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tous leurs plans, les prévint dans toutes les positions qu'ils voulurent occuper, les cerna; et les deux généraux, contraints par leurs soldats, mirent bas les armes sans combat, (2 août 49). Varon, qui commandait dans l'Ultérieure, ne pouvait faire aucune résistance. Il parut à Cordoue devant César, qui lui enleva sa caisse militaire grossie par ses nombreuses exactions.

Cette province toute pompéienne, conquise et pacifiée, il partit en toute hâte pour Marseille dont les habitants, enfermés dans leurs murs par deux défaites sur mer, étaient réduits aux dernières extrémités. A l'arrivée de César, ils se décidèrent à traiter, ils livrèrent leurs armes, leurs navires et tout l'argent du trésor public. Là encore César s'honora par sa clémence. Il était sous les murs de Marseille, quand il apprit que, sur la proposition de Lépide, le peuple l'avait proclamé dictateur. Après avoir apaisé une révolte de la neuvième légion à Plaisance, il prit cette charge, qu'il ne garda que onze jours, juste le temps d'accomplir quelques mesures nécessaires. Il n'abolit pas les dettes, mais seulement fit déduire du capital les intérêts payés, et accepter des créanciers en remboursement les meubles et les immeubles au prix où ils étaient avant la guerre. Au peuple, il fit une large distribution de blé. Il rappela les bannis, Milon excepté, et supprima la seule loi politique de Sylla qui vécût encore, celle qui frappait les enfants des proscrits d'incapacité politique; enfin il récompensa les Cisalpins de leur longue fidélité par la concession du droit de cité. Avant d'abdiquer, il présida les comices consulaires et se fit nommer avec Servilius Isauricus.

Combats autour de Dyrrachium; Pharsale (48); mort de Pompée.

A la fin de décembre 49, César se rendit à Brindes afin de passer de là en Epire. « Pompée avait eu une année entière pour faire ses préparatifs. Aussi avait-il rassemblé une flotte considérable, beaucoup d'argent et des vivres en abondance. Il avait 9 légions composées de citoyens romains,

3000 archers crétois, 2 cohortes de frondeurs de 600 hommes chacune, et 7000 chevaux. Son dessein était de passer l'hiver à Dyrrachium, à Apollonie et dans les autres villes maritimes.» César n'avait ni flotte, ni argent, ni magasins, et ses troupes étaient moins nombreuses; mais depuis dix ans, elles vivaient sous la tente; leur dévouement à leur chef était sans bornes, comme leur confiance en sa fortune. Si l'armée de Pompée était plus forte, il y avait aussi moins de discipline dans les soldats, moins d'obéissance dans les chefs. A voir dans le camp ces costumes étranges, à écouter ces commandements donnés en vingt langues, on eût pris les légions pompéiennes pour une de ces armées asiatiques auxquelles le sol de l'Europe fut toujours fatal. Au prétoire, autre spectacle. Tant de magistrats et de sénateurs gênaient le chef, quoiqu'on lui eût donné pouvoir de décider souverainement de toutes choses. Puisque l'on combattait, disaiton, pour la république, il fallait bien que le généralissime montrât aux Pères conscrits, constitués en conseil à Thessalonique, une déférence qui ne s'accordait pas toujours avec les nécessités de la guerre.

Malgré son infériorité numérique et la saison contraire, César, suivant son habitude, prit l'offensive; le 4 janvier 48, il embarqua, sur des navires de transports, 7 légions, qui ne formaient que 15 000 fantassins et 600 cavaliers. S'il eût rencontré la flotte de Bibulus, c'en était fait de son armée; mais Bibulus accourut trop tard. Pour expier sa négligence, il ne voulut plus descendre de son vaisseau et se donna de telles fatigues à surveiller la côte de la mer, qu'il fut bientôt saisi d'un mal qui l'emporta. Oricum, Apollonie, ouvrirent leurs portes à César qui, prévenu à Dyrrachium par Pompée, pressa Antoine de passer le détroit au premier vent favorable avec le reste de ses forces. Mais les jours s'écoulaient et Antoine n'arrivait pas. Peu accoutumé à ces lenteurs, César voulut aller lui-même chercher ses légions. Un soir, il sortit seul de son camp, monta sur une barque du fleuve et ordonna au pilote de cingler vers la haute mer. Un vent contraire, qui souffla presque aussitôt, refoulait les vagues, et le pilote, effrayé par la tempête, refusait d'avancer: Que crains-tu ?

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lui dit son passager inconnu, tu portes César et sa fortune. » Il fallut pourtant regagner le bord; mais la tempête, une autre fois, le servit. Un jour que soufflait avec force le vent du midi, Antoine arriva en quelques heures en vue d'Apollonie.

Un mouvement que fit Pompée pour empêcher leur jonction l'éloigna de Dyrrachium. César lui déroba une marche et vint se poster entre lui et cette place, où étaient tous ses magasins. Son adversaire le suivit et campa au sud de la ville, sur le mont Pétra, d'où il conservait ses communications avec la mer. Alors commença une lutte de quatre mois. César, ne pouvant amener son rival à une action décisive, conçut l'audacieuse pensée d'enfermer, dans une ligne de postes retranchés, une armée qui lui était supérieure en nombre et qu'il ne pouvait affamer parce qu'elle était maîtresse de la mer. Manoeuvre cette fois trop hardie et dont il fut puni. Tous les jours il y avait des escarmouches entre les travailleurs des deux armées. Dans une de ces attaques journalières, un fort fut cerné; l'ennemi y lança tant de projectiles qu'il n'y resta, pas un soldat qui ne fût blessé, ils montrèrent avec orgueil à César 30 000 flèches qu'ils avaient ramassées, et le bouclier d'un de leur centurions percé de 120 coups. Les soldats de César étaient habitués à la disette; mais nulle part ils n'en souffrirent comme à Dyrrachium; ils en vinrent à broyer des racines pour en faire une sorte de pâte, et quand les pompéiens les raillaient sur leur disette, ils leur jetaient de ces pains, en leur criant << qu'ils mangeraient l'écorce des arbres plutôt que de laisser échapper Pompée. »

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Cependant une attaque malheureuse contre les lignes des pompéiens faillit amener un désastre. César reconnut enfin que sa position n'était plus tenable : les vivres allaient lui manquer tout à fait, et Scipion, qui arrivait d'Orient avec deux légions, faisait en Thessalie des progrès menaçants. En allant accabler ce chef, César comptait entraîner à sa suite les pompéiens devenus trop confiants; et peut-être trouverait-il une occasion de livrer bataille. Dans tous les cas, il gagnerait de l'espace, il ramasserait des vivres, et

éloignerait l'ennemi de sa flotte. Comme il l'avait prévu, Pompée le suivit, et les deux armées se trouvèrent en présence près de Pharsale. Pompée voulait encore éviter une action décisive; mais les jeunes nobles qui l'entouraient trouvaient cette campagne bien longue, et tant de circonspection leur était suspecte. On l'appelait Agamemnon, le roi des rois; et Favonius s'écriait qu'on ne mangerait pas cette année de figues de Tusculum, parce que Pompée ne voulait pas si vite abdiquer. Déjà l'on se disputait les dignités comme si l'on eût été à Rome, et quelques-uns envoyaient retenir les maisons le plus en vue autour du forum, pour de là mieux briguer. Fannius voulait les biens d'Atticus, Lentulus ceux d'Hortensius et les jardins de César. Domitius, Scipion, Lentulus Spinther se disputaient chaque jour avec aigreur le grand pontificat de César. « Ainsi, dit celui qui fit évanouir tous ces rêves, au lieu de s'occuper des moyens de vaincre, ils ne pensaient tous qu'à la manière dont ils exploiteraient la victoire. »

Pressé par ces clameurs, Pompée se décida à livrer bataille. César n'avait que 22 000 légionnaires et seulement 1000 cavaliers, contre une infanterie double en nombre et une cavalerie septuple. Il forma de son armée quatre lignes: les deux premières devaient aborder l'ennemi; la troisième, servir de réserve, et la quatrième faire face en arrière contre la cavalerie. Il avertit les vétérans qu'il plaça de ce côté que de leur courage et de leur sang-froid dépendrait la victoire: «Soldat, leur cria-t-il, frappe au visage!» Il savait que les jeunes nobles, qui allaient mener la charge, craindraient plus la difformité d'une blessure que le déshonneur de la fuite. Lui-même il se plaça au milieu de sa dixième légion, que les cavaliers de Pompée lui avaient promis d'écraser sous les pieds de leurs chevaux. L'action s'engagea d'abord sur le front de la bataille; quand la cavalerie pompéienne eut rompu celle de l'ennemi et tourné son aile droite, César donna le signal à la quatrième ligne qui chargea avec tant de vigueur et d'adresse que les cavaliers, surpris de cette attaque imprévue, tournèrent bride et s'enfuirent. Du même pas les cohortes se portèrent sur l'aile gauche et l'envelop

pèrent: César saisit cet instant pour lancer sa réserve toute fraîche. Les pompéiens ne purent soutenir le choc et se débandèrent. Pompée, dès le moment où il avait vu sa cavalerie repoussée, s'était retiré dans sa tente désespéré et inactif. Tout à coup il entend des clameurs qui s'approchent : « Quoi, s'écria-t-il, jusque dans mon camp!» Et jetant les insignes du commandement, il sauta sur un cheval et s'enfuit par la porte décumane jusqu'à l'embouchure du Pénée, d'où il fit voile vers Mitylène (9 août 48).

Malgré les efforts de César pour arrêter le massacre, 15000 hommes étaient tués. «Ils l'ont voulu, disait-il en traversant ce champ de carnage, j'étais perdu si j'eusse cédé. » Dès que le succès fut décidé, il défendit qu'on tuât un seul citoyen, et il reçut en grâce tous ceux qui implorèrent sa pitié: 24 000 hommes furent faits prisonniers. Après quelques jours d'incertitude, Pompée s'était décidé à aller chercher un asile en Égypte, pays facile à défendre; et d'où il pourrait communiquer avec les Parthes s'il était nécessaire, et avec Varus et Juba, maîtres de la Numidie et de l'Afrique romaine.

Quand Pompée arriva en vue de Péluse avec environ 2000 hommes, l'eunuque Photin et le général Achillas furent d'avis de le recevoir avec honneur en souvenir des services qu'il avait jadis rendus au père du jeune roi; mais un autre ministre, Théodore, rejeta la pensée d'unir les destinées de l'Égypte au sort d'un fugitif, et une barque fut envoyée au Avaisseau sous prétexte de conduire le général auprès du roi. Pompée y descendit. Avec Achillas, s'y trouvaient deux centurions romains, soldats de fortune, à la solde de Ptolémée. Du haut de sa galère, Cornélie suivait des yeux la barque qui déjà touchait au rivage; tout à coup elle jeta un grand cri. Septimius passant derrière son époux venait de le frapper de son épée, Salvius et Achillas achevaient le meurtre. Quand Pompée tomba, ils lui coupèrent la tête el jetèrent hors de la barque sur le rivage le corps dépouillé. Le lendemain, son affranchi Philippe et un pauvre vieillard ramassèrent les débris d'un bateau pêcheur pour lui faire un bûther. De la pleine mer Lentulus aperçut la flamme. « Quel

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