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rent même dans leur alliance un roi des Numides, Syphax. Mais Massinissa, fils d'un autre roi numide, battit ce prince, le chassa de ses États, et passa en Espagne. Les Scipions, menacés par trois armées, se séparèrent. Ce fut la cause de leur perte. Enveloppés par des forces supérieures, ils succombèrent.

L'Espagne semblait perdue; mais les Carthaginois donnèrent aux débris des légions, ralliés derrière l'Ebre par un jeune chevalier, Marcius, le temps de reprendre courage. Attaqué par Asdrubal et Magon, Marcius, que les soldats avaient mis à leur tête, les battit l'un après l'autre ; et quand Néron vint prendre le commandement que le sénat n'avait pas voulu laisser à un chef élu par des soldats, Asdrubal était rejeté déjà sur la Bétique. Enfermé dans le défilé des Pierres-Noires, il trompa le futur vainqueur du Métaure par de feintes négociations, et s'échappa. Mais un nouveau général arrivait. Publius Scipion, fils de Cornélius, âgé à peine de 24 ans.

Dès qu'il fut arrivé (211), il médita une entreprise qui attirât sur lui tous les regards, la prise de Carthagène, l'arsenal et le trésor des Barcas. Défendue par une citadelle et par de hautes murailles, couverte par la mer et par un étang, cette place passait pour inexpugnable; Scipion la prit en plein jour, dès le premier assaut (210). Carthagène renfermait tous les otages de l'Espagne ; il les traita avec bonté, et les renvoya vers leurs peuples. Quelques soldats lui avaient amené une jeune fille d'une remarquable beauté; il la rendit à sa famille. Cette conduite contrastait avec celle des généraux carthaginois. Aussi les principaux chefs espagnols, Edécon, Mandonius et Indibilis, lui offrirent leurs troupes.

Succès et alliances de P. Scipion; il passe en Afrique.

Après ce grand succès, il battit deux fois Asdrubal, mais le laissa échapper; et ce général, pénétrant en Gaule, y ramassa une armée que Scipion fut accusé de n'avoir point osé combattre. En face de lui restaient trois généraux, Massinissa, Magon et Asdrubal Giscon. Il en vint un quatrième,

Hannon, qui tout d'abord se laissa surprendre et fut battu. Les trois autres réunis essuyèrent, à flipa, une grande défaite, qui réduisit les possessions de Carthage en Espagne à la seule ville de Gadès. Scipion traita alors secrètement avec Massinissa, qui servait en Espague, et osa passer en Afrique pour amener Syphax à une alliance active. A son retour, il prit Castulon, Illiturgi et Astapa; Gadès lui ouvrit ses portes; et après avoir encore apaisé une révolte de Mandonius et de 8000 légionnaires qui s'étaient soulevés au faux bruit de sa mort, il vint à Rome recevoir plutôt que briguer le consulat (205).

A cette époque, la Sicile et l'Espagne étaient reconquises, les Numides étaient alliés; il est temps, disait Scipion, d'arracher Annibal d'Italie en attaquant Carthage. Le vieux Fabius s'opposait à cette témérité; mais les Italiens, fatigués de cette guerre, donnèrent à Scipion la flotte et l'armée que le sénat lui refusait. Les excès de son lieutenant Pléminius, à Locres, les accusations portées contre sa conduite à Syracuse, faillirent l'arrêter. Il partit cependant avec 30 000 soldats.

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Bataille de Zama (202); traité (201).

Avant l'embarquement, Scipion avait appris et la défection de Syphax, qu'Asdrubal avait gagné en lui donnant sa fille Sophonisbe, et la défaite de Massinissa, chassé par Syphax du royaume de ses pères. Scipion avait compté sur deux rois l'un était ennesi, l'autre détrôné. Mais ce fugitif était le meilleur cavalier de l'Afrique, et dans les deux Numidies il n'était bruit que de son éclatante bravoure; Scipion l'accueillit avec honneur, comptant sur lui pour faire bientôt une importante diversion. Deux combats de cavalerie, le ravage des campagnes et le blocus d'Utique inaugurèrent, sans beaucoup d'éclat, cette expédition d'Afrique. L'année suivante fut plus féconde (203). Asdrubal et Syphax avaient réuni 50 000 hommes en deux camps, formés de huttes de jonc et de paille; une nuit Scipion y porta l'incendie, 3000 hommes seulement s'échappèrent. A la journée des

Grandes-Plaines, il écrasa une autre armée, et chargea Massinissa de poursuivre Syphax, qui tomba avec sa femme au pouvoir de son rival. Massinissa avait autrefois aimé cette fille d'Asdrubal; il la prit pour épouse; mais Scipion se souvint qu'elle avait détaché Syphax de son alliance, et exigea que la Carthaginoise lui fût livrée. Le Numide envoya comme présent nuptial à Sophonisbe une coupe de poison. Cette importante expédition rendait à Scipion l'appui de tous les Numides. La position devenait si critique pour Carthage, que le sénat rappela Annibal et Magon. Celui-ci, chargé en 205 de recommencer l'expédition d'Asdrubal, avait perdu deux ans dans les montagnes de la Ligurie, et avait été battu sur le territoire des Insubres (203). Il était à Gênes, malade d'une blessure, quand il reçut l'ordre qui le rappelait. Il mourut dans la traversée. Pour Annibal, ré duit depuis cinq ans à l'impuissance, il fit à l'Italie de sanglants adieux tous les mercenaires italiens qui refusèrent de le suivre furent égorgés. Avant de livrer la bataille qui allait décider des destinées du monde, Annibal, dans une conférence, demanda la paix. Mais la paix, sans une défaite d'Annibal, aurait été sans gloire et sans durée ; Scipion refusa. Tout ce qu'enseignait l'art de la guerre et une vieille expérience fut de part et d'autre appliqué (202). Annibal, vaincu, s'enfuit du champ de bataille de Zama, que couvraient 20 000 de ses soldats, jusqu'à Adrumète, et de là à Carthage, où il rentra 35 ans après en être sorti.

Scipion fixa les conditions suivantes: Carthage conservera ses lois et ce qu'elle possède en Afrique, mais ne gardera rien en Espagne; elle livrera les prisonniers, les transfuges, tous ses navires, excepté 10, tous ses éléphants, sans pouvoir en dompter d'autres à l'avenir; elle ne fera point de guerre, même en Afrique, sans la permission de Rome, et elle ne pourra lever de mercenaires étrangers; elle payera 10 000 talents en 50 ans, indemnisera Massinissa et le reconnaîtra pour allié.

Scipion reçut 4000 prisonniers, d'assez nombreux transfuges qu'il fit mettre en croix ou périr sous la hache, et 500 vaisseaux qu'il fit brûler en pleine mer. Carthage était

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désarmée; pour qu'elle ne pût se relever, il attacha à ses flancs un ennemi infatigable, Massinissa, auquel il donna le titre de roi avec les États de ses pères, la forte ville de Cirta et tout ce qui avait été enlevé à Syphax (201).

Son entrée dans Rome fut le plus splendide triomphe. Il portait au trésor 123 000 livres d'argent, et chaque soldat avait reçu 400 as. Syphax suivait le char. Duillius n'avait eu qu'une inscription sur une colonne rostrale; Scipion prit le nom d'Africain, et le peuple lui offrit le consulat et la dictature à vie. Ainsi Rome oubliait ses lois pour mieux honorer son heureux général. Elle offrait à Scipion ce qu'elle laissera prendre à César : c'est que Zama n'était pas seulement la fin de la seconde guerre punique, mais le commencement de la conquête du monde.

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ETAT DU MONDE ANCIEN VERS L'AN 200
ET GUERRES DE 200 A 176.

LA GRÈCE

ITALIE ET AFRIQUE. LES SÉLEUCIDES ET LES PTOLÉMÉES. -
ET LA MACÉDOINE.
NOUVELLE GUERRE AVEC PHILIPPE DE MACÉDOINE
CYNOCEPHALES (197). PROCLAMATION DE LA LIBERTÉ

(200).

-

GRECQUE (196); NABIS (195). ANTIOCHUS EN GRÈCE; COMBAT DES THERMOPYLES (191). BATAILLE DE MAGNÉSIE (190); SOUMISSION DES GALATES (189). SOULÈVEMENT des espagnols (197); SUCCÈS DE CATON (195); ET DE SEMPRO. GRACCHUS (178). SOULÈVEMENT DES CISALPINS (200); LES BOÏES ÉMIGRENT VERS LE DANUBE.

Italie et Afrique.

Les plaies de la guerre se ferment vite chez le peuple victorieux. Dès l'an 206, après la bataille de Métaure, le sénat avait rappelé les laboureurs dans les campagnes, et diminué l'effectif des armées pour laisser plus de bras à l'agriculture. Des colonies envoyées dans la Campanie et le Bruttium, des vétérans de Scipion, établis dans la Lucanie et la Pouille, avaient repeuplé les solitudes faites par la guerre, et des terres données aux créanciers de l'État avaient éteint les dettes publiques.

Aucun danger ne semblait menacer l'avenir, car Rome était sortie plus forte de la terrible épreuve de la seconde guerre punique, et autour d'elle il n'y avait que faiblesse. La chute de Carthage lui avait livré tout l'occident. En Afrique, elle n'a qu'à laisser faire à la haine jalouse de Massinissa, et jamais Carthage ne se relèvera de Zama. En Espagne, les légions auront bientôt à combattre leurs anciens alliés, mais cette guerre ne sera pendant trois quarts de siècle qu'une rude école pour les soldats, et un moyen de fortune pour les généraux. Quant à la Gaule, Rome se souvient trop des tumultes gaulois pour risquer sa fortune dans ce chaos barbare et redoutable. De ce côté, elle se tiendra un siècle et demi sur une prudente défense. La Germanie n'est pas encore découverte. Restent, il est vrai, les Cisalpins; danger sérieux, quoique les terreurs de Rome l'exagèrent, guerre la

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