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HISTOIRE ÉVANGÉLIQUE

INTRODUCTION

L'histoire de la littérature apostolique offre beaucoup de points obscurs et sur lesquels probablement les savants ne tomberont jamais d'accord. Mais aucune partie de cette science n'est plus hérissée de difficultés presque inextricables que celle qui concerne les écrits historiques proprement dits, surtout ceux que nous avons l'habitude de désigner par le nom d'Évangiles. Nonseulement nous sommes réduits à de simples conjectures, à des combinaisons plus ou moins hasardées, relativement à l'époque de la composition et à la patrie de chacun de ces livres; non-seulement les noms de leurs auteurs ne nous sont connus que par une tradition dont nous ne pouvons plus contrôler le jugement d'une manière absolument sûre: il est une question qui, dans les temps modernes, a de préférence préoccupé la critique et lui a semblé dominer toutes les autres : c'est celle concernant les sources de ces récits et leurs rapports mutuels. Cette question s'impose à l'attention de tous les lecteurs, à quelque école de théologie qu'ils appartiennent, et elle a acquis une telle importance, que même la simple interprétation des textes ne saurait plus, dans beaucoup de cas, s'accomplir avec quelques chances de succès, tant qu'elle ne serait point arrivée préalablement à une conception nette et précise à l'égard de ce qui concerne le problème auquel nous faisons allusion. Nous devons donc l'aborder, à notre tour, avant de nous engager dans l'étude des détails.

Pour ne point inutilement embrouiller la question, nous nous bornerons ici à ce qui regarde spécialement les trois premiers Évangiles, ceux qui sont désignés vulgairement par les noms de Matthieu, de Marc et de Luc, en laissant de côté tout ce qui se rapporte plus particulièrement au quatrième, ainsi qu'au second livre de Luc, connu sous le nom des Actes des Apôtres. Nous ne voyons pas de raison pour ne pas nous servir de ces mêmes noms propres, dans le cours de la discussion à laquelle nous allons nous livrer. Ils peuvent être plus ou moins sujets à caution; mais comme nous ne les emploierons que pour désigner les différents ouvrages, et non pour rien préjuger au sujet de leurs auteurs, cet emploi facilitera au lecteur novice l'intelligence de notre exposé, sans engager ni dérouter une critique circonspecte.

Notre introduction traitera successivement de l'origine de la littérature historique dans l'Église chrétienne, de la composition des trois ouvrages déjà désignés, de leur parenté ou des rapports qui existent entre eux, de leur âge, de leurs auteurs, enfin de leur valeur comme sources et documents historiques.

I.

La littérature historique, dans l'Église primitive, se rattache de la manière la plus immédiate aux souvenirs recueillis par les Apôtres et leurs amis aussitôt après la séparation d'avec leur maître. Le besoin d'un pareil retour vers le passé naissait naturellement de la profonde impression qu'avait faite sur eux l'enseignement, et plus encore l'individualité de Jésus elle-même, et sur laquelle se fondaient et leurs espérances pour l'avenir et leurs convictions, naguère assez vagues encore, concernant le mystère qui entourait sa personne. Ce même besoin venait encore de leur position isolée dans le monde, des difficultés nombreuses qui les arrêtaient, et qu'ils ne pouvaient vaincre qu'en retrempant leurs forces à la source intarissable de ces souvenirs. Il naissait enfin de l'usage qu'ils pouvaient et devaient faire de ces souvenirs dans la prédication de l'Évangile et pour la confirmation de leur propre enseignement. Et c'est dans ces faits, dans cette continuité d'une tradition qui doit remonter jusqu'au lendemain même de la scène tragique de Golgotha (Luc XXIV, 19 et suiv.), que nous

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