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mèmes. Si nous croyons au contraire que c'est Dieu qui nous afflige, à qui devons-nous de la soumission qu'à lui? Il nous avertit lui-même de nous réjouir de ce qu'il veut bien avoir la bonté de nous éprouver. «Je châtie, dit-il, ceux que j'aime 1. » Heureux le serviteur que le Seigneur lui-même s'empresse de corriger, qu'il daigne prendre soin de châtier et qu'il ne veut pas laisser dans l'erreur en dissimulant ses fautes.

Nous sommes donc obligés en toute manière de nous exercer à la patience; car de quelque côté que nous arrivent les occasions de pratiquer cette vertu, soit qu'elles viennent de notre imprudence ou des embûches du démon, ou des châtimens aimables du Seigneur, la récompense en est toujours grande et tend à notre bonheur. En effet, qui est-ce que JésusChrist appelle bienheureux, si ce n'est les hommes patiens? «Heureux, dit-il, les pauvres d'esprit, car le royaume du ciel est à eux 2. >> Or, nul ne saurait être pauvre d'esprit qu'il ne soit humble, et nul ne peut être humble qu'il ne soit patient, d'autant que personne ne saurait s'humilier sans commencer par souffrir avec patience l'humiliation même. «Heureux ceux qui pleurent 3.» Or comment pourraient-ils supporter les sujets de leurs pleurs sans la patience? C'est pour cela aussi qu'on leur promet la consolation et la joie. «Heureux ceux qui ont de la douceur 4. » Il est clair que les impatiens ne sont pas de ce caractère. «Heureux ceux qui ont l'esprit pacifique, car ils sont appelés enfans de Dieu 5. » Croyez-vous que les impatiens puissent avoir la paix dans le trouble de leur impatience? Enfin quand le Seigneur dit: « Réjouissez-vous, faites éclater votre joie, lorsque le monde vous maudira et vous persécutera, parce que la récompense qui vous attend dans le ciel est très-grande.» On voit assez que cette joie n'est point promise à l'impatience, parce qu'on ne saurait se réjouir dans l'adversité, si l'on ne s'est mis au-dessus de l'adversité, ce qu'on ne saurait faire sans être armé de patience.

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vera cette paix si précieuse ? Pensez-vous qu'il pardonnera aisément à son frère, «je ne dis pas jusqu'à sept fois, mais encore jusqu'à septante fois sept fois 1? » Celui-là a-t-il intention de payer ses créanciers, quand il leur fait cent chicanes devant le juge pour éluder le paiement? Comment remettrez-vous les dettes de votre prochain, afin qu'on vous remette les vôtres, si, oubliant les règles de la patience, vous ne faites attention qu'au tort qu'on vous a fait? Non, non; tandis que vous garderez quelque ressentiment dans votre cœur, vous ne sauriez offrir à l'autel un don agréable à Dicu. Il faut auparavant avoir recours à la patience pour vous réconcilier avec votre frère. Nous risquons beaucoup si le soleil se couche sur notre colère: ainsi malheur à nous si nous passons seulement un jour sans la vertu de la patience".

S'il est donc vrai, comme nous venons de le montrer, qu'elle gouverne pour ainsi dire les autres vertus chrétiennes, faut-il s'étonner qu'elle seconde aussi la pénitence dans les occasions où celle-ci vient au secours de ceux qui sont tombés? Ainsi lorsque deux personnes mariées ont fait divorce (c'est-à-dire qu'elles se sont séparées pour une cause légitime qui permette à l'homme et à la femme de passer quelque temps dans une espèce de chaste veuvage), la patience attend, désire, demande la pénitence pour ces personnes, afin qu'elles puissent rentrer dans la voie du salut. Quel bien ne procure-t-elle pas à tous les deux ? Elle empèche l'un de devenir adultère, et au même temps elle corrige l'autre. C'est encore sous la figure d'un secours salutaire qu'elle nous est représentée dans les différentes paroles où Jésus-Christ nous offre tant de beaux exemples du véritable patient. La patience du bon pasteur cherche et trouve enfin la brebis perdue 3: l'impatience aurait compté pour rien une brebis; mais la patience prend volontiers la peine de la chercher et de la porter sur les épaules, souffrant doucement la faute de cette brebis égarée. C'est aussi la patience d'un père tendre et charitable qui va recevoir l'enfant prodigue, qui lui fait un festin, qui l'excuse auprès d'un frère impatient et irrité. Il est ressuscité cet enfant malheureusement perdu; il est ressus

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cité parce qu'il s'est repenti, et la patience l'a, toire qui apaise Dieu par un sacrifice d'humilia

sauvé parce que la patience a secouru la péni

tence.

Quant à ce qui regarde la charité, on le sait, elle est comme le grand sacrement de notre foi, le trésor inestimable de notre religion, la vertu souveraine que l'apòtre nous recommande avec un zèle tout brûlant du feu du Saint-Esprit. Mais cette vertu, toute excellente qu'elle est, n'est-elle pas formée, pour ainsi parler, dans l'école de la patience ?« La charité, dit saint Paul, est magnanime 1;» c'est un effet de la patience. «Elle est bienfaisante; » la patience ignore ce que c'est que de faire du mal. « Elle n'est point jalouse; » c'est ce qui convient parfaitement à la patience. «Elle n'est point arrogante; » sa modestie lui vient de la patience. «Elle ne s'enorgueillit point; elle ne traite personne avec mépris; elle ne cherche point ses intérêts;» au contraire elle sacrifie en faveur du prochain; « elle ne se met point en colère.» En un mot, elle n'a rien laissé à l'impatience. C'est pourquoi, ajoute l'apôtre, « la charité souffre tout, elle tolère tout,» sans doute parce qu'elle est patiente. C'est donc très-justement qu'il est dit que la charité ne finira jamais 3. » Les autres choses auront leur fiu. Langues, sciences, prophéties cessent, périssent, sont anéanties : « la foi, l'espérance, la charité demeurent.» La foi, c'est-à-dire cette connaissance infaillible que la patience de Jésus-Christ nous a communiquée; l'espérance, c'est-à-dire cette assurance de la gloire que la patience de l'homme attend continuellement; la charité, c'est-à-dire cet amour surnaturel que la patience accompagne, suivant les préceptes de Dieu notre souverain maître.

XIII. Jusqu'ici nous avons parlé de la patience en tant qu'elle regarde l'àme particulièrement. Voyons maintenant combien la patience, en tant qu'elle regarde le corps, contribue à nous mériter les richesses et l'amitié du Seigneur, puisqu'il a donné aussi à notre corps des forces suffisantes pour pratiquer cette admirable vertu. L'esprit, qui est en nous comme le conducteur, communique une partie de sa charge au vaisseau qu'il habite. En premier lieu les afflictions corporelles sont une hostie expia

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tion, lorsque la chair'se contentant d'un peu de pain et d'eau fait an Seigneur une offrande de sa pauvreté et de son abstinence; lorsqu'à cela elle joint des jeûnes fréquens; enfin lorsqu'elle passe les jours dans le sac et dans la cendre. En second lieu cette patience rend nos prières plus efficaces, et sert à détourner les malheurs dont nous demandons d'être délivrés; elle ouvre les oreilles de Jésus-Christ notre Dieu; elle adoucit sa sévérité; elle excite sa clémence. Ainsi ce superbe roi de Babylone', qui avait irrité le Seigneur, fit un généreux et utile sacrifice de patience par l'humiliante et rigoureuse pénitence qu'il fit pendant un exil de sept ans, durant lequel il vécut avec les animaux, séparé de toute société humaine; et par une si rude expiation il recouvre son royaume, et, ce qui est plus important, cette satisfaction le fit rentrer en gråce avec Dieu.

Outre cela, si nous voulons parcourir les autres degrés plus élevés et plus utiles de la patience, nous trouverons qu'elle contribue beaucoup à la sainteté par le moyen de la continence. Oui, c'est cette patience corporelle dont nous parlons qui contient une veuve dans son devoir; qui conserve à une jeune personne la fleur de sa virginité; qui élève enfin jusqu'aux cieux un eunuque volontaire. La vertu de l'âme se perfectionne dans le corps, comme la patience du corps triomphe plus glorieusement dans les persécutions. Est-on contraint de s'enfuir, c'est le corps qui essuie toutes les incommodités de la fuite. Est-on enfermé dans une prison, c'est le corps qui est chargé de chaînes; c'est le corps qui souffre les chevalets; c'est le corps qui couche sur la dure; c'est le corps enfin qui endure la peine de ne voir le jour qu'à travers une petite fente de muraille, et qui périt insensiblement dans l'ordure et dans la misère. Lorsqu'il faut paraître au champ de bataille pour éprouver heureusement ses forces contre les tyrans, lorsqu'il s'agit d'ètre lavé dans un second baptème, lorsqu'il faut monter à ce degré difficile qui fait passer subitement de la terre au ciel, alors il n'y a rien qui soutienne plus que la patience corporelle. « L'esprit est fort,» je l'avoue; mais il est vrai aussi que la

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chair est faible sans la patience, par laquelle l'âme et le corps trouvent infailliblement leur salut 1. Ainsi lorsque le Seigneur a dit que la chair est faible,» il a voulu nous apprendre ce qui la fortifie, c'est-à-dire la patience, laquelle comme un appui inébranlable soutient tout le poids des tourmens qu'on emploie pour abattre la foi des chrétiens, ou pour éprouver leur constance. C'est en effet cette vertu qui triomphe des fouets, du feu, des chevalets, de la férocité des lions, de l'épée des bourreaux, de la violence des supplices. C'est elle qui a fait remporter la victoire aux prophètes, aux apòtres et aux martyrs.

XIV. Soutenu par les forces de la patience, Isaie est scié en deux, et ne cesse de louer le Seigneur au milieu de cet horrible tourment 2. Étienne est lapidé, et demande pardon pour ses ennemis. Job, le généreux Job, s'estime infiniment heureux dans le violent combat où il est obligé d'employer toutes les armes de la patience pour soutenir les plus furieuses attaques de l'enfer déchaîné contre lui3. Rien ne peut l'abattre. Que ses troupeaux lui soient enlevés ; que ses granges soient brûlés; que ses enfans soient écrasés sous les ruines d'une maison; que son corps soit horriblement couvert de mille ulcères; ce sont à la vérité des coups accablans mais en vain le démon déploie toute sa rage et toutes ses forces pour ébranler Job; il demeure inébranlable cet homme patient qui avait mis toute sa confiance en Dieu. Tant de disgraces ne lui firent jamais perdre de vue le Seigneur. Sa fermeté fut toujours victorieuse, pour nous servir d'un exemple authentique de patience, et pour nous apprendre que, soit que nous souffrions dans le corps ou dans l'âme, ni la ruine des biens terrestres, ni la perte de nos proches, ni d'autres semblables afflictions, ne doivent point nous abattre. Quel glorieux trophée ! Dieu ne l'élèvera-t-il pas alors dans la personne de Job contre l'orgueil du démon ? Quelle éclatante victoire ne remporte-t-il pas sur cet ennemi de sa gloire divine? Lorsque Job, à toutes les fàcheuses nouvelles qu'il apprenait, se contentait de dire humblement, la

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volonté de Dieu soit faite; lorsque, fatigué des reproches de sa femme et des mauvais conseils qu'elle s'empressait de lui donner dans ce comble de malheurs, il ne lui répondait autre chose, sinon : « vous ne pensez pas à ce que vous dites. »Quel spectacle! Dieu est dans l'allégresse, si j'ose m'exprimer ainsi 1. Le démon crève de rage lorsque cet illustre malheureux couché sur son fumier ôte avec une tranquillité incompréhensible le pus qui couvre toutes les parties de son corps; lorsque, rongé par une fourmilière de vers, il se contente de ramasser ceux qui tombent et de les remettre dans les endroits d'où ils sont tombés. C'est ainsi qu'il émousse avec la cuirasse et le bouclier de la foi tous les traits de l'esprit tentateur; c'est ainsi qu'il recouvre la santé du corps, et le double des biens qui lui avaient été enlevés 2. S'il eût même désiré que ses enfans lui fussent rendus, il aurait pu de nouveau être appelé leur père; mais il aima mieux que cette joie lui fût réservée pour le grand jour de l'éternité, se confiant en la promesse de Dieu touchant la résurrection générale. En un mot, il voulut souffrir cette perte, toute douloureuse qu'elle était, afin de ne vivre jamais sans exercer la patience.

XV. Il est donc vrai qu'on ne perd rien avec cette vertu, et Dieu lui-même en est un garant fidèle; car si vous remettez entre ses mains l'injure qu'on vous a faite, le dommage qu'on vous a causé, la douleur que vous ressentez, la mort qu'on vous fait souffrir, il vous vengera, il vous rétablira, il vous guérira, il vous ressuscitera. Admirable avantage de la patience que d'avoir un Dieu pour dépositaire de nos peines et de leurs récompenses! N'en soyons point surpris; c'est elle qui défend les vertus les plus agréables au Seigneur, et qui sert le plus à l'observation de ses commandemens. Elle fortifie la foi, elle amène la paix, elle aide la charité, elle instruit l'humilité, elle attend la pénitence, elle met le sceau à la douloureuse confession de nos fautes, elle gouverne la chair, elle dirige l'esprit. Elle arrête la médisance, elle empêche les rapines, elle triomphe des tentations, elle coupe la racine aux scandales, elle consomme le martyre. Elle fait la conso

1 Job., 2.- [b., 4.

lation du pauvre, inspire la modération du riche, soutient le faible, encourage le fort, réjouit le fidèle, attire le gentil à la foi, rend le serviteur cher à son maître et le maître cher à son serviteur. Elle fait l'ornement des femmes et la gloire des hommes. On l'aime dans un enfant, on l'estime dans un jeune homme, on l'admire dans un vieillard; enfin elle charme dans tout âge, dans tout sexe, dans toute condition.

Voulez-vous encore voir son portrait, son air, sa parure, si je puis m'exprimer de la sorte? Elle a un visage doux et paisible, un front serein et uni sur lequel ni la colère ni la tristesse ne forment jamais de nuages; les sourcils sont toujours rians et les yeux toujours baissés, non par honte, mais par modestie; sa bouche est scellée, pour ainsi dire, de l'inviolable sceau du silence; sa colère est celle des personnes qui ne se sentent coupables de rien. Si elle remue quelquefois la tète, c'est pour marquer le mépris qu'elle fait du démon; si elle rit, c'est pour insulter à cet esprit tentateur. D'ailleurs ses vêtemens sont si purs et si justes, qu'on n'y remarque jamais ni tache ni enflure. Elle est assise sur le trône de son maître, dont l'esprit infiniment doux et tranquille n'est jamais agité par aucun tourbillon, ni obscurci par aucun nuage; mais qui, au contraire, paraît toujours clair, toujours serein, toujours pur et tel qu'Élie le vit la troisième fois. Enfin où est Dieu, là se trouve aussi la patience, qui est instruite par lui. Lors donc que l'Esprit saint descend dans nos cœurs, la patience sa compagne inséparable descend avec lui. Si nous la recevons avec cet Esprit divin, il demeurera toujours en nous, et il ne persévérera pas dans nos cœurs sans cette chère et fidèle compagne. Loin d'elle nous serons toujours dans le trouble, et nous ne saurions résister aux attaques de l'ennemi,

si nous lui ôtons l'instrument nécessaire pour les repousser.

XVI. Telle est la règle et la pratique de cette vertu céleste que le christianisme nous propose, bien différente de cette patience fausse et terrestre qui fait toute la vertu des gentils; car en ceci, comme en toute autre chose, le démon a essayé d'être le rival de Dieu. Il a voulu, cet esprit jaloux, inspirer aux siens une certaine patience qui égalât la patience chrétienne. Il est vrai que dans leur différence il y a quelque sorte de rapport, l'une étant aussi mauvaise que l'autre est bonne. Il a donc tȧché de leur inspirer une espèce de patience; par exemple, celle qui soumet à la puissance des femmes certains maris qui se sont vendus pour une grosse dot, ou qui font un trafic infame de l'honneur de leurs épouses; ou bien cette patience qui fait essuyer, avec de fausses démonstrations d'amitié, des services pénibles et humilians, pour attraper l'héritage d'une personne qui n'a point d'enfans; ou bien cette patience qui expose un mirérable parasite à souffrir làchement cent outrages pour un repas, qu'il achète au prix de sa liberté et de son honneur. Voilà les différentes espèces de patience que connaissent les gentils. Ils donnent le nom d'une si sainte vertu à des exercices bas et ignominieux: quelle folie! Toujours prêts à tout endurer de la part d'un rival, d'un homme riche, d'un hôte orgueilleux, ils n'ignorent que la science de souffrir pour Dieu. Mais laissons ces infortunés patients de la terre, dont la patience sera bien plus rigoureusement exercée dans l'autre monde par un feu dévorant. Pour nous, chérissons la patience de Dieu et celle de Jésus-Christ. Rendons-lui ce qu'il nous a prêté lui-même. Offrons-lui la patience de notre âme et de notre corps, puisque nous croyons à la résurrection du corps et de l'âme.

AUX MARTYRS.

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I. Illustres confesseurs de Jésus-Christ, destinés au martyre pendant que l'Église notre mère et notre maîtresse est tout occupée à vous procurer les alimens dont vous avez besoin pour sustenter votre corps, et que vos frères vont dans votre prison vous faire part du fruit de Jears travaux chacun selon ses facultés, souffrez que je contribue aussi en ce que je puis au soulagement de votre àme; car, vous le savez, en vain on nourrit la chair si l'esprit manque de nourriture, et si l'on prend soin des infirmités corporelles, on doit à plus forte raison pourvoir aux maladies de l'âme, beaucoup plus dangereuses que celles du corps. Mais qui suisje pour oser vous donner des instructions? Souvenez-vous cependant que les plus braves gladiateurs se laissent quelquefois animer nonseulement par leurs maîtres et leurs directeurs, mais encore par des étrangers et par des gens sans habileté ; le peuple les encourage de loin, et souvent, tout peuple qu'il est, sa voix est plus efficace que celle des maîtres de l'art.

Pensez donc premièrement à ne point attrister le Saint-Esprit qui vous a accompagnés dans vos cachots; car s'il n'y était entré avec vous, certainement vous n'y seriez pas enfermés aujourd'hui2. Ainsi faites en sorte qu'il demeure toujours avec vous, et que de ce triste lieu il vous conduise à la gloire du Seigneur. Je sais que la prison est souvent la forteresse du diable, où les siens sont enfermés; mais pour vous, sacrés athlètes, vous n'y êtes entrés que pour triompher de cet orgueilleux ennemi dans sa forteresse même vous l'aviez déjà terrassé ailleurs. Qu'il n'ait donc pas la gloire de dire: Ils sont chez moi; je les réduirai par la faim, par l'ennui, par des dissensions mutueiles. Qu'il fuie devant vous; qu'il aille se cacher

'On donnait dans la primitive Église le nom de martyr non-seulement à ceux qui avaient succombé aux persécutions, mais à ceux qui avaient souffert.

• Eph., 4.

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dans ses cavernes profondes, honteux et rampant comme un de ces serpens venimeux que l'on chasse par des enchantemens. Qu'il ne soit pas assez heureux pour vous combattre chez lui: mais qu'il vous trouve toujours prêts et armés des armes de la charité. Votre paix est sa plus cruelle guerre: paix au reste si désirable et si précieuse, que plusieurs d'entre les fidèles ont accoutumé d'aller dans les cachots prier les martyrs de la leur obtenir pour rentrer dans la communion de l'Église. Vous devez donc conserver cette charité et cette paix parmi vous, afin que vous puissiez en faire part aux autres.

Je souhaite d'ailleurs que les autres embarras de l'esprit ne vous aient suivis que jusqu'aux portes de la prison; vos parens ne vous ont pas aussi accompagnés plus loin. C'est là que vous vous êtes séparés du monde. Ne soyez pas fàchés de lui avoir dit adieu. Si vous considérez que le monde est lui-même une véritable prison, vous comprendrez que vous-mêmes vous êtes plus tôt sortis de prison que vous n'y êtes entrés. En effet, votre cachot est obscur? le monde est couvert de plus épaisses ténèbres qui aveuglent l'esprit. Vous êtes dans les fers? le monde porte des chaînes beaucoup plus pesantes qui accablent une âme. Votre séjour est infect? le monde respire de méchantes odeurs infiniment plus insupportables; ce sont les scandales et les débauches des voluptueux. Vous ètes confondus avec des criminels? le monde renferme un plus grand nombre de coupables, je veux dire tout le genre humain. Enfin votre vie dépend d'un proconsul dont vous attendez la sentence? le monde a bien plus à craindre dans l'attente des terribles jugemens de Dieu.

II. Concluez donc, illustres confesseurs, que vous n'avez fait que passer d'une prison à un asile. J'avoue que votre demeure est obscure; mais vous-mêmes vous êtes une vive lumière. Vous êtes chargés d'entraves; mais vous êtes libres en Dieu. Vous respirez un air infect; mais vous

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