disant que le royaume des cieux est proche.

8. Rendez la santé aux malades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez les démons; donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement (d).

9. Ne vous mettez point en peine d'avoir de l'or ou de l'argent, ou d'autre monnaie dans votre bourse,

on voit par l'histoire des Actes et de saint Paul que ce nombre ne fut pas sacramentel, et qu'il y en eut d'autres que les douze de l'Evangile, lesquels, au surplus, ne sont pour la plupart connus que de nom.

(b) Ite potius ad oves... Israel. Ici encore se reconnaît l'esprit juif, qui proteste contre la vocation des Gentils. Or, quoi qu'on ait rapporté par la suite des vues de Jésus à cet égard, il est certain qu'il se montre ici plus qu'hésitant : il est exclusivement juif. Il est loin de comprendre l'essence et la mission universelle du christianisme. Ou bien, il faut croire que le narrateur lui prête des sentiments plus charitables que ne le supposent les passages annotés plus haut... Peut-être encore avons-nous ici l'indice d'un parti parmi les apôtres. Peut-être enfin la recommandation de Jésus fut-elle toute de circonstance: à titre d'essai.

(c) Quæ perierunt. Ne serait-ce point que Jésus cherche à former un parti au sein du judaïsme?

(d) Ce verset doit être pris au sens spirituel, d'après ce que dit Jésus lui-même : il est venu guérir les malades, non les sains.

10. Ne préparez ni un sac pour le chemin, ni deux habits, ni souliers, ni bâtons; car celui qui travaille mérite qu'on le nour

risse.

11. En quelque ville ou en quelque village que vous entriez, informez-vous qui y est digne de vous loger, et demeurez chez lui jusqu'à ce que vous vous en alliez.

12. Entrant dans la maison, saluez-la, en disant : Que la paix soit dans cette maison.

13. Si cette maison en est digne, votre paix (e) viendra sur elle; et si elle n'en est pas digne, votre paix reviendra à vous.

14. Lorsque quelqu'un ne voudra pas vous recevoir, ni écouler vos paroles, secouez, en sortant de cette maison ou de cette ville, la poussière de vos pieds (f et g).

15. Je vous dis, en vérité, qu'au jour du jugement Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigoureusement que cette ville (h). 16. Je vous envoie comme des brebis au milieu des ps (i). Soyez donc prudents comme des serpents, et simples com des colombes.

17. Mais donnez-vous de garde des hommes; car ils vous feront comparaître dans leurs assemblées, et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues;

18. Et vous serez présentés, à cause de moi, aux gouverneurs et aux rois, pour leur servir de témoignage aussi bien qu'a.. nations.

19. Lors donc qu'on vous livrera entre leurs mains, ne vous mettez point en peine comment vous leur parlerez, ni de ce que vous leur direz, car ce que vous devez leur dire vous sera donné à l'heure même (j);

(e) Pax, heb., selâm. En Orient, on ne donne le sclâm qu'à des gens de la même communion. - Jésus dit à ses disciples: Ne craignez rien; saluez toujours; si votre hôte est indigne, votre selâm vous reviendra.

(f) Cela sort de la modération de Jésus, et sent le zálo tisme des disciples de Paul.

(g) VERSETS 9-14. Sublime pour des missionnaires de pauvreté. Cette scène doit être vraie.

(h) Allusion à la ruine de Jérusalem par Titus. (Cf. plus bas, chap. xi, 21.)

(i) Ici reparaît la haine du Galiléen pour le Juif.

j) Leçon de dialectique et d'éloquence. L'inspiration sou

20. Puisque ce n'est pas vous qui parlez, mais que c'est l'Esprit de votre Père qui parle en vous.

21. Or, le frère livrera le frère à la mort, et le père le fils; les enfants se soulèveront contre leurs pères et leurs mères, et les feront mourir ;

22. Et vous serez haïs de tous les hommes, à cause de mon nom; mais celui-là sera sauvé, qui persévérera jusqu'à la fin.

23. Lors donc qu'ils vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous dis, en vérité, que vous n'aurez pas achevé d'instruire toutes les villes d'Israël, avant que le Fils de l'homme vienne (k).

24. Le disciple n'est point au-dessus du maître, ni l'esclave au-dessus de son seigneur.

25. C'est assez au disciple d'être comme son maître, et à l'esclave d'être comme son seigneur. S'ils ont appelé le père de famille Beelzebub, combien plutôt traiteront-ils de même ses domestiques.

26. Ne les craignez donc point; car il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni rien de secret qui ne doive être

connu.

27, Dites dans la lumière ce que je vous dis dans l'obscurité, et prêchez sur le haut des maisons ce qu'on vous dit à l'oreille ().

daine d'une âme fortement émue et d'une conscience innocente est bien autrement persuasive que l'art étudié des avocats et des sophistes; voilà ce que veut dire Jésus-Christ : il ne s'agit point là d'une assistance surnaturelle de l'Esprit Saint. Au reste, on aurait tort d'en conclure que Jésus-Christ blâme la rhétorique et les lettres; il voulait seulement bannir les artifices humains de la prédication de son Évangile. En effet, les révolutions populaires et sociales ne se font guère avec de beaux discours.

(k) Donec veniat. Ce verset constate une opinion des Juifs touchant l'arrivée prochaine du Messie, arrivée qui, avec le temps, devint synonyme de fin du monde. (Cf. plus haut, III, la mission de Jean.)

(7) Ce verset, s'il était authentique, serait peu honorable pour la bonne foi et le courage de Jésus; que signifie-t-il donc? Que les apôtres, annonçant à leur tour des nouveautés, prétendent que le maître les leur a dites en secret!.....

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