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PÉE RÉTABLIT LA PUISSANCE TRIBUNITIENNE (70).

GUERRE DES PI

RATES (67). MITHRIDATE VEUT PROFITER DES EMBARRAS DE ROME;
LUCULLUS LE REJETTE SUR LE PONT (73). CONQUÊTE DU PONT (72-
71) ET D'UNE PARTIE DE L'ARMÉNIE (69-66).
POMPÉE (66-63).

Pompée.

COMMANDEMENT DE

La haine du peuple et des Italiens, les ressentiments de l'ordre équestre et quatre guerres dangereuses, voilà ce que Sylla léguait à ses successeurs. Qui donc allait recueillir ce difficile héritage? Son héritier légal était un sénat mutilé par la guerre civile, et où les proscriptions des deux partis n'avaient pas laissé une seule tête qui dépassât le niveau commun de la médiocrité, mais du milieu de la guerre civile un homme avait surgi qui, à vingt ans, levait une armée et savait en rester le chef. Pompée conduisit ses troupes partout où le dictateur voulut, en Cisalpine, au secours de Métellus, en Sicile, en Afrique; toujours vainqueur et imposant par ses succès à Sylla lui-même. Après la défaite d'Hiarbas, Sylla lui ordonna de licencier ses légions. Les soldats se révoltèrent; Pompée les apaisa et revint seul à Rome. Cette confiance le sauva: le dictateur sortit avec tout le peuple à sa rencontre et le salua du nom de Grand. Mais il voulait le triomphe, et il n'était pas même sénateur! Sylla refusa. « Qu'il prenne donc garde, osa dire l'impétueux jeune homme, que le soleil levant a plus d'adorateurs que le soleil couchaut. Le dictateur surpris céda: « Qu'il triomphe, s'écriat-il à deux reprises, qu'il triomphe! » (81.)

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Pompée en effet n'avait encore géré aucune charge et n'en voulait pas. Mais il tint à constater son influence en faisant donner le consulat à un de ses protégés. Malgré Sylla et malgré les grands, il fit élire Æmilius Lépidus, qui ne cachait pas sa haine contre les nouvelles lois (78).

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On tue les hommes; on ne tue les idées et les besoins légitimes qu'en leur donnant satisfaction. En prononçant ces seuls mots, rétablissement de la puissance tribunitienne, Lépidus avait retrouvé tout un parti que Sylla pensait avoir étouffé dans le sang. Tenu en échec durant son année de charge par son collègue Catulus, Lépidus reprit ses desseins dans son proconsulat de la Narbonaise. Le gouverneur de la Cisalpine, Junius Brutus, se déclara pour lui. Avec la promesse de rappeler les proscrits, de rendre aux Italiens leurs terres confisquées, et de casser tous les actes de la dictature, Lépidus eut bientôt grossi l'armée qu'il amenait de la Gaule et il pénétra jusqu'au Janicule. Mais les vétérans, menacés de restitution, accoururent autour de Pompée que le sénat adjoignit à Catulus. Lépidus fut mis hors la loi et battu en avant du pont Milvius. Une seconde défaite en Etrurie, puis une troisième près de Cosa, le forcèrent à aller chercher un asile en Sardaigne, où il mourut de chagrin, tandis que Pompée poursuivait Brutus dans la Cisalpine, prenait Modène et faisait périr les chefs ennemis qui tombaient en son pouvoir (77).

Cette levée de boucliers rattacha Pompée au sénat qui lui rendait son armée, et il accepta le rôle d'exécuteur testamentaire de Sylla; après Lépidus, il alla combattre Sertorius.

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Après la mort de Marius et de Cinna, Sertorius avait tenté la dernière espérance du parti, le soulèvement des provinces barbares de l'Occident. Dès l'année 82, il se rendit en Espagne et vit accourir autour de lui de nombreux volontaires; malheureusement, ses préparatifs n'étaient pas achevés, quand un lieutenant de Sylla, le proconsul Annius survint, qui le força de quitter la Péninsule. Il embarqua les 4000 hommes qui lui restaient, et, pendant plusieurs mois, il erra des côtes d'Espagne à celles d'Afrique: mais, fatigué de cette existence précaire, il se serait exilé aux îles Fortunées (les Canaries), si ses soldats avaient consenti à le suivre. 1 se mêla alors aux guerres d'un peuple de la Mauritanie

et le bruit de ses exploits se répandant en Espagne, les Lusitaniens, opprimés par Annius, l'invitèrent à se mettre à leur tête; il accepta et repassa dans la Péninsule. Un lieutenant d'Annius fut d'abord battu, puis le gouverneur de la Bétique (80). Métellus, envoyé par Sylla pour arrêter ce mouvement, he put amener son adversaire à une bataille générale (79). Sertorius lui fit une guerre d'escarmouches qui convenait à ses soldats et au pays théâtre de la lutte. Avec sa nombreuse armée, Métellus ne possédait rien au delà de l'enceinte de son camp. Assiégeait-il une ville, ses convois étaient coupés; traversait-il un défilé, de derrière chaque rocher se levait un soldat qui lançait ses traits, puis fuyait plus léger que les vents. Bientôt il ne se crut pas assez fort, et appela à son aide le proconsul de la Narbonaise, Lollius. Sertorius prévint cette jonction : et quand Lollius déboucha des Pyrénées, il fut si complétement battu qu'il se sauva presque seul à Ilerda (Lérida). Une attaque de Métellus sur Lacobriga, dans le sud de la Lusitanie, y rappela Sertorius qui jeta un secours dans la place, surprit un de ses lieutenants et, après lui avoir fait lever le siége, le chassa de la Lusitanie.

Malgré la présence de cette grande armée, Sertorius était véritablement maître de toute l'Espagne: il réglait les contestations des peuples et des particuliers, levait des troupes, exerçait les indigènes à la tactique romaine et surtout s'appliquait à gagner leur confiance. Il avait su leur persuader qu'il était en rapport avec les dieux, une biche blanche, qui toujours le suivait, était l'intermédiaire. Lui arrivait-il secrètement une nouvelle importante, la biche s'approchait de son oreille et lui communiquait le mystérieux message, qu'il répétait tout haut et que l'événement bientôt confirmait. Ce manége suffisait à la crédulité de ces peuples enfants. Du reste, il commandait leur respect par la sévérité de ses mœurs et par son attention à ne souffrir de la part de ses soldats aucune licence. La défaite de Lépidus lui valut un secours important (77). Perpenna, un des lieutenants. du proconsul, passa en Espagne avec des forces considérables et plusieurs Romains de distinction dont Sertorius

forma un sénat de 300 membres. Pour bien montrer qu'il était resté Romain au milieu des Barbares, il n'admit aucun Espagnol dans ce sénat, de même qu'il leur refusait tout grade dans ses troupes. Jusqu'alors ils avaient pu croire que Sertorius combattait pour eux : de ce jour ils comprirent que Marianistes et Syllaniens, parti populaire et parti des grands, ne voulaient que la même chose maintenir à leur profit la domination de Rome sur les provinces.

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Ses derniers succès et l'accroissement de ses forces lui permiren! de soulever les Aquitains et la Narbonnaise; un de ses lieutenants alla même garder le passage des Alpes. Le sénat s'effraya. Malgré sa répugnance à demander à Pompée de nouveaux services, il fut obligé, n'ayant point d'autre armée, de l'envoyer au secours de Métellus (76). Pour éviter les détachements de Sertorius, il s'ouvrit une route nouvelle par les Alpes Grées ou Pennines. Les cohortes espagnoles, tournées, se replièrent sur les Pyrénées, abandonnant la Narbonnaise, qui expia cruellement sa révolte, et les Pyrénées même que Sertorius, occupé au siége de Lauron, près de Valence, ne put défendre. Pompée comptait forcer aisément ses lignes. Sertorius lui enleva d'abord une légion, puis l'affama dans son camp, battit tous ses détachements, emporta Lauron sous ses yeux et le contraignit à repasser l'Ebre. Tels étaient les résultats de cette campagne si pompeusement annoncée.

Mais au printemps suivant (75), Hirtuléius, un de ses lieutenants, fut battu près d'Italica (Séville) par Métellus, et Pompée tua 10 000 hommes à Perpenna et à Hérennius près de Valence. La jonction des deux généraux, que Sertorius avait jusqu'alors empêchée, devenait possible; il essaya encore de la prévenir en courant à Pompée, qu'il battit sur les bords du Sucro (Xucar). Il comptait le lendemain l'accabler, quand Métellus parut : « Sans cette vieille femme, dit-il, j'aurais renvoyé ce petit garçon à Rome, châtié comme il le mérite. » Il s'en dédommagea en lui tuant un autre jour, près de Sagonte, 6000 hommes, mais dans le même moment Métellus repoussait Perpenna, qui laissait 5000 morts sur le champ de bataille. Une attaque essayée le lendemain contre

les lignes de Métellus ne réussit pas. Les pirates, dont nous parlerons plus tard, couvraient alors la mer; Sertorius s'entendit avec eux pour que tous les convois qui arrivaient d'Italie par mer fussent coupés, se chargeant lui-même d'empêcher ses adversaires de faire des vivres dans l'intérieur du pays. Pompée, réduit aux abois, écrivit alors au sénat qu'il allait être contraint, si on ne lui faisait passer de grands renforts, d'abandonner l'Espagne. Le consul Lucullus se hâta de lui envoyer du blé, de l'argent et deux légions. Un puissant secours s'offrait aussi à Sertorius : Mithridate lui promit 3000 talents.

Au bruit de cette alliance avec un ennemi de Rome, Métellus mit à prix la tête de Sertorius; mais l'amour de ses troupes le gardait. Il fallut en revenir aux batailles. Métellus prit bien quelques villes que Perpenna ne sut pas défendre, mais Sertorius obligea Pompée à lever le siége de Pallentia (Palancia, sur le Carrion); il les affama tous les deux, les battit en détail et les força de se retirer, Métellus sur l'Ultérieure, Pompée jusqu'en Gaule.

Les événements militaires des années 73 et 72 sont inconnus. Mais, dans ces années, Sertorius vit l'affection des Espagnols s'éloigner de lui. Des signes de mécontentements éclatèrent; il les réprima avec dureté, et, rendu soupçonneux parce qu'il se sentait entouré de traîtres, il se laissa aller à des actes cruels. Plusieurs enfants de nobles espagnols qu'il faisait élever à Osca, à la romaine, furent égorgés ou vendus. Dans son camp même, une conspiration se forma, Perpenna en était le chef; ils l'assassinèrent au milieu d'un festin (72). Perpenna prit sa place, mais il n'avait ni ses talents, ni la confiance des troupes; il n'éprouva partout que des revers, et il tomba lui-même entre les mains de Pompée. Pour racheter sa vie, il offrit de livrer les lettres des grands de Rome qui avaient invité Sertorius à passer en Italie. Pompée brûla les lettres sans les lire, et fit tuer le traître. Cependant les chefs indigènes, qui en s'associant à Sertorius n'avaient combattu que pour euxmêmes, se jetèrent dans les plus fortes places, et s'y défendirent une année encore. Pompée conduisit seul les dernières

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