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C'est une conséquence de son unité, et un dogme du christianisme. Aussi tous les peuples ont-ils cru que l'antiquité étoit un caractère essentiel de la vraie religion, et par lequel on la discernoit des superstitions qui la défigurent. Ils ont dit, comme Vincent de Lérins et comme l'Église catholique: Nous reconnoîtrons la vérité avec certitude, et nous nous préserverons de l'erreur, si nous suivons l'universalité, l'antiquité, le consentement (1). Que cette règle fût en effet admise par les païens, on l'a déjà vu pour ce qui concerne l'universalité et le consentement commun; et nous montrerons bientôt qu'ils regardoient également l'antiquité ou l'autorité de la tradition comme le fondement de la vraie foi et du véritable culte.Mais auparavant il est nécessaire de remonter à l'origine de ce culte et de cette foi ou à l'origine de la religion, pour faire voir comment elle concourt avec l'origine de l'homme, et comment, malgré les alté

voir se convaincre que la véritable religion étoit originairement celle du genre humain. Les anciens peuples, quoique livrés à des superstitions extravagantes, conservoient des traces sensibles de l'ancienne tradition, et les semences précieuses des vérités les plus importantes. Cet accord frappant entre des nations qui souvent ne se connoissoient point, qui n'avoient entre elles aucun commerce, prouve évidemment que leurs pères communs avoient une même croyance, une même morale, un même culte ; et que les diverses opinions qui dans la suite partagèrent les hommes, n'étoient que des inventions modernes et des altérations de la religion primitive. Mém. de l'Acad, des Inscript., tom. XLII, pag. 173, 174.

(1) Hoc est enim verè proprièque catholicum, quod ipsa vis nominis ratioque declarat, quod omuia ferè universaliter comprehendit. Sed hoc ità demùm fiet, si sequamur universitatem', antiquitatem, consensionem. Vinc. Lirin. Commonitor., cap. II,

rations plus ou moins considérables qu'elle a subies
en différens lieux dans la suite des âges, elle s'est
néanmoins toujours perpétuée, ainsi que le principe
qui la conserve.

Plusieurs savans ont prouvé que la croyance de
la création du monde (1) et de celle de l'homme
n'étoit ni moins ancienne ni moins universelle que le
genre humain (2). Platon enseignoit même, ainsi que
les stoïciens, que tout ce qui existe a été fait par le
Verbe et la sagesse de Dieu (3), qui a formé l'homme
à son image, ajoutoit-il; car la ressemblance de

$ 16.

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(2) Euseb. Demonstr. evang., lib. III, c. III. Th. Burnet.

Archæolog. philos., lib. II, c. II et Telluris theoria sacra, lib. I,

c IV; et lib. II, c. VI. Grotius de Verit. Relig. Christ., lib. I,

· Hyde, Hist. veter. Persar., cap. III, pag. 81.

Huet,

Alnetan. Quæst., lib. II, c. V et VII. Goguet, de l'Origine des
Lois, des Arts et des Sciences, tom. II, pag. 451, 452.- Consul.
et. Strab., lib. XV, pag. 1040. · Diogen. Laert. in Proœm., § 4.
Stob. Eclog. phys., lib. I, c. I. - Clem. Alexandr. Strom.

lib. V.

(3) Aid Adyov Oɛoû xxi diavolas. Vid. Euseb. Præp. evang., lib. XI,
c. XXX. — S. August., de Civit. Dei., lib. VIII, c. XI. Justin.
Paran. et Apolog. II. Theoph. ad Autolyc., lib. II. Lac-
tant. Divin. Institut., lib. IV, c. IV; et lib. VII, c. VII. Jam
ediximus Deum universitatem hanc mundi verbo et ratione et vir-
tute molitum. Apud vestros quoque sapientes Aóyo›, id est sermo-

l'homme avec Dieu étoit encore un des points de la doctrine commune et traditionnelle (1).

Nous en voyons l'origine dans l'Écriture sainte qui, nous révélant, pour ainsi parler, le secret de notre nature, nous apprend que le souverain Être tira du néant notre intelligence, en lui manifestant les vérités et les préceptes qui font la loi de sa vie, et le fonds immuable de la religion.

<< Dieu a créé l'homme de la terre, et l'a formé à >> son image. Il lui créa de sa substance une aide sem» blable à lui. Il leur donna le discernement, une » langue, des yeux, des oreilles, un esprit pour >> penser, et il les remplit de la doctrine de l'intelli» gence. Il créa dans eux la science de l'esprit (2);

nem atque rationem constat artificem videri universitatis. Hunc enim Zeno determinat factitatorem, qui cuncta in dispositione formaverit. Tertull. Apolog., c. XXI.

c. I.

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(1) Deus nimiùm indignatur, quoties quispiam illius similem improbat aut probat dissimilem; Dei verò similis est vir bonus. Platon. Minos; Oper. tom. VI, pag. 136. — Idem de Republicâ, lib. VI; et ap. Lactant., lib. II, c. X. Aristot. de Anim., l. I, c. II. Eurypham. in frag. Pythagor. — Eurysus. ap. Clem. Alexandr. Strom., lib. V. – Hierocl. in Aurea Carmin. et de Provid. et de Fato. Maxim. Tyr. dissertat. 38. Seneca de Provident., · Animal hoc providum, sagax, multiplex, acutum, memor, plenum rationis et consilii, quem vocamus hominem præclara quâdam conditione, generatum esse à Deo supremo... Itaque ex tot generibus, nullum est animal, præter hominem, quod habeat notitiam aliquam Dei; ipsisque in hominibus, nulla gens est neque tam immansueta, neque tam fera, qua non, etiam si ignoret qualem habere Deum deceat, tamen habendum sciat. Ex quo efficitur illud, ut is agnoscat Deum, qui, undè ortus sit, quasi recordetur ac noscat. Est igitur homini cum Deo similitudo. Cicer., de Legibus, lib. I, c. VII et VIII. Manilius, lib. IV, v. 893. - Ovid. Meta

morph., lib. I, v. 83.

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(2) Par la science de l'esprit, on entend la science de la foi, la

» il remplit leur cœur de sens, et il leur montra les >> biens et les maux. Il fit luire son œil sur leurs cœurs, >> afin qu'ils connussent la grandeur de ses œuvres, » qu'ils célébrassent par leurs louanges la sainteté de >> son nom, et qu'ils le glorifiassent de ses merveilles. » Il leur imposa des devoirs et leur donna la loi de >> vie en héritage. Il fit avec eux une alliance éternelle, » et leur manifesta sa justice et ses jugemens (1). »

Voilà donc l'intelligence humaine et la religion qui naissent ensemble, par la révélation que Dieu fait au premier homme des vérités nécessaires et des devoirs qui en découlent, des dogmes et des préceptes qui forment la loi de vie; et cette loi, transmise en héri– lage, se perpétuera par la tradition.

C'est ce qui faisoit dire à Pythagore, que nous avons en Dieu nos racines (2); à Épicharme, que notre raison est née de la raison divine (3); à Cicéron, qu'il

connoissance de Dieu, des anges, etc., que Dieu avoit données à l'homme en le créant. Sacy in hunc loc.

(1) Deus creavit de terrà hominem, et secundùm imaginem suam fecit illum... Creavit ex ipso adjutorium simile sibi consilium, et linguam, et oculos, et aures, et cor dedit illis excogitandi ; et disciplina intellectus replevit illos. Creavit illis scientiam spiritùs; sensy implevit cor illorum, et mala et bona ostendit illis. Posuit oculum suum super corda illorum, ostendere illis magnalia operum suorum, ut nomen sanctificationis collaudent ; et gloriari in mirabilibus illius ut magnalia enarrent operum ejus. Addidit illis disciplinam, et legem vitæ hereditavit illos. Testamentum æternum constituit cum illis, et justitiam et judicia sua ostendit illis. Eccles., XVII, 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10.

(2) ῥιζωθέντες ἐκ Θεοῦ καὶ φυέντες τῆς αὐτων ῥίζης ἐχώμεθα. Demoph. Sent. Pythagor., pag. 40.

(3) ὁ δὲ γε τοῦ ἀνθρώπου λογος πέφυκεν ἀπο γε θείου λόγου.

Epicharm. ap. Euseb. Præp. evang.,

lib. XIII, cap. XIII, pag. 682.

y a éu premièrement une société de raison entre Dieu et l'homme (1); à Lucain, que l'auteur de l'homme après l'avoir créé, lui dit tout ce qu'il est permis de savoir (2); à Confucius, que la lumière naturelle n'est qu'une perpétuelle conformité de notre âme avec les lois du ciel (3).

Adam viole ces lois, et se perd avec sa postérité. Le péché et la mort entrent dans le monde. Mais Dieu prend pitié de l'homme; il lui promet un Rẻdempteur (4) qui, jusqu'à Jésus-Christ, n'a jamais cessé d'être attendu par l'universalité du genre humain. Déchus de leur innocence, nos premiers parens reçoivent un commandement nouveau, l'on voit s'établir le culte expiatoire ou l'usage des sacrifices sanglans (5), qui dureront jusqu'à l'accomplissement du grand sacrifice qu'ils figurent.

et

Cependant le germe de corruption que renfermoit la nature humaine depuis la chute d'Adam, se développe; l'inclination au mal que nous apportons en naissant se manifeste de plus en plus; les crimes se multiplient et vont irriter dans le ciel la justice du Dieu trois fois saint. Il se résout à exercer sur une race perverse une mémorable vengeance. La terre et

(1) Est igitur... prima homini cum Deo rationis so cietas. Cicer., de Legib., lib. I, c. VII.

(2)....dixitque semel nascentibus auctor

Quidquid scire licet...

Lucan. Pharsal.

(3) Morale de Confucius, pag. 151. Londres, 1783.

(4) Genes. III, 15.

(5) Ibid., IV, 4.

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