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l'esprit quelque chose de grand, ou s'est voulu | animaux, et en prendre un, à tout le moins,

moquer de nous, abusant du nom. Il n'y a rien de si sec que cet insecte, encore les puces onteles quelque peu de suc : le caméléon n'en a point. Ce n'est que peau, encore bien mince et délicate, et on dira qu'il vit; qui le croira? Il n'a point de cou; la tête tient immédiatement au dos: c'est pourquoi il ne la saurait tourner; ce qu'il ne peut faire de cette partie, il le fait des yeux qu'il a exprès hors de tête. Ce sont deux petits points de lumière, qu'il ne laisse jamais en repos, et qu'il roule toujours, les tournant ça et là. Je ne sais quelle pesanteur et quelle lassitude qui lui est naturelle, le tiennent tellement contre terre qu'il se lève à peine; on travaille moins à remuer quelque lourde machine, qu'il ne fait à se mouvoir; il est longtemps à mettre un pied devant l'autre ; un pas lui coûte nombre d'efforts, on voit bien qu'il a fait du chemin, mais on ne l'a pas vu marcher; le mouvement de l'aiguille, qui marque les heures à la montre, n'est pas plus imperceptible que le sien; aussi est-il toujours à jeun et affamé: cependant, qui l'a vu jamais défaillir? Il se nourrit à force de bâiller, il remâche perpétuellement l'air qu'il hume; quand il s'enfle et qu'il rejette, quand il se veut désenfler, tout son aliment n'est que vent et fumée. Cela n'empêche pas néanmoins qu'il ne soit fort changeant, il paraîtra tout autre qu'il n'est, sans cesser aucunement d'être ce qu'il est. Il a cela de propre de n'avoir de couleur que celle qu'ils emprunte des choses qu'il touche; comme elles sont diversement colorées, il prend aussi diverses teintures; est-il contre quelque pierre, il l'imite et l'exprime si parfaitement sur sa peau, que vous diriez véritablement que c'est une pierre: après, s'est-il approché d'une plante, les impressions sont si vives, si naturelles et si imperceptibles, que Yous discerneriez malaisément entre elle et le cameléon qui la représente. Mais bien qu'il soit teint en couleur de pierre ou de plâtre, et qu'il semble ne tenir rien de l'animal, ne vous trompez pas, c'est toujours lui-même, tant il est vrai qu'il n'appartient qu'à lui de se jouer, comme on dit, de sa peau.

Ayant à dire combien l'homme, qui est le plus noble des animaux, est changeant et variable, il fallait premièrement parler de la variété et bigarrure qui se trouve dans les autres

de chaque espèce, et qui fût un des plus muables. Ce roi des animaux ne change pas de plumes; il n'en a pas il retient toujours le même sexe et la même peau, et s'il a à changer d'âge, ce n'est pas de la décrépitude à l'adolescence: mais de l'adolescence à la décrépitude, du berceau au tombeau, dont il ne lui est pas possible de reculer d'un moment, quand l'heure est venue: de quoi est-ce donc qu'il change? d'habits. Donnez-lui quelque origine que vous voudrez, qu'il soit sorti des mains de Dieu, qui a créé toutes choses, c'est la croyance des chrétiens; ou de celles de Prométhée, c'est la vôtre. Personne ne doute que son ouvrier ne l'ait fait tout nu, il avait trop bonne opinion de son ouvrage pour le voiler, et tous les traits en étaient trop délicats pour les cacher, l'air était en ce temps-là d'un tempérament qui ne pouvait offenser celui de l'homme, ternir sa beauté, ni faire sur sa peau quelques impressions moins agréables. L'ambition ne l'avait point encore corrompu, et la nudité ne lui pouvait déplaire, sur laquelle il n'avait encore pas fait de réflexion. Il était sans habit, ce fut ainsi qu'il plut à son ouvrier, et que l'ouvrier fut satisfait de son ouvrage. Mais, à le prendre selon les termes de l'histoire, non pas de la fable, c'est-à-dire dans la croyance des chrétiens, que la vérité même a enseignés, non pas des infidèles que le démon, auteur du mensonge, a trompés, ce premier et nouvel homme voulut hâter le cours de la Providence, et aller contre la défense que Dieu lui avait faite de manger du fruit de l'arbre qui donnait la science du bien et du mal. Étant donc devenu sage avant le temps et contre l'ordre, il rougit sur-le-champ à la vue de son corps, et courut à un figuier pour prendre des feuilles et en couvrir promptement ce qu'il ne pouvait regarder sans confusion. On le chassa incontinent de ce lieu, où, s'il eût attendu la Providence et obéi à la loi, il eût été l'origine immortelle d'une lignée fortunée et heureuse comme lui. Il se couvre d'une peau aussitôt, et s'habille de cuir, comme un criminel condamné aux mines en effet, la terre lui devait être ce que la mine est à un coupable, un supplice qui l'exercerait lui et sa postérité, tout le temps de leur vie.

Mais il ne faut pas étaler ces perles devant

tout le monde, il y en a qui sont de la nature des animaux immondes, qui font litière des choses qui sont les plus précieuses. C'est pourquoi tout le monde ne mérite pas qu'on leur développe tant de mystères. Je veux parler maintenant selon vos sentimens, et aux termes que vos faiseurs d'histoires vous en ont fait accroire. C'est le conte que les Égyptiens font ordinairement, ce qu'Alexandre, qui l'avait appris de Bérose, couche avec beaucoup de soin et d'ordre dans son histoire, ce que vous lisez tous les jours, qu'Ammon, qui fut un des plus riches de son temps en troupeaux, se retira en Égypte, sous le règne d'Osiris : Mercure était pour lors en la cour de ce prince égyptien, voici à votre avis le secret. Il rencontre un mouton par hasard, le manie, et ayant senti avec plaisir combien la laine en était molle et délicate, il écorche une jeune brebis, prend la toison, et fait ce que la facilité de la matière lui persuade, voyant que la laine suivait les doigts, et que plus il la tirait, plus elle se rendait pliable. Il forma un fil semblable à ceux du Tillet dont on faisait autrefois les cordes. Isis, mère d'Osiris, avait toujours les yeux sur Mercure, et remarqua si bien tout, qu'elle trouva l'usage de filer la laine, de l'ourdir et en faire des habits.

Cependant, de Carthage, comme si ce n'était pas à Isis que vous fussiez redevables d'une si belle invention, vous avez mieux aimé suivre le caprice des Grecs que d'être justes et équitables. N'attribuez-vous pas à Minerve ce qui est dù seulement à Arachné, vous savez la dispute qu'eurent autrefois ces deux filles touchant le fil et l'aiguille, qui ferait mieux une toile, une tapisserie et autres ouvrages semblables. Minerve ne réussit pas si bien en son entreprise qu'Arachné, qui emporta le prix sans difficulté. Un fil ne passait pas l'autre dans sa trame, et il n'y avait point de partie où les règles de l'art ne fussent parfaitement gardées. Ce n'est donc pas là ce que la diligence de cette habile ouvrière, qui avait si glorieusement vaincu Minerve, attendait de vous? Vos ancêtres n'ont pas été moins injustes en cette cause, et on ne vous peut rien reprocher dont ils n'aient été les inventeurs ou les approbateurs.

Depuis ce temps-là, on n'a point cessé de diversifier les matières, on ne s'est pas contenté de se couvrir de laines de Milet et de Selge,

villes d'Asie, d'Altin en Italie, de Tarente, vil de Calabre et de Grenade, province d'Espagn Elles sont très-excellentes et n'ont pas beso de passer par la teinture pour être employée particulièrement celles de Tarente, qui so extrêmement noires, et celles de Grenade dont l'écarlate ne s'éteint jamais.

Toutefois il a fallu tirer des arbres de quoi s vêtir; ne s'habille-t-on pas avec le lin, qui es une sorte de plante? on le met dans l'eau, il s défait de son vert, après il devient blanc; on! file, on l'ourdit, on le tisse, et voilà le linge qui est le plus délicat de nos habillemens. O pêche des toisons même dans la mer, ce ne son pas seulement les Sères, peuple de la Chine qui nous fournissent de soie et de coton, & sont les coquilles, principalement celles qu sont les plus larges; elles sont revêtues d'un mousse qui ressemble fort à la laine, comme d'une chevelure, c'est ce que le luxe recherche si avidement et achète si cher; car il n'y a peut-être aucune nacre dont la pêche ne coûte la vie d'un homme. Tellement que ce n'a pas été assez pour se vêtir de planter des arbres ni de semer du lin et du chanvre, si on ne pêchait encore, dans les gouffres les plus creux de la mer, de quoi contenter la passion d'un homme orgueilleux et adonné au luxe.

Il n'est pas que vous n'ayez souvent ouï par ler du ver à soie : représentez-vous un petit animal qui s'écoule et se dissipe lui-même en une infinité de petits filamens dont il remplit l'air; il s'en faut bien que l'araignée soit aussi ingénieuse que lui; il y a sans comparaison bien plus d'artifice dans sa toile que dans celle de cet autre insecte : l'astrologie n'est pas plus. régulière dans ses cadrans, qui semblent obliger le soleil de nous rendre compte de ses voyages. Vous voyez des lignes qu'il nous décrit en l'air, où il emploie une partie de sa substance, et dont il fait le centre, elles sont disposées les unes près et au travers des autres, avec tant de proportion que leur distance entre elles et la grandeur des mailles qu'elles font se travestissant, croissent à mesure qu'elles s'éloi gnent du point d'où elles partent. A-t-il ainsi tendu sa toile ou plutôt ses filets, comme s'il se jouait et qu'il eût a divertir des spectateurs par un secret tour de passe-passe, il fait disparaltre en un moment tout son ouvrage. Nos charlatans

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sont pas plus habiles dans les traits les plus merveilleux de leur métier. Son estomac est le e où il replie et resserre toute cette riche archandise qu'il ne tient pas longtemps cachée, mais qu'il développe et étale incontinent He Gaprès, avec beaucoup plus d'abondance et de

beauté qu'il ne l'avait produite le premier coup. res de Néanmoins cela n'arrive pas toujours. Il dégé elinère peu à peu avec son travail qui l'épuise se enfin de suc et d'humeur; il se forme des ailes blande sa soie, et prend la forme d'un papillon; ce il n'est plus un ver enseveli dans sa coque, c'est lenn nécydale qui vole : c'est pourquoi si vous le r.euez de bonne heure, lorsqu'il n'a pas encore e la beaucoup filé, vous lui trouverez dans le ventre tale riche fuseau qu'il a avalé, et le dévidant, Vous aurez un peloton de soie très vivement colorée.

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Voilà bien des sortes d'étoffes; mais la main qui les a toutes mises en œuvre depuis n'a pas été moins ingénieuse que celle qui les a tirées de l'air, de l'eau et de la terre; si cette main en a tant tiré d'un même élément et de si différentes, celle-là les a travaillées si diversement, qu'on He s'habille jamais d'une même façon, et qu'il ya toujours quelque nouvelle mode qui plaît davantage que les premières.

Au commencement qu'on ne se mettait en peine que des choses nécessaires, et de qui on ne se pouvait passer sans beaucoup d'incommodité, c'était assez d'être couvert, n'importait pas comment, pourvu que ce fut commodément et sans être beaucoup offensé des injures de l'air; se vit-on à l'abri du mauvais temps, et suffisamment pourvu contre la nécessité, on trouva qu'on n'était pas assez libres dans ces premiers vêtemens, que l'action et le mouvement n'étaient pas faciles, qu'on n'avait ni grâce ni façon, et qu'on n'était pas tant habillé qu'on était enseveli. Que fit-on, on chercha les moyens de s'accommoder encore mieux, et on trouva la #propreté et la grâce avec l'aisance dans les ha

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bits. Mais les uns ont voulu paraître plus richement que les autres; c'était trop peu à ces esprits ambitieux d'ètre propres ou gracieux, s'ils ne l'étaient autrement que les autres, et d'une manière qui les distinguât tout à fait d'avec ceux qu'ils estimaient moins qu'eux; s'ils n'étaient donc habillés d'une plus riche étoffe et d'une façon toute particulière. Ainsi le désir d'être

commodément, proprement et magnifiquement est cause de toutes les diverses modes qu'il y a eu depuis dans le monde.

Nous pouvons réduire toutes ces diverses modes à deux chefs, l'un de celles qui sont communes; l'autre de celles qui sont particulières les particulières sont de chaque nation, que l'habit ne distingue pas moins que le langage, et qui porte chacune le sien, seulement en usage dans le pays; les communes sont de toutes ensemble, indifféremment. Elles peuvent, outre l'habit du pays, prendre, par exemple, le manteau que je porte; il est de mise partout, et vous ne trouverez point de canton où il n'y ait quelqu'un qui le porte.

Je sais bien que c'est l'habit des Grecs; les plus sages qui fussent parmi eux s'en servaient, et c'était le privilége des philosophes d'aller par la ville en manteau, tant la sagesse était, à leur opinion, bien logée dessous; mais maintenant qu'on parle grec en Italie, ne puis-je pas dire que l'habit des Grecs y est entré avec leur langage, et que les Latins n'eussent pas estimé bien parler ce langage sous un autre habit que le manteau? Je dis bien plus, que les Latins lui ayant donné un nom en leur langue, et l'ayant appelé pallium, ils en ont autorisé l'usage et montré qu'on avait autant de droit de le porter à Rome que dans Athènes, et qu'il n'y avait pas moins de sages en Italie qu'en Grèce. S'il fut ainsi nommé lors qu'on ne le portait pas encore, et bien longtemps avant que les Italiens s'en servissent, il le fallait connaître premièrement, et apprendre avec le nom la dignité qui lui soumettrait un jour les épaules de ce peuple, à l'heure qu'il serait plus grand et plus sage.

Combien a t-on vu à Rome de philosophes, de médecins, d'orateurs et de grammairiens emmantelés? Caton même, qui avait été si ennemi des Grecs et de leur langue, voulut faire de la robe un manteau. Il y avait quelques années qu'il avait obligé, par édit solennel, les Grecs qui étaient de son temps à Rome, et qui enseignaient les lettres grecques, d'en sortir, avec expresses défenses d'y rentrer jamais. Mais comme il eut goûté après les délices de cette langue, et admiré l'agréable diversité du dialecte, quoiqu'il eût déjà un pied dans le tombeau, il ne rougit pas néanmoins de consacrer

les derniers momens de sa vie à l'étude des

auteurs qui l'avaient le mieux parlée, et de mourir Grec, lui qui n'avait voulu vivre que Latin. Lorsqu'il était préteur, ne répara-t-il pas en quelque sorte le tort qu'il avait fait aux Grecs? Il portait sa robe en guise de manteau; il avait toujours l'épaule droite toute découverte, et agençait si bien sa robe, que vous l'eussiez prise pour un manteau, lui pour un philosophe, et son prétoire pour une école : il ne faisait rien cependant qu'il ne fût obligé de faire, c'était l'avantage que sa dignité lui donnait, et qui lui était commun avec les consuls et les pontifes; ils portaient leur robe comme les plus cyniques de la Grèce portaient leur manteau: on appelait cela se ceindre à la gabinienne; tant il est vrai que ce que Tertullien fait dans le christianisme trouve des exemples même dans les actions des plus sages personnes de votre gentilité.

IV. Mais si ce que tout le monde s'est toujours persuadé est véritable, qu'il importe de vivre à la romaine, et d'être habillé à Carthage comme on l'est à Rome (je parle à ceux de Carthage, qui sont les plus persuadés et les plus scrupuleux en ce point), pourquoi imiter les Grecs avec tant d'affection et de plaisir, dans ce qui les a ainsi corrompus, et donner place à la dissolution sous la robe, qui semblait n'en avoir trouvé que sous le manteau ? Est-ce bien imiter les Romains, que de leur vouloir seulement ressembler d'habit? n'est-ce pas très-mal imiter les Grecs que de ne leur vouloir point du tout ressembler d'habit, et de leur ressembler parfaitement dans tout ce que la volupté qui les a perdus leur a pu suggérer.

Dites-moi, de grâce, à quoi s'exerce-t-on maintenant à Carthage, à courir, à lutter et à se battre. C'est pour cela qu'on se souille de boue, qu'on se roule dans la poudre, et qu'on n'use que de viandes sèches: comme si cette abstinence donnait plus de force et d'agilité, comme si la poudre donnait plus de prise, et la boue en donnait moins sur un antagoniste. Mais encore, à quoi servent tous ces pénibles et fàcheux exercices? Certes à rien, sinon à s'user le corps, à perdre les forces et la santé, à avancer la vieillesse, et à mourir après mille maladies trèscruelles. C'est ce qui est arrivé aux Grecs, de qui vous tenez la lice, la lutte et l'escrime. Il n'y en a point d'autres qu'eux qui vous aient appris à vous exercer si mal : s'il y en a quel

ques-uns, nommez-les-moi, et me dites en q endroit du monde ils habitent. Non, c'est Grèce qui a été si contagieuse à l'Afrique, et a appris à tant de provinces,si utilement exerc autrefois, à si mal user des forces que la nat leur avait seulement données pour cultiver terre, et qu'elles n'emploient plus à prése qu'à leur ruine.

Étant proches de ceux de Numidie com vous êtes, et quasi Numidiens, serait-il croy ble que vous eussiez appris d'eux à vous fai raser de si près, et si généralement en tout les parties où croît le poil, qu'il n'y ait que haut de la tête exempt du rasoir ? Pour moi, ne le saurais croire; je sais trop bien que Numidiens ne haïssent rien tant que le poil ra et qu'ils n'aiment rien plus au contraire que poil long. Qu'ils aient du poil tant que vou voudrez, ils n'en auront jamais assez, tout leur chevelure a beau être longue et épaisse ils en souhaitent avoir davantage; autrement pourquoi porter sur leur casque une second chevelure, et se couvrir la tête d'une queue de cheval au lieu de plumes? Les voyant de loin sous cette affreuse crinière, qu'ils agencent et éparpillent dessous leurs cheveux qui pendent jusqu'à la ceinture, vous diriez que ce sont autant de lions qui ont le crin hérissé et qui se précipitent de fureur.

S'ils usaient de poix-résine, et de pincettes comme vous, s'ils se brûlaient et s'arrachaient le poil comme vous faites, s'ils n'en laissaient point au menton, ni aux autres endroits où ils croît, seraient-ils bien si velus qu'ils sont, auraient-ils bien tant de barbe, nous paraîtraientils si hideux ? au moins ne verrait-on pas tant de mentons gris ni de têtes blanches. On y remédierait avec ces pincettes qu'on a inventées exprès, pour corriger en ceci les vices de l'âge. Les ayant toujours en la main comme vous les avez, pensez-vous qu'il ne fissent pas autant d'efforts de leur main que l'âge leur fait changer de cheveux, et qu'ils ne s'en privassent d'autant, s'il y en avait quelqu'un blanc ou gris. Ils n'en feraient pas moins avec la poix à toutes les autres parties de leur corps. Cette matière gluante et ardente emporterait tout, et ne laisserait pas la racine d'un poil. Vous n'avez donc point d'exemple parmi les Numidiens pour défendre cette damnable et ignominieuse

tume, et vous justifier du crime dont vous coupables, faisant violence à la nature, et blant l'ordre qu'elle apporte au discerneit des âges. Si vous n'aimez mieux vous ataer l'invention des pincettes et vous donner loire de vous être avisés les premiers d'un el usage qu'on fait à présent de la poix-ré, il faut avouer que vous tenez l'un et l'autre Grecs, qu'ils ont inventé cette sorte d'iniment et commencé à si bien user de cette tière; ils sont les exemples que vous avez is, il n'y en a point après eux que vous siez alléguer.

uand ils inventèrent la lutte, l'onction et le me de vivre des lutteurs, le rasoir et les ettes, et trouvèrent un nouvel usage de la -résine; tandis qu'ils ont pratiqué une si invention et continué un si louable usage, taient en manteau. Quel prodige donc, ô thaginois! que vous ayez retenu toutes ces Ateuses marques de luxe des Grecs, et si le nteau en est une des plus apparentes, que s l'ayez rejeté. Il y a, croyez-moi, tant de on entre la lice, l'huile, la boue, la poudre, viandes sèches, le rasoir, les pincettes, la et le manteau, qu'il y a de quoi s'étonner ous voir frotter d'huile, de boue et de poumanger si sec, courir, être partout si és, et après tout être sans manteau. Savezis bien que tout le droit qu'ont ceux d'Asie de aseret de se tondre ainsi, de s'exercer comme 5 vous exercez, de faire ce que vous faites, un privilége qui n'appartient qu'au man

ils n'ont fait part de ces délices qui les effeminés qu'aux Grecs, c'est-à-dire à ceux portent le manteau.

épondez-moi un peu, Carthaginois, perez, ô Romains, que je vous fasse cette dede, qui êtes-vous? qui sont les Grecs et qui hantent le Lycée et le Portique? quel jort entre vous et eux ? qu'ont-ils pour méd'être imités de vous? je ne parle qu'à deux, à vous, o Romains, qui êtes venus au it de grandeur où vous êtes; ayant triomphé uxe avant d'avoir triomphé des peuples que uxe avait corrompus: pour vous, CarthagiCarthagi5, si vous n'avez dégéneré, qui n'avez pas ins de vertu que de courage, et qui partiez au bonheur de Rome, lui ayant donné ir remplir le trône qu'elle s'est élevé sur

toutes les nations, un prince africain de naissance, mais véritablement romain de vertu. A quoi bon chercher la bonne grâce ailleurs que chez vous, qui attirez sur vous les yeux de tout le monde, et dans d'autres exercices que ceux qui vous ont rendus les plus glorieux de la terre. Toutes ces mignardises et afféteries sont l'amusement et l'occupation des esclaves, pourquoi haïr tant leur habit, et aimer si passionnément leurs sottises: si l'habit n'est pas honnête, il n'y a que ces sottises qui le rendent infâme. Cependant vous avez si peu de considération, que comme si les Grecs n'eussent été ridicules qu'en portant le manteau, et non pas en faisant ces sottises, il n'y a que le manteau que vous condamniez et qui soit indigne de vous en vérité, c'est ce que je ne puis comprendre. Est-on plus Grec, et pour parler d'une nation débauchée en termes sortables, plus déshonnête et dissolu en portant le manteau, qu'en s'arrachant le poil, la barbe et les cheveux? c'est se moquer, l'habit ne les a pas gâtés, il n'y a que les mœurs qui les aient perdus.

Ce n'est pas la coutume qui fait que la nouveauté des habits soit un crime, c'est la nature. Quand l'ambition et la volupté masquent les hommes, en leur donnant un autre visage que le naturel, quand on se déguise sous les dépouilles d'un autre sexe que le sien, alors on fait tort à la main qui nous a formés, et on confond la diversité bien ordonnée de la nature, qui conserve l'espèce par la distinction du måle et de la femelle. Il y a certes bien à dire entre l'honneur qu'on doit au temps et à la religion; c'est à la coutume d'être fidèle au temps, et à la nature d'être fidèle à Dieu. Ce que le temps exige de la coutume, c'est de s'opposer au changement et à la nouveauté, et de maintenir ce qu'il a une fois introduit dans le monde, c'està-dire la façon de s'habiller, comme les anciens s'habillaient. Ce que Dieu exige de la nature, c'est que personne n'altère rien de la forme qu'il nous a donnée une fois, que chacun ne semble que ce qu'il est, et que ce qu'il a été fait, et que l'art n'ajoute rien aux traits et aux linéamens qui sont naturels. Quant à la coutume, il suffit de s'accommoder au temps; il est variable, la

1 Sévère,

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