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moyenne de 500 du Danube au Sahara. Les diverses provinces qui le composaient, violemment rattachées les unes aux autres par la conquête, manquaient encore de l'union que donnent des institutions générales, et de l'esprit national, du patriotisme qui pouvaient bien difficilement se former au sein d'une si vaste domination. Auguste reconnut cette cause de faiblesse et se garda d'accroître son empire par de nouvelles victoires; ses successeurs l'imitèrent, et, Trajan excepté, aucun empereur ne dépassa les limites que la nature elle-même avait fixées : l'Atlantique, le Rhin, le Danube, l'Euphrate, les cataractes du Nil, les déserts de l'Afrique et l'Atlas. L'empire n'acquit réellement depuis Auguste que la Bretagne jusqu'au mur des Pictes et la Dacie. On avait cependant formé plusieurs provinces nouvelles, soit aux dépens des anciennes ou des pays alliés, soit avec les nouvelles conquêtes; de sorte que leur nombre avait été porté de 20 à 87 environ1.

La division en provinces de l'empereur et en provinces du sénat subsistait; mais les dernières ne s'étaient pas accrues depuis le partage fait par Auguste. D'ailleurs l'empereur était absolu dans les unes comme dans les

autres.

4. C'étaient, outre celles qui ont été nommées, p. 388, les deux Germanies, les Alpes maritimes, la Rhétie, le Norique, la Masie, les deux Pannonies, divisées, sous Vespasien ou Trajan, en Pannonie supérieure et en Pannonie inférieure, la Galatie avec la Lycaonie, la Pamphylie avec la Lycie, créées sous Auguste; la Cappadoce, sous Tibère; la Numidie, sous Caligula; les deux Mauritanies; a Judée, sous Claude; les Alpes Cottiennes, sous Néron; la Gallicie avec l'Asturie, la Thrace, les Iles et la Comagène, sous Vespasien; la Bretagne, sous Domitien; la Dacie, l'Arménie Mineure, l'Arménie Majeure, l'Assyrie, la Mésopotamie et l'Arabie, sous Trajan; à une époque incertaine, la Transpadane. Adrien abandonna la grande Arménie, l'Assyrie et la Mésopotamie; mais Avidius Cassius, sous Marc Aurèle, recouvra la Mésopotamie. C'est depuis Adrien surtout que les démembrements de provinces devinrent fréquents. Ce prince divisa lui-même l'Italie, moins les environs de Rome (Urbicaria regio), en 4 consulariats: 4° Ombrie, Toscane et Picénum; 2° Campanie et Samnium; 3o Apulie et Calabre; 4° Lucanie et Bruttium. Il détacha l'Épire de l'Achaïe, la Phénicie de la Syrie et fit deux Mœsies. Après Jui on trouve deux Rhéties, une Vénétie, détachée peut-être au siècle de la Transpadane, une Thessalie et deux Thraces.

Voies militaires, camps, fortifications des frontières.

Héritiers des censeurs de la république, les empereurs continuèrent les ouvrages qu'ils avaient commencés. Auguste donna une attention particulière à la réparation ou à la continuation des voies romaines. Toutes les routes de l'Italie furent, par ses ordres et souvent à ses dépens, remises en bon état, et tandis qu'il chargeait Agrippa d'en percer de nouvelles à travers la Gaule, lui-même conduisit jusqu'à Gadès la voie qui traversait les Pyrénées orientales. Ses successeurs l'imitèrent, et l'empire se trouva couvert d'un réseau immense de routes militaires, qui rendirent la surveillance plus prompte, la défense plus facile et qui aidèrent à la rapide propagation de la civilisation romaine dans toutes les provinces.

Sur ces routes étaient disposées, de distance en distance, des stationes et des mansiones, où les relais et toutes les choses nécessaires à la rapidité et à la sûreté du voyage étaient préparés avec soin, et à une époque où ce système, tout récent encore, n'avait pas reçu les perfectionnements qui lui furent donnés dans la suite, particulièrement par Trajan, Tibère fit 200 milles en 24 heures, de Lyon jusque dans la Germanie, pour aller recevoir les derniers soupirs de son frère Drusus1.

L'empire avait rendu les armées permanentes parce qu'une grande force militaire était l'indispensable appui du despotisme; mais il les avait utilisées en les envoyant en face des barbares. S'il ne voulait pas reculer ses frontières, il entendait du moins qu'elles fussent bien défendues. Ses légions furent donc, pour la plupart, rangées le long du Rhin, du Danube et de l'Euphrate, où elles s'établirent dans des camps, qui devinrent peu à peu des villes importantes,

4. Mais ces postes ne servaient qu'aux agents du gouvernement ou à ceux qui obtenaient une permission spéciale. Les Romains firent peu de canaux,

car on ne savait pas alors construire des écluses. Cependant on connaît la Fossa Drusiana, qui faisait communiquer le Rhin avec le lac Flevo; la Fossa Corbulanis, canal de 23 milles d'étendue entre la Meuse et le Rhin.

comme Castra Regina (Ratisbonne), Batavia Castra (Passau, etc., etc.

L'Asie eut aussi dans l'Osrhoène, tout le long de l'Euphrate et dans l'Arabie Pétrée; l'Afrique, dans la Tripolitaine, et l'ancien pays des Numides et des Maures, une ligne de postes fortifiés, destinés à surveiller les Barbares, à contenir les nomades. Quelquefois, au lieu des forts, on bâtissait un mur continu, comme celui d'Adrien, qui consistait en deux lignes parallèles de retranchements, munis chacun d'un fossé, et entre lesquels était tracée une voie militaire, le mur septentrional ayant 12 pieds de haut et 8 de large. On y comptait 81 tours de 65 pieds de diamètre, et entre elles une foule de bastions; 23 châteaux forts servaient de camps retranchés aux troupes qui gardaient la muraille. Un autre retranchement s'élevait entre le Rhin et le Danube. Cet immense ouvrage, d'une étendue de 5 à 600 kilomètres, commencé par Drusus, s'étendait du nord au sud, depuis Bonn et jusqu'à ce qu'il rencontrât le Danube, non loin de l'embouchure du Nablis (Naab). Il était formé, tantôt par une muraille garnie de tours de milie en mille, et dont le pied était défendu par un fossé, tantôt par des palissades élevées sur le revers d'un fossé, et que gardaient des châteaux forts bâtis de distance en distance. Le retranchement dacique, moins important que les précédents, n'était qu'une simple levée de terre palissadée qui courait à travers toute la vallée septentrionale du Danube.

Des flottilles armées étaient encore entretenues sur les grands fleuves qui servaient de limites, dans le Pont-Euxin et les deux mers de l'Italie.

Attitude hostile des Germains et des Perses.

Ces précautions étaient nécessaires, car au Ie siècle, la Germanie avait pris une position menaçante. Les anciennes ligues des Chérusques et des Marcoman's étaient dissoutes,, mais d'autres plus formidables les avaient remplacées. Des Alamans, mélange de diverses tribus suéviques, avaient formé, dans le sud-ouest de la Germanie, un peuple belliqueux et hardį, et au nord les Alamans, entre le Mein, le Rhin et le

Wéser, les Chauces, les Amsibares, les Chérusques, les Chamaves, les Bructères, les Cattes, les Attuariens et les Sicambres avaient donné naissance à la confédération des FRANCS qui attaqueront sans cesse les postes du bas Rhin, comme les Alamans menaceront ceux du haut Rhin et de la Rhétie. Enfin, au nord-est, se montraient, depuis les frontières des Chérusques, jusqu'à la péninsule cimbrique, les SAXONS, qui, séparés de la Gaule par les Francs, iront en piller les côtes sur leurs barques. A l'est, les GOTHS sont déjà arrivés sur le Danube et remplacent, mais d'une manière plus dangereuse pour Rome, les Daces vaincus par Trajan, comme les FRANCS et les ALAMANS ont succédé aux anciennes ligues des Chérusques et des Suèves. Les tribus VANDALES restent encore sur les rives de l'Oder et sur les bords de la Baltique. Quant aux SUÈVES, ils subsistent toujours au centre de l'Allemagne, mais leur rôle est fini; s'ils prennent part aux grands mouvements qui se font autour d'eux, ce n'est pas comme nation indépendante, mais en se mêlant aux peuples voisins, en allant, perdus au milieu d'eux, à la conquête de l'empire romain.

Au moment où la Germanie s'organisait ainsi pour l'attaque, l'avénement des Sassanides rendait à la monarchie persane sa vieille religion, sa caste sacerdotale des mages et son esprit guerrier et fier. L'Euphrate allait donc se trouver aussi menacé que le Rhin et le Danube.

Autorité absolue des empereurs; impuissance du sénat; nullité du peuple.

A ce double danger qui s'élevait sur la double frontière de l'empire et qu'ont déjà révélé les luttes de Marc Aurèle et d'Alexandre Sévère, a répondu dans le gouvernement impérial un mouvement de concentration. Le principe monarchique s'est dégagé des formes républicaines qui l'enveloppaient encore. Plus de délibérations publiques. Le sénat subsiste toujours, mais Adrien a transféré ses pouvoirs à son conseil (consistorium principis), lequel traite en secret toutes les affaires importantes; et ies jurisconsultes ont déjà déclaré que la volonté du prince était la loi. Ainsi s'était constitué le des

potisme le plus absolu dans les affaires civiles, politiques et religieuses, car l'empereur était chef de la religion comme il l'était des armées, du sénat et des fonctionnaires de tout ordre. Il avait à la fois pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire.

Ce despotisme s'appuyait sur les légions, principalement sur les prétoriens qui, se sachant nécessaires, faisaient payer leur protection par un donativum et des gratifications répétées, souvent même renversaient un empereur pour les plus légers motifs, et vendaient sa succession. Leur chef, le préfet du prétoire, était devenu la seconde personne de l'empire. Mais depuis Adrien cette charge était partagée entre deux titulaires. Avec les prétoriens, le despotisme se défendait; avec les délateurs et les accusations de majesté, il attaquait. Singulier spectacle que celui d'une tyrannie si complète sortant du milieu d'une république qui longtemps parut vivre encore. L'explication de ce phénomène est simple. L'empire n'avait pas d'institutions générales qui liassent le prince en même temps que les sujets, et, de plus, la société romaine était double, il y avait la société politique et la société civile l'une, formée de 5 à 600 familles nobles ou riches, que l'empereur décimait parce qu'il en était sans cesse menacé; l'autre composée de la masse du peuple et des provinciaux. Sur ceux-ci, l'empereur avait, par le droit de la conquête, une autorité absolue qui ne pouvait tarder à s'étendre aussi par la seule force des choses, sur la minorité que faisait le peuple romain. Quelque temps cette usurpation se cacha sous les formes républicaines; mais la réalité se trahit bientôt, et alors il ne cessa plus de sortir du sein de l'ancienne bourgeoisie souveraine des conspirations et des assassinats. De là une lutte affreuse et les boucheries de l'amphithéâtre transportées au milieu du sénat. Mais audessous de cette région des tempêtes et des révolutions, les provinciaux vivaient calmes, à peu près heureux, et appuyaient un gouvernement qui, en donnant la paix et l'ordre à 100 millions d'hommes, avait singulièrement favorisé les progrès de la civilisation et du bien-être. Tibère, Domitien n'avaient pas été haïs dans les provinces; même sous les

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