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Les événements qui suivirent la guerre de Troie amenèrent de nouvelles colonies dans la péninsule. Celle de l'Arcadien Évandre à Pallantium, 60 ans avant cette guerre; celle du fils d'Amphiaraüs à Tibur, celle d'Enée dans le Latium, et la fondation d'Albe la longue, par son fils Ascagne, appartiennent aux traditions mythologiques. Mais il paraît hors de doute qu'après la chute de Troie, ou du moins à une époque réculée, des Grecs abordèrent dans le sud de l'Italie. Ainsi, sur le golfe de Tarente, Pétilie avait été fondée, disait-on par Philoctète; Metaponte, par les Pyliens de Nestor; Salente, par Idoménée; Sipontum, Argos Hippium, Salapia, Canusium et Maleventum (Bénévent), par Diomède et ses compagnons. De petites îles, au nord du mont Garganus, portaient mème le nom d'îles de Diomède.

Mais ces premiers établissements de la race hellénique en Italie, s'ils sont historiques, eurent peu d'importance. Restés sans relations avec la mère patrie, ils perdirent peu à peu le caractère de cités grecques. Il faut faire une exception pour Cumes, fondée sur les côtes de la Campanie, vers 1130 ou 1050, par des Éoliens venus de Chalcis en Eubée, et de Cyme en Eolie. Elle parvint de bonne heure à un haut degré de puissance, occupa les petites îles voisines de la côte, et fonda trois cités célèbres à divers titres: Dicearchia ou Puteoli (Pouzzolles), qui lui servit de port; Parthenope, appelée aussi Paleopolis ou Neapolis (Naples); enfin Zancle ou Messine en Sicile.

Osces et Sabelliens.

Au milieu de ces peuples étrangers fixés dans le sud et dans le nord de l'Italie, existaient deux races indigènes, les Sabelliens et les Osces. Les Osces ou Opiques, appelés aussi par les Grecs Ausones et Auronces, habitaient depuis le Tibre jusqu'aux montagnes de Bénévent. Au temps de leur puissance, les Sicules avaient possédé la terre des Opiques; mais quand ils eurent perdu les plaines du Pô et de l'Étrurie, une tribu des Osces, les Casci, nommés plus tard Aborigènes, descendit des pays.montagneux entre Amiterne et Réate, et s'empara des campagnes situées sur la rive gauche

du Tibre. Par leur mélange avec des Ombriens, des Tyrrhènes, des Sicules et des Ausones, les Casci formèrent le nouveau peuple des Latins. Les autres tribus ausoniennes profitèrent sans doute, à la même époque, de la faiblesse des Sicules pour rentrer en possession des plaines de la Campanie et du Latium méridional, et les Latins eurent pour voisins, au sud, les Rutules, les Volsques, les Herniques et les Auronces. Quant à la race belliqueuse des pasteurs sabelliens, elle ne formait encore qu'un seul peuple, celui des Sabins, qui habitaient dans le nord de la contrée nommée plus tard Samnium.

Telle était donc la situation de l'Italie, onze siècles environ avant notre ère : Au nord, la puissante nation des Ombriens, qui, dans l'Issombrie et l'Ollombrie seulement, possédaient, dit-on, 300 villes ou bourgades, mais qui était déjà menacée, au sud-ouest, par les attaques des Tyrrhéniens, d'une prochaine décadence; au fond du golfe Adriatique, les Vénètes; au fond du golfe de Gênes, les Ligures; dans la partie centrale et montagneuse de la péninsule, les Osces et les Sabelliens; à l'est, sur l'Adriatique, les restes de Liburnes et les établissements pélasgiques de la Iapygie; à l'ouest enfin, les OEnotriens, dans la Lucanie et le Brutium, alors appelé Italia.

Étrusques.

Dans le cours du onzième siècle, un nouveau peuple parut en Italie, les Rhasėnas, appelés aussi Tusci, et plus tard Tyrrheni, lorsqu'ils se furent mêlés avec la colonie lydienne, établie avant eux sur les côtes de la mer Inférieure. Descendus des montagnes de la Rhétie, les Rhasénas traversèrent les plaines du Pô, franchirent les Apennins, et, après avoir dompté les Tyrrhènes, s'arrêtèrent dans l'Ombrie maritime, où douze villes, fortifiées avec soin et habitées par les conquérants, tinrent tout le pays dans leur dépendance1. Une fois fermement établis dans l'Etrurie, les Rhasénas étendi

1. A l'est, Arretium, Cortona, Clusium, Perusia, Volsinii; à l'ouest, Volaterræ, Vetulonium, Rusellæ, Tarquinii; au sud de la forêt ciminienne, Falerii, Veii, Care,

rent peu à peu, au nord et au sud, leurs conquêtes. Les Ombriens, dépouillés de la Vilombrie, perdirent en outre les 300 villages qu'ils possédaient sur les bords du Pô: attaqués encore dans l'Ollombrie par les Rhasénas, à l'ouest, et au sud par les Sabins, ils furent refoulés jusque sur les bords de l'Esis, et cessèrent dès lors de former une nation redoutable; pour conserver leurs conquêtes dans les plaines du Pô, les douze cités étrusques y construisirent chacune une ville, et un lien fédératif unit entre elles ces douze colonies, comme l'étaient déjà leurs métropoles1.

A une époque postérieure, 800 ans environ avant notre

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ère, les Étrusques s'établirent aussi dans la Campanie. Maîtres encore de toutes les petites îles qui s'étendent le long de la côte occidentale, même de la Corse et de la Sardaigne, ils devinrent le peuple le plus commerçant et le plus industrieux des bords de la Méditerranée. Rivaux heureux des Grecs et des Carthaginois, ils accumulèrent entre leurs mains d'immenses richesses; mais de cette prospérité il ne sortit pour eux que corruption et faiblesse. La preuve de cette prospérité existe encore dans les monuments funéraires découverts

4. Les principales étaient Melpum, Brixia, Verona, Mantua, Adria, Bononia, Mutina, Parma.

à Coneto, à Vulci, à Véies, à Coré, etc. L'intérieur des caveaux est orné de peintures, et on y a trouvé des urnes et des sarcophages qui portent de magnifiques bas-reliefs, des miroirs métalliques, des vases peints, une multitude d'objets en métaux précieux, ciselés ou travaillés avec recherche. Toutes ces œuvres attestent la proche parenté de l'art étrusque avec l'art grec et de nombreuses réminiscences de l'Orient. Quant à la langue, elle a disparu. Nous possédons bien 1200 inscriptions étrusques, mais elles sont pour nous lettres closes.

L'Italie en 754.

L'an 754 avant notre ère, l'Italie n'avait pas encore reçu ses dernières colonies. Si le centre de la presqu'île était occupé par les peuples qui devaient en rester définitivement les maîtres, les Gaulois, auxquels était réservée la vallée du Pô1, les Grecs, dont les nombreux établissements allaient faire donner au sud de l'Italie le nom de Grande-Grèce, n'étaient pas encore arrivés. Quant aux peuples depuis longtemps établis dans la péninsule, ils vivaient à l'écart et sans union, et, par conséquent sans puissance. Il convient de faire une exception pour les Étrusques. Nul peuple n'avait alors en Italie des possessions aussi étendues ni une civilisation aussi avancée. Il ne faut donc pas s'étonner s'ils exercèrent sur Rome naissante une grande influence; si une partie de la religion, des coutumes et des arts de la cité nouvelle furent empruntées à l'Étrurie, si plusieurs fois même elle subit l'ascendant politique de quelques chefs étrusques. Mais ce grand peuple, qui dominait depuis les Alpes jusqu'au Vésuve, n'échappait pas lui-même à ce morcellement qui semble le caractère nécessaire de toutes les sociétés italiennes. Descendus des montagnes de la Rhétie, où ils

1. Vers 587 les Insubres fondent Milan, et dans l'espace de 66 ans les Cé nomans s'établissent à Brixia et à Vérone; les Anamans à Plaisance; les Boies à Bononia; les Lingons à l'embouchure du Pô, et les Senons le long de l'Adriatique jusqu'à l'Esis.

2. Fondation vers 720 de la colonie grecque de Sybaris; 710, Crotone 707 Tarente; 683, Locres; 668, Rhégium, Elée; 446. Thurium.

étaient sans doute divisés en autant de tribus qu'ils habitaient dé vallées, ils avaient conservé cette division dans leurs nouveaux établissements; au lieu de tribus c'étaient des villes confédérées. Chaque cité avait son roi (lars ou lucumon), chef d'une aristocratie puissante qui réunissait les priviléges des castes égyptiennes des guerriers et des prêtres, et faisait de la religion, de la science et de l'autorité politique son patrimoine héréditaire.

En résumé, dans l'Italie supérieure, des Ligures, des Ombriens, des Étrusques, des Venètes; dans le nord de la partie péninsulaire, des Étrusques encore et des Ombriens; dans l'Opique, le long de la mer Tyrrhénienne, du Tibre au Silarus, la foule des tribus ausoniennes avec les Étrusques des bords du Vulturne; dans les Apennins, les peuples sabelliens mélangés d'Ausones, et, sur les bords de l'Adriatique, les Liburnes et les Pélasges; enfin autour du vaste golfe auquel Tarente donna plus tard son nom, les restes des tribus pélasgiques ou illyriennes, dont il se retrouvait de nombreux débris sur tous les points de la péninsule.

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C'était donc partout différence d'origine et par suite dif férence de mœurs et de langage, fractionnement, au sein d'un même peuple, en tribus rivales, et par conséquent partout aussi faiblesse et guerres intestines. Que, maintenant, au milieu de ces peuplades rendues étrangères les unes aux autres par un long isolement, on place un peuple qui s'est fait de la guerre une nécessité, de l'exercice des armes une habitude, de la discipline militaire une vertu, et l'on comprendra que ce peuple triomphe successivement de toutes ces tribus, qui, attaquées les unes après les autres, s'apercevront trop tard que la ruine de l'une était la menace et l'annonce de la ruine prochaine de l'autre

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