Revue des deux mondes, Volume 22

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Au Bureau de la Revue des deux mondes, 1840
 

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Page 589 - Pour moi, ô Mélampe ! je décline dans la vieillesse., calme comme le coucher des constellations. Je garde encore assez de hardiesse pour gagner le haut des rochers où je m'attarde, soit à considérer les nuages sauvages et inquiets, soit à voir venir de l'horizon les hyades pluvieuses, les pléiades ou le grand Orion; mais je reconnais que je me réduis et me perds rapidement comme une neige flottant sur les eaux, et que prochainement j'irai me mêler aux fleuves qui coulent dans le vaste sein...
Page 584 - ... vallées ou ruisselante des flots qu'elle fréquentait. Or, ces retours qu'elle faisait , sans m'instruire jamais des vallons ni des fleuves , mais suivie de leurs émanations , inquiétaient mes esprits, et je rôdais tout agité dans mes ombres. Quels sont-ils, me disais-je, ces dehors où ma mère s'emporte , et qu'y règne-t-il de si puissant qui l'appelle à soi si fréquemment? Mais qu'y ressent-on de si opposé qu'elle en revienne chaque jour diversement émue? Ma mère rentrait , tantôt...
Page 737 - Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs. | Il est l'homme des utopies, Les pieds ici, les yeux ailleurs. C'est lui qui sur toutes les têtes, En tout temps, pareil aux prophètes, Dans sa main, où tout peut tenir, Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue, Comme une torche qu'il secoue, Faire flamboyer l'avenir...
Page 588 - ... dépouille des lions sur les bûchers, et se consument au sommet des montagnes! les poisons de la terre infectent le sang reçu des immortels ! Et nous, centaures engendrés par un mortel audacieux dans le sein d'une vapeur semblable à une déesse, qu'attendrions-nous du secours de Jupiter qui a foudroyé le père de notre race? Le vautour des dieux déchire éternellement les entrailles de l'ouvrier qui forma le premier homme.
Page 816 - D'un astre impérieux doit suivre les caprices, Et Delphes, malgré nous, conduit nos actions Au plus bizarre effet de ses prédictions ? L'âme est donc toute esclave : une loi souveraine Vers le bien ou le mal incessamment l'entraîne, Et nous ne recevons ni crainte ni désir De cette liberté qui n'a rien à choisir.
Page 586 - Moi seul, me disais-je, j'ai le mouvement libre , et j'emporte à mon gré ma vie de l'un à l'autre bout de ces vallées. Je suis plus heureux que les torrents qui tombent des montagnes pour n'y plus remonter. Le roulement de mes pas est plus beau que les plaintes des bois et que les bruits de l'onde; c'est le retentissement du centaure errant et qui se guide lui-même.
Page 736 - Sort une bienveillance universelle et douce Qui dore comme une aube et d'avance attendrit Le vers qu'à moitié fait j'emporte en mon esprit Pour l'achever aux champs avec l'odeur des plaines, Et l'ombre du nuage , et le bruit des fontaines.
Page 589 - L'œil règne et se contente au vaste sein de l'onde, Ou suit à l'horizon la fuite des rameurs. J'aime Thétis, ses bords ont des sables humides; La pente qui m'attire y conduit mes pieds nus; Son haleine a gonflé mes songes trop timides, Et je vogue, en dormant, à des points inconnus. L'amour, qui...
Page 587 - Au temps où je veillais dans les cavernes, j'ai cru quelquefois que j'allais surprendre les rêves de Cybèle endormie, et que la mère des dieux, trahie par les songes, perdrait quelques secrets; mais je n'ai jamais reconnu que des sons qui se dissolvaient dans le souffle de la nuit, ou des mots inarticulés comme le bouillonnement des fleuves.
Page 587 - Couché sur le seuil de ma retraite, les flancs cachés dans l'antre et la tête sous le ciel, je suivais le spectacle des ombres. Alors la vie étrangère qui m'avait pénétré durant le jour se détachait de moi goutte à goutte, retournant au sein paisible de Cybèle, comme après l'ondée les débris de la pluie attachée aux feuillages font leur chute et rejoignent les eaux.

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