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I

exposée aux amertumes de la faiblesse humaine, jusqu'à la mort, mais qui n'était point sujette à tomber par la mort. Aussi l'Écriture ajoute, qu'il parlait du temple de son corps1, tant il est vrai que c'est la chair que la mort couche dans le sépulcre, et certes la chute qu'elle souffre a donné sujet de nommer le corps mort du nom de cadavre; au contraire, comme l'âme vit toujours, et qu'elle ne tombe point, elle n'a point de nom qui soit une preuve de vicissitude et de changement en elle en effet, c'est elle qui, sortant du corps par un petit souffle, cause toute sa destruction et le prive de toutes les fonctions de la nature, comme c'est encore elle qui rentrant dans ce même corps le tira du sein de la terre: celle-là certes, ne peut tomber qui entrant dans le corps le ressuscite, et celle-là ne peut périr, qui sortant du corps lui donne le coup de la mort. Je veux presser encore davanlage mon raisonnement; et je dis que l'âme ne tombe pas même dans le sommeil avec le corps, et qu'alors elle veille sans souffrir les abattemens de la chair. Et de vrai, lorsque le corps repose, elle s'agite et se travaille; que si elle était endormie comme la chair, elle reposerait comme elle, et elle serait endormie avec la chair si elle tombait avec elle dans le sommeil; puisqu'il est donc évident qu'elle ne tombe point dans l'image de la mort, l'on ne peut dire qu'elle soit soumise à la vérité de la condition mortelle. Après avoir examiné le premier mot de l'édit, considère maintenant le second, et prends garde à quelle substance la dénomination de morts se peut rapporter, en quoi d'abord nous disons, et quelquefois les hérétiques attribuant la mortalité à l'âme, nous admettons ce sentiment pour en argumenter contre eux, et conclure que si l'âme étant mortelle comme ils le supposent, elle ressuscitera un jour, c'est un préjugé que la chair, qui n'est pas moins mortelle, participera comme elle à la résurrection. Mais il faut rendre le mot à sa signification propre et naturelle : la résurrection se dit de ce qui a perdu son être, c'est-à-dire de la chair qui n'est plus, et par conséquent elle se dit de ce qui est mort, puisqu'en tant qu'on la nomme la résurrection des morts, elle regarde ce qui a perdu son être, et qui n'est plus : nous

18. Matth., 26.

l'apprenons ainsi d'Abraham, ce père des fidèles, cet homme que Dieu a honoré de son amitié, et avec qui il a eu tant de familiarité; car demandant aux enfans de Chet une place pour en faire le sépulcre de Sara : « Accordez-moi, dit-il, que j'use du même tombeau que vous, et j'y enterrerai mon mort1, » c'est-à-dire la chair. Car supposé même que l'on crût l'âme mortelle, et qu'on la pût juger digne d'être nommée un mort, Abraham n'eût pas demandé un espace de terre pour inhumer une âme. Que si c'est le corps qui est mort, quand on dit la résurrection des morts, l'on entend sans doute la résurrection des corps.

XIX. Comme l'examen de cette inscription, et des termes dans lesquels elle est conçue, en conserve la foi, la vérité, il pourra servir pour confondre l'erreur de nos adversaires qui brouillent les choses les plus claires sous prétexte d'énigmes et de figures, et fera que l'autorité demeure à ce qui est le plus manifeste, et que les choses incertaines se règlent par celles qui ont le plus de certitude. En effet, il y a de certaines gens qui tombant sur ce caractère fort ordinaire du langage des prophètes, qui est souvent, mais non pas toujours dans les allégories et les figures, détournent à un sens imaginaire ce que les prophètes annoncent manifestement de la résurrection des morts, soutenant que la mort même se doit entendre spirituellement, que la vraie mort ce n'est pas cette séparation de la chair et de l'âme qui paraît à nos yeux, et qu'elle n'est autre que l'ignorance où l'homme est enseveli lorsqu'il ne connaît point Dieu2, et qu'étant mort à Dieu, il croupit dans son erreur comme dans un sépulcre; que la résurrection qu'il faut défendre est celle que l'on reçoit lorsque après avoir pénétré la vérité jusque dans le fond, on prend un nouvel esprit et une nouvelle vie en Dieu, et que dissipant la mort de l'ignorance l'on s'élève comme du sépulcre du vieil homme; que de là vient que Notre-Seigneur a comparé les scribes et les pharisiens à des sépulcres blanchis3; que de cette sorte ceux qui ont reçu la résurrection par la foi sont avec Dieu, ayant été revêtus de Jésus-Christ au sacrement de baptême. Voilà quel est l'esprit des adversaires ; et c'est avec de

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semblables discours qu'ils abusent souvent les nôtres dans les conférences qu'ils ont avec eux, comme si eux-mêmes ils admettaient la résurrection des morts: « Malheur, disent-ils, à celui qui ne sera pas ressuscité dans cette chair, de peur de les offenser et les choquer d'abord, si d'abord ils niaient la résurrection, » Cependant, dans le fond de leurs cœurs et le secret de leur conscience, ils ont une autre pensée; «Malheur, disent-ils dans leur intérieur, à celui qui, pendant qu'il est vivant dans cette chair, ne connaît et ne pénètre pas nos mystères, » c'est-à-dire leurs sentimens hérétiques; car selon eux, la résurrection est toute mystérieuse et en figures. Plusieurs d'entre eux, soutenant la résurrection après la séparation de l'âme, disent que sortir du sépulcre c'est s'échapper du siècle, parce que le siècle est la demeure des morts, c'est-à-dire de ceux qui ne connaissent pas Dieu, ou bien que sortir du sépulcre, c'est se délivrer de la prison du corps, parce que le corps est comme un sépulcre qui retient l'âme captive et enfermée dans la mort de la vie du siècle,

XX. Pour ruiner donc ces interprétations et les argumens qui s'en tirent, je veux combattre ce qu'ils établissent pour un premier fondement, à savoir, qu'en tout ce que les prophètes ont dit, ils se sont toujours énoncés dans un sens figuré, et je soutiens que s'il était ainsi et qu'ils n'eussent point aussi supposé les vérités sur lesquelles les figures et les images doivent être tirées, l'on ne pourrait reconnaître dans les ouvrages de ces grands hommes les images et les figures, Et de vrai si toutes choses étaient des figures, qu'est-ce que seraient les choses dont elles sont les figures? Un miroir peut-il représenter un visage qui n'est point? Mais il est si vrai que tout n'est pas image dans les prophètes, et qu'il y a aussi des vérités, que tout n'y est pas ombre, et qu'il y a aussi des corps, qu'ils parlent plus clair que le jour des choses les plus illustres de la vie et de la mort de Notre-Seigneur. Il est écrit que la Vierge conçu dans son ventre; ce n'est point par figure. Il est écrit qu'elle a enfanté Emmanuel Dieu avec nous, Jésus notre Sauveur1, ce n'est point dans un sens figuré; et s'il est dit dans un sens figuré qu'il recevra la vertu de Damas, et les

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dépouilles de Samarie, il est dit dans un se propre et manifeste qu'il sera jugé par la facti des prêtres et des princes du peuple, Certes nations se sont remuées en la personne Pilate1; les peuples ont fait de vains projets ont formé des desseins inutiles en la person d'Israël, les rois de la terre se sont émus, c'e le vieil Hérode, les grands se sont assemblé c'est la conspiration d'Anne et de Caiphe cont le Seigneur et son Christ; ce Sauveur, comm une ouaille innocente, a été conduit sous tranchant du glaive pour être égorgé, il a ét mené comme un agneau sans voix devant cel qui avait le ciseau à la main pour le dépouille de sa laine, c'est-à-dire devant le jeune He rode; non, il n'a point ouvert la bouche no plus qu'un agneau, pour se plaindre des traite mens indignes qu'il souffrait ; il a présenté so dos aux fouets qui l'ont déchiré et mis tout e sang 3; il a reçu, sans trouble, les soufflets qu ont outragé sa divine face; il n'a point détourne les yeux des crachats qu'on lui a lancés insolemment sur le front; il a été placé au milieu de deux brigands; on lui a percé les mains et les pieds 4; sa robe a été jetée au sort; il a goûte d'un breuvage tout plein d'amertume; il a été exposé à des mépris et des railleries; et un traître a mis à prix sa tête précieuse pour trente pièces d'argent 5. Y a-t-il rien en toutes ces choses qui soit en figure dans Isaïe, en image dans David, en énigme dans Jérôme? Je dis même que quand ils parlent de ses miracles, ce n'est point par paraboles : car la vue n'a-t-elle pas été rendue aux aveugles, et les muets n'ontils pas reçu l'usage libre de la voix et de la langue? Des mains toutes sèches et des jambes sans mouvement n'ont-elles pas recouvré leur vigueur et leurs forces? Les boiteux n'ont-ils pas presque égalé l'agilité du cerf, par la vitesse de leurs pieds? Il est vrai que nous avons accoutumé d'entendre même ces choses spirituellement par rapport aux vices de l'âme que NotreSeigneur a guéris, mais puisque ces mêmes choses ont aussi été vraiment accomplies dans la chair, cela fait voir que les prophètes ont parlé dans le sens propre comme dans le sens

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iguré; ils ont même des façons de parler toutes | çon obscure et ambiguë, puisqu'il est sans diffi

simples et toutes nues, et qui ne se cachent point sous le voile de l'allégorie, comme quand is prédisent les calamités des provinces et des villes, la désolation de Tyr, de l'Égypte, de Babylone, de l'Idumée, la ruine du grand et fameux commerce des navires de Carthage 1, lorsqu'ils représentent les plaies d'Israël, les bienfaits que cette nation ingrate a reçus de la honté de Dieu dans le pardon de ses crimes, ses diverses captivités, la délivrance qu'elle a obtenue tant de fois dans l'extrémité de ses maux, et enfin son châtiment effroyable en sa dernière dispersion 2; lors, dis-je, qu'ils annoncent toutes ces choses, leurs paroles sont des vérités. Qui est-ce qui aimerait mieux entendre ces passages comme des figures, que de reconnaître que ce sont des vérités littérales? Les choses sont enfermées dans les paroles, afin qu'en lisant les paroles, on y aperçoive la vérité des choses. Ainsi l'éloquence des prophètes n'est pas partout dans l'allégorie, et en tout ce qu'ils disent ils ne se servent pas toujours du style figuré, quoiqu'ils en usent quelquefois, et qu'il y ait des choses où ils s'en servent,

XXI. Mais, dis-tu, s'ils s'en servent en quelques choses, pourquoi non dans l'édit de la résurrection, et quelle répugnance y a-t-il à ce que, selon cette façon de s'exprimer des prophètes, on ne la prenne dans un sens tout spirituel? certes il y a beaucoup de raisons qui résistent à celte interprétation; car premièrement que deviendraient tant de témoignages des écritures, qui établissent si clairement la résurrection des corps, qu'ils n'admettent aucune apparence d'explication par figure? et n'est-il pas convenable, comme nous avons déjà dit, qu'il y ait des choses certaines et manifestes qui fondent la créance des choses obscures et incertaines, de peur même que dans le doute de ce qui est certain ou incertain, obscur ou manifeste, la foi ne se perde, la vérité ne soit en péril et qu'enfin la divinité ne soit notée de légèreté et d'inconstance? En second lieu, il n'est point vraisembla ble que ce mystère qui est la base de toute notre foi et le fondement de toute notre discipline, nous ait été annoncé sous des voiles et des ténèbres, et que Dieu nous l'ait proposé d'une fa

1 Isaïe, 13, 19, 21 et 23. — a Isaïe, 24, 25 et 28.

culté que si l'espérance de la résurrection n'était évidente, soit quant à la félicité qu'elle promet, soit quant aux peines dont elle menace, elle ne porterait personne à embrasser une religion telle que la nôtre, qui est exposée à la haine publique, et à qui l'on donne cet éloge d'ètre l'ennemie de tous les hommes. Il n'y a point d'ouvrier qui travaille fidèlement si son salaire est incertain, et il n'y a point de juste sujet de craindre un péril qui est douteux. Quelle apparence y a-t-il donc que la résurrection des corps nous ait été prédite sous des expressions dont le sens soit caché, puisque la récompense ou la peine qui nous regarde dépend de l'avénement sensible et apparent de cette résurrection? Que si les prophètes ont parlé si clairement en lançant sur les villes, les nations, et les rois, les traits de la justice de Dieu, et prononçant ses jugemens qui n'étaient que pour un temps, et qui ne regardaient que de certains lieux et de certaines personnes, peut-on se persuader que les dispositions éternelles de sa providence, que les choses qu'il a ordonnées universellement sur tout le genre humain, aient évité de paraître à découvert, et dans l'éclat de sa lumière? au contraire, plus ces choses sont grandes, plus elles devraient être environnées de clarté, afin d'établir plus puissamment dans l'esprit des hommes l'opinion de leur grandeur. Je pense, au reste, que les décrets de Dieu ont une souveraine équité, une foi et une fermeté inébranlables, et qu'on ne lui peut imputer ni jalousie, ni mauvaise intention, ni inconstance, ni artifice et déguisement, qui sont les défauts ordinaires des grands de la terre dans la publication qu'ils font pour leurs desseins de leurs ordonnances et de leurs lois.

XXII. Après cela il faut jeter la vue sur les écritures, qui ne nous permettent pas de croire que selon la pensée de ces hommes animaux, pour ne pas dire spirituels, la résurrection se reçoive dès à présent içi bas par la connaissance de la vérité, ou qu'elle se fasse immédiatement après que l'on est sorti de cette vie : je dis donc que le temps de l'accomplissement de notre félicité, qui est le terme de notre espérance, étant marqué par les saintes lettres, comme il ne nous est point permis d'en attendre l'effet avant l'avénement de Jésus-Christ, nous faisons cepen

dant des vœux et nous poussons au ciel nos soupirs pour la fin des siècles, pour ce passage sage de l'univers au grand jour du Seigneur 1, jour de colère et de rétribution, jour le dernier de tous les jours, jour caché, qui n'est connu qu'au Père éternel, jour enfin que les prophètes ont marqué par les signes et les prodiges qui le doivent précéder, par le renversement des élémens, par la guerre entre toutes les nations. Je feuilletterais leurs livres, si Notre-Seigneur n'en avait point parlé lui-même. Il est vrai que la prophétie c'était la voix de Notre-Seigneur, mais il est encore mieux que Notre-Seigneur l'ait confirmée de sa propre bouche. Ses disciples s'enquérant de lui du temps auquel devait arriver la ruine du temple dont il leur venait de parler, il leur fait la déduction de ce qui se passerait dans la suite des temps, commençant par les temps des Juifs jusqu'à la destruction de Jérusalem, et continuant par ceux de toutes les nations jusqu'à la consommation des siècles. Car après avoir dit: «alors les gentils fouleront aux pieds Jérusalem, et cela durera jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli 2,» c'est-à-dire des nations que Dieu choisira et assemblera avec les restes d'Israël, il passe à ce qui regarde tout le monde et tous les siècles, annonçant selon la parole de Joël et de Daniel, et de tous les prophètes, qu'il y aura des signes au soleil et en la lune3, que toutes les nations se verront accablées de malheurs, et se trouveront dans une étrange désolation, que l'on entendra un bruit épouvantable sortir des abîmes de la mer, que les hommes frémiront de crainte, et seront tout de glace dans l'attente des choses qui menaceront la face de l'univers; «en effet, dit-il, les vertus qui sont dans les cieux souffriront une terrible émotion, et alors on verra le Fils de l'homme paraître dans les nues revêtu de puissance, de gloire et de majesté ; et quand ces extrêmes révolutions commenceront, c'est alors qu'il faut que vous regardiez en haut et que vous leviez la tête, parce qu'en ce moment votre rédemption sera proche. » Il dit quand ces choses commenceront, et non pas quand elles seront achevées, parce que quand elles seront

'Sophon., 1; Isaïe, 61; Job, 19; S. Matth., 24.

2 S. Luc, 21.-3 Joël, 2 ; Daniel, 7; Abac, 3; Isaïe, 13; Ezéch., 32; S. Matth., 21.

achevées, alors notre rédemption sera préser et jusqu'à ce qu'elles soient achevées, on seulement que la rédemption est proche, demption dont l'espérance élève et excite cep dant nos esprits à en recueillir les fruits sont prêts à nous combler de joie. C'est po quoi Notre-Seigneur joint à tout ce discours parabole des arbres dont le bois tendre aya jeté la tige, produit ensuite les fleurs, q sont les avant-coureurs du fruit 1. « Ainsi quar vous verrez, ajoute-t-il, que toutes ces chos arriveront, sachez que le royaume de Dieu e proche; veuillez donc continuer, afin que vou soyez dignes de les éviter, et que vous compa raissiez devant le trône du Fils de l'homme, ce qui s'entend par la résurrection, et après qu tout ce qui doit se faire sera accompli. De cett sorte, quoique la plante mystique de la résur rection commence à pousser dès à présent par la connaissance que nous avons de ce mystère, elle ne sera toutefois en sa perfection et ne produira ses fleurs et ses fruits que lorsque nous comparaîtrons devant Dieu au jour de son jugement. Qui est-ce donc qui avant ce grand jour a excité si hors de saison et si cruellement Notre-Seigneur, séant à la droite de Dieu, ouvrir la terre, comme parle Isaïe2, elle qui, comme je crois, est encore tout entière? Qui est-ce qui a fait des ennemis de Jésus-Christ l'escabeau de ses pieds, suivant la parole de David 3, comme s'il était plus prompt que son Père à lui donner l'honneur du triomphe, tandis que les assemblées des peuples s'écrient encore en tumulte que l'on jette les chrétiens à la gueule du lion ? Qui est-ce qui a vu Jésus descendant du ciel tel que les apôtres l'ont vu y montant 4, selon le témoignage des anges qui assistèrent à son ascension? Les tribus ne se sont point encore animées jusque aujourd'hui à se frapper la poitrine5, reconnaissant celui qu'elles ont traité si indignement; il n'y a personne qui ait reçu Hélie; personne n'a pris la fuite devant la face de l'Antechrist; personne n'a pleuré sur la ruine de Babylone6; enfin y a-t-il quelqu'un qui soit ressuscité, si ce n'est selon l'imagination des hérétiques, qui se figurent de vaines résurrections, au lieu de croire

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celle qui sera seule la véritable résurrection? Certes, Jésus-Christ est déjà sorti du sépulcre de son corps, et toutefois il est peut-être encore sujet aux fièvres et aux ulcères, il a déjà foulé x pieds ses ennemis, et toutefois il a peut ètre à combattre contre les puissances du monde, et enfin il est certain qu'il règne et qu'il est dans la possession de son empire, peut-être néanmoins qu'il doit encore à César ce qui est do à César 1.

XXIII. Il est vrai que l'apôtre écrivant aux Colossiens 2, nous enseigne qu'autrefois nous étions morts, que nous étions rebelles et ennemis de Dieu, que nous nous éloignions de lui sans avoir soin de nous en rapprocher, demeurant dans la souillure et la corruption de nos actions abominables; il ajoute qu'en recevant le baptème nous avons été ensevelis avec Jésus-Christ, et que nous avons été au même temps ressuscités en lui, par la foi efficace que Dieu qui l'a ressuscité des morts a répandue dans nos cœurs. «Et Vous, dit encore l'apôtre, lorsque vous étiez morts par les péchés que vous commettiez, par les désordres de votre chair et les excès de votre concupiscence, Jésus-Christ vous a rendus participans de sa vie, et vous a remis tous vos crimes; et si, comme il poursuit, vous êtes morts au péché dans le baptême, pour ne dépendre plus des observations et des élémens grossiers et charnels de la loi, pourquoi quelques-uns d'entre vous se laissent-ils encore charger de ses préceptes, comme si vous viviez dans ce monde légal, et sous cette ancienne sujétion, dont Jésus-Christ vous a délivrés? >> L'apôtre, dans tous ces passages nous considère Comme morts d'une mort spirituelle, en telle Sorte néanmoins qu'il reconnaît que notre corps finira quelque jour par la mort. Quand donc il parle de nous, comme ayant été ressuscités spirituellement par la même raison, il ne nie pas que nous ne devions aussi ressusciter corporellement. Enfin « si vous êtes, dit-il, ressuscités avec Jésus-Christ, portez toutes vos pensées et vos affections au ciel, où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu, ayez soin des choses célestes, et ne vous arrêtez point aux choses de la terre 3. » Il montre là quelle est la résurrection en esprit, car c'est selon l'esprit seulement que nous pou

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vons nous élever aux choses célestes, et les choses célestes ne seraient point les objets de nos affections et de nos désirs si dès cette vie nous en avions la possession. Il ajoute : «Vous êtes morts, non pas en vous-mêmes, mais en vos péchés, et la vie dont vous vivez demeure cachée en Dieu, comme Jésus-Christ y est caché. » Cette vie donc qui est cachée, vous ne la possédez pas encore; ainsi saint Jean a dit : « Nous ne savons point encore ce que nous serons1, mais nous savons que quand Jésus-Christ paraîtra dans sa gloire, nous serons semblables à lui. Tant s'en faut que nous soyons déjà vivans de cette vie qui nous est cachée, puisqu'elle ne nous serait pas inconnue si nous la possédions. De cette sorte durant notre vie mortelle, nous avons l'espérance avec laquelle nous contemplons par la foi notre éternelle félicité, mais elle ne nous est pas présente; nous l'attendons, mais nous ne la possédons pas. Et saint Paul aux Galates parlant de cette espérance et de cette attente: « Nous attendons, dit-il, notre justice de la foi par l'esprit d'adoption que nous avons reçu2; » il ne dit pas: « Nous tenons notre justice, »> et par notre justice il entend la justice de Dieu, à cause de celle qu'il nous rendra dans ce jugement final qui nous donnera notre récompense. Et le même apôtre étant comme suspendu dans l'espoir de cette récompense, écrivant aux Philippiens: «Si je puis, dit-il, avoir part à cet état où l'on ressent la vertu de la résurrection des morts, non pas que je croie avoir déjà reçu ce qui est nécessaire pour y arriver, et qu'il ne me manque aucune perfection 3. » Certes, ce vase d'élection, ce docteur des nations avait la foi, et par une lumière toute divine il connaissait tous les ministres de la doctrine de Jésus-Christ; il ajoute néanmoins: «Je cours dans la lice de mon maître, à dessein de le suivre et d'aller à lui, en reconnaissance de la bonté par laquelle il m'a heureusement arrêté, lorsque je m'enfuyais de lui. » Il va encore plus loin : « Je ne crois pas, mes frères, être parvenu à cette perfection où je tends; je n'ai soin que d'une seule chose, qui est d'oublier tout ce que j'ai laissé derrière, et de ne porter ma pensée qu'à ce qui est devant moi, et je fais tous mes efforts afin d'atteindre au bout de la carrière, à ce but où

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